Les toros d’encaste Buendia
Après les Coquilla, nous nous intéressons à un autre branche de l’encaste Santa Coloma. Les Buendia sont la seule branche de l’encaste à ne pas être en voie de disparition. Régulièrement, ils ont leur noblesse leur attire les faveurs des figuras.
De Santa Coloma à La Quinta
Au début étaient le Conde de Santa Coloma
Le 20ème Siècle vient tout juste de commencer. En 1905, Don Enrique de Queralt Fernández Maquieira, comte de Santa Coloma achète la moitié de la ganaderia Ibarra. A ce bétail, il ajoute des toros et vaches d’origine Saltillo. Il réalise ainsi son rêve de rassembler sous un même fer les deux principales branches de l’encaste Vistahermosa. Au début, il maintient les gris (Saltillo) et les noirs (Ibarra) séparés , puis effectuent des mélanges et créé ainsi l’encaste Santa Coloma. Comme nous l’avons vu dans les précédents articles, cet encaste s’est ramifié pour donner entre autres les branches Albasserada, Coquilla et Graciliano.
Les grandes heures de Santa Coloma
L’apogée de la ganaderia du Conde de Santa Coloma se situe en 1919 avec Bravio un grand toro sorti à Madrid. D’abord refusé par les vétérinaires, le bicho, sous la menace du ganadero de retirer les cinq autres, finit par sortir en piste. 6 piques, 6 chutes, 6 chevaux. Bravio est un des toros qui a marqué les arènes de Las Ventas en ce début de siècle. Belmonte et Joselito toréent et triomphent avec les Santa Coloma. Puis les modes passent, Joselito meurt, les figuras préfèrent les Tamaron et les Gamero Civico. La roue a tourné et le Conde de Santa Coloma , malade et probablement ruiné, en 1932 passe une petite annonce dans le Diarrio de Sevilla. Il met en vente sa ganaderia.
La naissance de l’encaste Buendia
Juan Buendia et son associé Felipe Bartolomé achètent en 1921, la ganaderia de Rafael Surga d’encaste Vazqueña. En 1932, son fils Joaquin achète avec l’associé de son père la ganaderia Santa Coloma. Quelques années plus tard, les deux hommes se séparent. Buendia garde le fer du comte et Felipe celui de Rafael Surga. Buendia élimine presque tout le bétail de Vázquez et conserve la moitié de celui de Santa Coloma. A partir de ce jour, son objectif sera de retrouver la bravoure et la caste des Santa Coloma tout en proposant un toro plus noble au troisième tiers. L’encaste Buendia était en train de naître. Durant la Guerre Civile, le ganadero peaufine sa sélection .
Buendia grandeur et décadence
Il se présente à Madrid en 1943. Joaquin a atteint son objectif en matière de toro et son fer est en tête de l’escalafon ganadero jusque dans les années 1970. Le Buendia est un toro noble mais a conservé la caste de ses origines. A partir de 1970, la demande évolue. Madrid impose un toro plus volumineux et avec plus de tête. Buendia a du mal à suivre. Il augmente le trapio de ses bichos mais cela s’accompagne de l’apparition de fadeur, de soseria. Les Buendia ont perdu leur piquant. Les succès se font plus rares. Quelques triomphes dans les années 90, puis plus rien.
Le fer de Buendia est alors dans les mains de José Luis Buendía, fils de Joaquín. En 1996 , le troupeau est partagé entre les treize enfants. Jose Luis conserve les mâles, le fer et un lot de vaches. Trois autres lots sont créés et apparaissent trois nouvelles ganaderias, La Armaguilla, Rehuelga et Buccaré. La première est reprise par José Luis qui réunifie les deux ganaderias et vend le fer de Armaguilla. Il décède en 2008 et l’élevage est repris par son fils José Luis del Cid.
La ganaderia de Buendia a perdu de son lustre mais elle est à l’origine de plusieurs fers qui ont repris le flambeau.
Les héritiers directs Rehuelga et Buccaré
L’héritage de Joaquin Buendia a donné naissance à plusieurs élevages dont certains redonnent de l’espoir aux fans des « petits gris du Conde de Santa Coloma ». En 1996, à la division de la ganaderia de Joaquin Buendia. Outre leur part du bétail, Mari Cruz, Luis, Felipe et Juan Carlos récupèrent la Finca de Rehuelga et créent la «Ganadería de Rehuelga ». Les propriétaires commencent un long travail de sélection. Après une phase « irrégulière », les résultats de ces dernières années laissent augurer que les ganaderos sont sur la bonne voie pour redonner au nom de Buendia son lustre passé. Leurs toros seront cette année au programme de la Féria de Vic.
Parallèlement Pilar, Carmen, Helena, Concha, Rocío et Javier héritent du berceau familiale , la finca de « Bucaré ». L’ex-rejoneador Javier entreprend de retrouver le Buendia « d’origine ». Les premières résultats sont encourageant et Bucaré devient une référence en novilladas piquées. En 2008, à la suite de différends familiaux, la ganaderia est vendue. C’est l’ex-matador Carlos Cancela qui la rachète et la baptise Flor de Jara. Il délocalise le bétail dans la région de Madrid. Le transfert ne se passe pas très bien. Le niveau des Flor de Jara est loin de celui des Bucaré. Les tentatives de donner plus de volume aux toros donnent des résultats décevants. Une reprise en main a lieu. Elle semble porter ses fruits. A suivre, les Flor de Jara seront en non piquée à Magescq et en novillada à Aire sur Adour.
La branche Pablo Mayoral
En 1955, Pablo Mayoral Herrantz fonde une ganaderia à Talavera de la Reina Le bétail est d’origiines diverses et variées Martínez, Vázquez et Santa Coloma. Le fer se fait une réputation en non piquée. N’étant pas membre de l’UCTL, il ne peut pas faire lidier avec picadors. En 1973, il achète un élevage d’encaste Domecq affilié, celui-ci, à l’Union. À son décès en 1986, son fils, Pablo Mayoral Benito, lui succède avant un partage en 1986 entre les huit enfants de Pablo Mayoral Herrantz. Huit fers sont créés, six au nom des filles, un à celui de Pablo Mayoral Benito (revendu à Olivier Riboulet). Le huitième est au nom de la veuve du défunt et le dernier s’appelle « Toros de Pablo Mayoral ».
Ce qui semble compliqué est en fait plus simple sur le terrain. Il y a un troupeau d’encaste Santa Coloma et un autre d’encaste Domecq. Les choses se simplifieront en 2015. De la fratrie, seules Ana, Merche et Mara (la gestionnaire) s’occuperont de la ganaderia. La branche La Laguna/Domecq disparait progressivement. La rame Santa Coloma, « Toros de Pablo Mayoral » est la seule conservée. Elle constituent une variante des Buendia à part entière avec des apports de Vasquez, de Buendia, de Graciliano, d’une branche de Santa Coloma à l’origine des Cuadri. C’est pourquoi il y a des robes variées dans cette ganaderia (jusqu’au jabonero).
Los Maños
En 1988 débute la ganaderia créée à Saragosse par José Macuello avec un mélange parladeño. Rapidement le ganadero intègre du bétail en provenance de la ganaderia de Pablo Mayoral. Première novillada piquée en 2000 à Saragosse, ce sera la première d’une longue histoire avec les arènes de la capitale . En 2007 le sang est rafraichi avec l’apport de deux sementales et des vaches de Bucaré.
La mayonnaise prend, le bétail gagne en bravoure. En 2014, un toro est indulté à Saragosse. 2015, début en France à Parentis avec un excellent lot dont un toro de vuelta. Le bail entre la France et Los Maños vient d’être signé. . Si les résultats en novilladas sont excellents (Bayonne, Parentis) malgré un lot aux cornes douteuses à Boujan., ils sont plus irréguliers en corrida. La ganaderia remporte à deux reprises la Concours de Vic, brille à Madrid mais fournit des lots justes de présentation et manquant de fond comme celui d’Aire en 2022 .
Les Buendia modernes : La Quinta
En 1988, un ancien rejoneador Alvaro Conradi achète le second élevage, La Quinta, de la famille Buendia. Pour se faire une ancienneté à Madrid, il achète en 1992, les droits du fer de la ganaderia de la famille Conradi (homonyme mais sans lien de parenté). En novillada et en corrida, la nouvelle ganaderia remporte rapidement des succès en France et dans le Nord de l’Espagne. Comme tous les propriétaires de ce sang, le ganadero veut recréer le Buendia originel, sorte de toro parfait, à la fois brave au premier tiers et noble au troisième. Pendant un temps, la famille Conradi se limite aux novilladas. Les résultats sont bientôt au rendez-vous avec de nombreux prix remportés des deux côtés des Pyrénnées.
Le retour en corrida se fait à Céret avec grand lot très encasté en 2003. Le fer ne reste pas longtemps cantonné aux corridas toristas. Les figuras (Juan Bautista, El Juli et aujourd’hui Daniel Luque ) toréent les produits de la famille Conradi. Les La Quinta triomphent et permettent des triomphes retentissants (Juan Bautista à Mont de Marsan, Luque à Dax, El Juli à Dax). Ils deviennent «prisés » des vedettes qui les réclament dans les grandes férias. Cet engouement s’accompagne de l’apparition d’un affadissement de la caste. Aujourd’hui les produits de cette ganaderia manquent parfois du piquant « d’origine » de l’encaste Buendia et leur noblesse peut flirter avec la soseria.
Les Buendia de demain : les Pallarès
La famille Cubero élève des toros depuis les années 30. Elle a créé en 1960, la ganaderia Paillarès. José Luis Benítez Cubero,élève sous ce fer des toros d’origine Cubero et du Santa Coloma X Benitez Cubero. En 2008, il intègre du bétail pur Buendia puisque provenant de la ganaderia Bucaré. Si la préférence allait au début au Cubero, la tendance s’inverse aujourd’hui. José Luis privilégie l’origine Bucaré et les résultats obtenus ces ernières années font de ce fer , un des élévages à suivre dans les années à venir.
Ana Romero est un autre fer, plus ancien, d’encaste Buendia dont les résultats ces dernières années (cf Azpeitia en 2022) font un élévage également à suivre.
En synthèse
On répertorie actuellement 25 ganaderias se prévalant de l’encaste Buendia. Ce qui représente 1715 vaches et 73 sementales. Dans la famille des Santa Coloma, Buendia est la seule sous-famille qui n’est pas en voie d’extinction. Le Buendia est un encaste cyclique. Plus réguliers en novilladas, les élevages connaissent des heures de gloire réussissant à satisfaire toristes et toreristes. Ils sont alors demandés par les figuras comme le sont à l’heure actuelle les toros de La Quinta. L’équilibre caste/bravoure:noblesse est difficile à obtenir et surtout à maintenir. La recherche d’une noblesse idéale génère souvent une noblesse fade, de la soseria puis une diminution de la caste .
Caractéristiques morphologiques principales
- Le Buendia est un toro court et bas. C’est un toro léger. Toutes les tentatives pour produire des Buendia « lourds » ont échoué donnant des toros aplomados et fades.
- Ils sont majoritairement cardeños (influence Saltillo très forte). On voit sur certains toros ressortir l’influence Ibarra comme sur le toro grâcié à Dax en 2022;
- Les Buendia sont les mieux armés de la famille des Santa Coloma mais il reste plutôt courts de tête et veletos.
- On retrouve chez eux les caractéristiques communes aux Santa Coloma : profil droit, tête allongée et frisée, yeux grands et globuleux, museau de souris, camus (museau court)
Comportement en piste
Premier tiers
- Nerveux et agressifs, ils sont compliqués à manipuler (campo, corrales)
- Leur sortie en piste est spectaculaire
- Ils sont rapides mais se fixent rapidement dans le capote.
- Ils sont spectaculaires au premier tiers. Leur bravoure s’exprime par des charges de loin et une certaine alegria.
- Au contact du fer, ils manquent de poder
Second tiers
- En bon Santa Coloma, ils récupèrent très vite au second tiers des efforts fournis au premier.
Troisième tiers
- Ils ont une charge courte avec la tête à mi-hauteur. Ils s’expriment mieux quand ils sont toréés en ligne droite .
- Nobles, ils répètent dans la muleta. Leur noblesse peut aller jusqu’à la soseria ce qui leur enlève de la transmission.
- Ils apprennent vite et ne pardonnent pas les erreurs. Mal lidiés, ils peuvent être empoisonnants.
Faits marquants de l’histoire de l’encaste
- Bravio Comte de Santa Coloma qui a pris 6 piques, provoquant 6 chutes et tuant six chevaux. Excellent au troisième tiers, il fait partie des torso historiques de Madrid
- C’est un toro de Los Maños qui a tué en 2016 le matador Victor Barrio à Teruel
- En 2017, lors de la corrida hommage à Fandiño, Juan Bautista coupe deux oreilles et la queue au cinquième La Quinta
- Ils ont permis à Daniel Luque de triompher à Dax , le 13 Août . Le sixième toro a été grâcié.
Principales ganaderias de l’encaste en Espagne
- La Quinta
- Buendia
- Bucaré
- Los Maños
- Toros de Pablo Mayoral
Principales ganaderias de l’encaste en France
Turquay
En 1997, Jean François Turquay se voit contraint d’abattre pour raison sanitaire les toros de sa ganaderia. Il décide de redémarrer avec du bétail provenant de la ganaderia El Siete d’origine Pablo Maoyral. Représentatifs de ce fer, on retrouvait chez ces Buendia, les origines Santa Coloma (majoritaire) mais aussi Vazquez et Martinez des toros de la famille Mayoral. En 2015, le sang est rafrîchi avec l’apport de 8 vaches et 3 mâles non tientés de Joaquin Buendia.Peña Ces apports continuent pendant deux ans avec des vaches de Joquin Buendia El Cid. Ils sont complétés par l’arrivée au domaine en 2017 d’un semental de Coquilla de Sanchez Arjona (via Ana Romero).. On verra le fruit de cette sélection à Orthez en juillet. Manu Turquay, qui dirige aujourd’hui la ganaderia, amenera ce jour là dans le Béarn sa première novillada piquée 100% Turquay.
La Golosina
Depuis des années, la famille Jalabert élève des toros au Mas de la Chassagne. Jean Baptiste a décidé en 2019 de créer un troisième fer après ceux du Laget et de Jalabert Frères, Il a souvent triomphé face à des toros de La Quinta. Grâce à ses relations avec la famille Conradi , le matador français achète toros et vaches qui vont constituer le socle du dernier des élévages d’encaste Buendia (et il est français).
Sources : www.terresdetoros.fr, Corps des Présidents et Alguaciles de corridas, Chaine You Tube « Les Encastes »
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