Garlin: convivialité, sérieux et fidélité
Convivialité, sérieux et fidélité, ces trois mots caractérisent la journée taurine organisée à Garlin. Tertulias a rencontré Robert Desclaux, le secrétaire de la Peña Taurine Garlinoise, pour qu’il nous présente l’édition 2023 .
Tertulias : « Depuis quand sont organisées des novilladas à Garlin ? »
Robert Desclaux : « Il y a déjà eu des spectacles taurins à Garlin dans les années 1950. C’étaient des particuliers qui montaient ces courses. C’étaient des corridas, des novilladas, des spectacles mixtes. Certaines courses ont connu des déboires financiers. La dernière a eu lieu en 1959. ll y a eu ensuite une interruption pendant presque 30 ans.
Tertulias : « Qu’est ce qui est à l’origine de la reprise de ces novilladas ? »
Robert Desclaux : « Une association Sud-ouest Toros créée par cinq aficionados a contacté le comité des fêtes de Garlin. Cette association avait été fondée pour soutenir depuis le début, la carrière du novillero Olivier Martin. Parmi les membres, il y avait Olivier Martin, Jean Gilbert et un certain nombre de jeunes aficionados. En 1985-1986, ils ont contacté les arènes pour monter des spectacles et permettre à Olivier de toréer. Ils se sont rapprochés aussi d’organisations comme Mugron, Garlin et Saint-Perdon. »
Tertulias : « Comment s’est passé le retour des toros à Garlin ? »
Robert Desclaux : « En 1986, le comité des fêtes de Garlin a accepté de monter une course. Fin 86, Olivier Martin arrête sa carrière mais l’association a continué. C’est ainsi que les novilladas ont repris à Garlin.
La première a été organisée dans le cadre de la fête locale de juillet. La fréquentation a été bonne. Ce spectacle venait à la suite des très grands spectacles de Music-Hall qui étaient organisés régulièrement. Il y a des très grandes vedettes qui sont venues. Les cachets des artistes devenaient exorbitants. C’est la novillada qui a pris la place de ces spectacles.
La première année, Sud-ouest Toros l’a organisé en intégralité. Ils ont pris des risques financiers et ont perdu un peu d’argent. L’année suivante, le comité des fêtes s’est investi à 50%. En 1988, la Peña a été créée. À partir de cette année, le comité des fêtes a organisé seul la course. Bon an mal an, l’organisation a continué. La Peña s’est investie de plus en plus. Elle organisait les repas et on est arrivés à des repas assez conséquents. Pendant une quinzaine d’années, les deux associations ont géré de concert. Puis la Peña a fini par prendre la relève et a pris en charge toute l’organisation. »
Tertulias : « Quels élevages sont venus pour ces novilladas des Fêtes ? »
Robert Desclaux :« Il y a eu pendant cette période des élevages qui ont été très fidèles à Garlin. D’ailleurs, nous avons toujours fonctionné sur la fidélité quand ça marche bien, on répète. Il y a eu quelques sagas comme Juan Pedro Domecq, Fuente Ymbro, Conde de Mayalde et Javier Perez Tabernero. »
Tertulias : « Pourquoi rajouter une novillada en avril ? »
Robert Desclaux : « En 2002, c’est une date importante pour nos arènes, on a construit les corrales, rebâti la tribune Présidence en dur et refait une partie de la piste. Pour l’inauguration de ces travaux que nous venions de réaliser, il a été organisé une novillada au mois d’avril. Cette organisation devait être éphémère. Ce jour-là, nous avons présenté les Fuente Ymbro. La course a très bien marché .nous avons reconduit l’élevage les deux années suivantes et 2004 fut l’année où le taureau Idéalista de Fuente Ymbro a été gracié par Fernando Cruz.
Petit à petit et bon an mal an, on a ajouté cette novillada à celle des festivités de Garlin. A partir de ce moment-là, on a fonctionné sur deux dates, celle d’avril et celle de juillet. En avril, on faisait une novillada sans picador le matin puis une novillada l’après-midi. On a été vite déçus du peu de public le matin. On a rajouté à cette journée d’avril et ce n’est pas négligeable, ce qui fait un peu la spécialité de Garlin, le festival de Garbure. Nous avons a toujours cherché à se démarquer, avoir un peu d’originalité. »
Tertulias: « Par exemple? »
Robert Desclaux : « En 2011, on a organisé une goyesque. Nous avons retrouvé dans les archives de Garlin des papiers qui parlaient de la naissance du roi de Rome, le fils de Napoléon 1er en 1811. Ce jour-là, les préfectures avaient autorisé et incité les villages à organiser des fêtes et même à faire des courses de toros telles qu’elles se pratiquaient à l’époque. Tout cela pour fêter la naissance du Prince Héritier. Nous avons décidé de fêter ce bicentenaire et de le faire par une novillada goyesque. Cela a été probablement la première en France.
On est partis sur cette idée, même s’il y avait des surcoûts pour les tenues et accessoires. On a agrémenté cette journée d’une reconstitution historique. Un groupe de belges est venu animer la journée et recréé l’esprit de l’époque de Napoléon. On avait un bataillon complet de l’armée napoléonienne, une exposition de vieux outils et également une exposition de tableaux de Goya (de reproduction). On avait aussi sollicité Nicolas Vergonzeanne, qui avait fait un saut à la Garrocha. Nous avons passé une journée extraordinaire. Ce fut notre premier « No Hay billettes » pour la novillada. TF1 s’est même déplacé. »
Tertulias : « Et par la suite ? »
Robert Desclaux : «Le soufflé est un peu retombé avec deux années pas à la hauteur. La Novillada de Hoyo de la Gitana n’avait pas fonctionné. La novillada de juillet n’a pas été simple. Il avait fallu remplacer les trois novilleros de l’affiche. Quand on ne propose qu’une une ou deux dates dans l’année, on n’a pas beaucoup droit à l’erreur. Quand on a cinq ou six corridas on peut toujours se rattraper. Avec deux courses ou une course, ce n’est pas possible. »
Tertulias : « Qu’avez-vous fait alors ? »
Robert Desclaux : « Nous avons décidé de changer. Il y avait un élevage qu’on avait dans le viseur depuis deux ans. Il était très bien sorti à Madrid. Nous suivons tout ce qui se passe en en France et en Espagne, en novillada. Nous l’avions repéré. Cet élevage c’est Pedraza de Yeltès. Nous les avions sollicités en 2012, mais ils n’étaient pas prêts. Ils n’avaient pas un lot complet pour nous. En 2013, cela a été possible et nous en avons profité également pour réorganiser notre journée.
Nous avons créé la Fiesta Campera de l’opportunité le matin. A cette Fiesta Campera participent deux jeunes et le public choisit celui qui qui sera au cartel de l’après-midi. Donc, 2013 a été la présentation en France de cette ganaderia qui était très récente. Lors de leur présentation à Madrid, il y avait Juan del Alamo. C’est un novillero avec lequel aussi on a une histoire de fidélité. Juan est avec Fernando Cruz, le novillero qui a le plus toréé à Garlin. Juan et son mozo de espada Jean-Luc Dufau connaissaient bien cet élevage. Ils nous en ont parlé et donc nous avons pris le pari de programmer Pedraza de Yeltès.
Tertulias : « Quel résultat pour ce changement de formule et d’élevage ? »
Robert Desclaux : « Donc en 2013, on a changé notre formule qui était un peu à bout de souffle avec la novillada non piquée le matin par le système de la qualification. Et l’après-midi avec un nouvel élevage Pedraza de Yeltès, la novillada a été excellente en 2013. Paradoxalement, il n’y avait pas eu de vuelta de toro. Quand on revoit les images, on le regrette car au moins un novillo la méritait. Le public avait été impressionné par les tercios de pique. »
Tertulias : « Quel a été votre relation avec la famille Uranga, les propriétaires de Pedraza de Yeltès, par la suite ? »
Robert Desclaux : « On a été très surpris et très touchés aussi par la fidélité des éleveurs pendant les années suivantes. Malgré leur succès à Dax, Mont-de-Marsan, Bayonne ils ont continué à vouloir venir dans notre village. Nous avons eu la chance de faire connaître cet élevage, mais il est vrai que la notoriété est venue dans les années suivantes, avec par exemple la corrida de Dax et Miralto en 2014. Nous avons continué à entretenir de très bonnes relations, très amicales, avec des gens qui sont maintenant propriétaires d’un élevage. prestigieux. Modestement, nous sommes heureux et fiers d’avoir la seule novillada complète. de cet élevage chaque année. Il existe un vrai respect mutuel. Venir à Garlin intéresse Pedraza, puisque c’est une sorte de laboratoire pour eux . »
Tertulias : « Combien de temps va durer cette fidélité ? »
Robert Desclaux : « L’histoire peut s’arrêter un jour. Mais aujourd’hui, rien n’est fixé et on est prêt à continuer. Peu de couples arènes et d’élevages ont une telle longévité surtout pour de petites arènes. Jusqu’à maintenant, la ganaderia nous a bien servi. On comprend qu’en novillada, on ne peut pas avoir les toros de la présentation de ceux qui vont sortir à Madrid, Dax, Vic en corrida. Néanmoins, nous avons toujours eu des lots qui nous convenaient; qui étaient dans l’esprit de Garlin, et de la tauromachie du Sud-ouest.
C’est l’encierro prestigieux d’un élevage qui ne sort sinon qu’en corrida. Pour la ganaderia, c’est aussi un très joli laboratoire. Il peut tester des sementales, des familles, des essais de sélection. Pour la fiesta campera, on a les mêmes critères. Pour l’anecdote, en 2015, il est sorti un novillo qui faisait près de 600 kilos qui ne pouvait pas sortir à Madrid car hors poids. Heureusement que Diego Carretero avait du métier. »
Tertulias : « Quels sont les novilleros qui ont marqué les arènes de Garlin en vingt-sept ans ?
Robert Desclaux : « Depuis 1986, il y a des noms importants qui sont venus. Tous les toreros n’ont pas fait carrière mais on a quand même eu des garçons comme Juan del Alamo, José Tomas, Antonio Ferrera, Javier Conde, Morante de la Puebla. Plus récemment, on a eu, pour les français, Juan Bautista, Sébastien Castella (deux fois), Roca Rey, Adrien Salenc , bien évidemment le béarnais Dorian Canton et les deux frères Adame pour les Mexicains. »
Tertulias : « Pour trouver des toreros qui acceptent de venir devant les Pedraza ou de participer à la Fiesta campera du matin, comment ça se passe ? »
Robert Desclaux : « Quand on a imaginé cette formule, on avait quelques scrupules au départ. Le matin, il en reste un sur le quai de la gare. Nous nous sommes rendu compte qu’il y avait plusieurs cas de figure. Certains ont montré leurs limites et n’ont pas passé le cap. Cependant, Alejandro Marcos, qui ne s’était pas qualifié la première année est revenu l’année suivante. On l’avait mis l’après-midi parce qu’il avait fait une bonne saison. Hector Gutteriez ,un des non qualifiés, fait actuellement une bonne carrière. Maintenant, on a un peu moins de scrupules au regard de ce qui s’est passé sur les dix premières saisons et du peu d’occasions pour les novilleros de se montrer. »
Tertulias : « Comment se fait la sélection des toreros de l’après-midi ? »
Robert Desclaux : « L’après-midi, en revanche, il faut trouver des toreros qui se démarquent de ceux du matin. Il ne nous semblait pas normal de mettre un torero puntero le matin et pas d’emblée l’après-midi. Il fallait qu’il y ait vraiment un statut différent. Depuis deux ou trois ans, tout le monde veut passer, y compris le matin.
Cette année on a un exemple type avec Jorge Molina. Il fera la qualification du matin, pourtant c’ est un torero qui fonctionne. Il est quand même le vainqueur de Villaseca de la Sagra avec 4 oreilles, ce qui n’est pas rien. Nous étions en balance pour le mettre l’après-midi. Après avoir choisi Garcia Pulido et Christian Parejo, nous avons quand même demandé à Molina de passer par la qualification du matin. Il a accepté. »
Tertulias : « Qu’est ce qui explique cette évolution ? »
Robert Desclaux : « Il est vrai qu’il y a moins de novilladas aujourd’hui. Il y a une vraie attractivité à venir à Garlin C’est le début de saison. Ce sont les toros de Pedraza qui ont quand même en France une image forte, offrant une certaine garantie. Ils ont du volume mais à la muleta, ils servent. Chaque année, on a une soixantaine de demandes pour venir. On essaie aussi de voir avec nos amis organisateurs avec qui on a de très bonnes relations, comme Mugron pour monter des cartels qui ne se télescopent pas trop. On cherche à monter des cartels avec les meilleurs possibles, par respect pour le public, par respect pour les ganaderos. »
Tertulias : « Cette année, c’est le 10e anniversaire. Comment avez-vous organisé les festivités autour de cette célébration ? »
Robert Desclaux : « Nous avons voulu marquer le coup pour fêter ces 10 ans. Nous avons organisé un concours photo centré sur l’élevage de Pedraza de Yeltès. Nous avons été très surpris du nombre de participants et des photos qui nous ont été transmises. Ce sont 32 photographes qui ont participé. Cela représente 93 photographies. Pour l’instant, nous les avons présenté sur notre site internet de la Peña de Garlin. Le palmarès sera communiqué le 28 mars.
Nous nous sommes faits aider pour la partie communication et photos par la photographe montoise, Jennifer Harispe. Elle va souvent chez Pedraza, à la finca. C’est elle qui a composé l’affiche de la corrida. Pour le concours, elle est hors compétition, mais elle fera une exposition le jour de la novillada, dans la grande salle où ont lieu les repas. »
Tertulias : « Quelle autre animation est programmée ? »
Robert Desclaux : « On organise une conférence sur l’élevage Pedraza de Yeltès. Elle aura lieu le 1er avril à 21h, au cinéma de Garlin. Seront présents José Ignacio Sanchez, le représentant de l’élevage et Curro Sanchez le mayoral. Curro, qui est aussi picador, parlera du tercio de pique et le mettra en avant. Il y aura Vicente Sanchez Lopez, écrivain espagnol. Il a écrit un livre sur les toros du Campo Charro et nous parlera des origines et des caractéristiques des toros de la région de Salamanque. Miguel Darrieumerlou et Jean-Louis Haurat mèneront le débat.
Il y aura des photos en support et des films de tienta et de corridas. Seront aussi évoquées l’évolution et les perspectives de la ganaderia de Pedraza de Yeltès. »
Tertulias : « Quels sont les facteurs-clés pour rentabiliser une telle organisation ? »
Robert Desclaux : « Les Arènes font 1800 places. Il y a eu des No Hay Billettes. Nous avons les mêmes contraintes économiques que les organisateurs similaires, comme Mugron Saint-Perdon. Pour équilibrer, il faut qu’on arrive à 1400/ 1450 places vendues. L’équilibre se joue à 100 billets vendus. C’est une lutte permanente pour rentabiliser. On a abandonné la date de juillet parce qu’il y avait moins de fréquentation. Cette diminution est liée à la concurrence en cette période et aussi parce que les fêtes de Garlin ont perdu de leur superbe. Celle qui que nous avions organisée pour les 30 ans de la Peña s’est soldée par un déficit financier. C’est toujours très compliqué pour récupérer ces pertes.
Pour faire les choses bien et parce qu’on a plus trop le choix, nous nous sommes concentrés sur la date d’avril. La mairie nous accorde, comme pour toutes les sociétés et clubs de Garlin, une subvention. Elle est forcément à la taille de la commune. Nous avons aussi des partenaires qui nous aident . Le matériel, les arènes sont mis à disposition gratuitement, le personnel pour les entretenir aussi. Pour les partenaires, ce n’est pas toujours facile, mais on a des bonnes volontés. On est dans une petite commune rurale peu industrialisée, mais on a quand même des sponsors qui sont fidèles. Le repas de midi avec près de 1000 personnes à chaque fois, contribuent aussi à l’équilibre financier de la journée. Sur ce repas, nous faisons tout y compris les garbures et le service. Cela mobilise une centaine de personnes qu’il faut féliciter pour leur enthousiasme et leur investissement.»
Tertulias : « Comment les organisateurs vivent-ils cette journée ? »
Robert Desclaux : « Il y a une part d’inconnu, on met huit novillos dans une arène et on ne sait pas si ça va fonctionner ou pas. En amont, nous faisons tout notre possible pour que ça puisse fonctionner. On y met tout notre cœur et c’est notre force.
Pour les organisateurs, la journée est hyper stressante. L’an dernier, il faisait un froid de canard. La cavalerie a été changée la veille à cause du COVID dans l’équipe de chez Philippe Heyral. Il y a eu un toro à changer le matin, il a fallu retrouver un sobrero dans la matinée pour l’après-midi. Tout ça, c’est une accumulation de choses qui font qu’on ne regarde que peu la novillada. On est totalement accaparés par tous ces détails d’organisation. Après le soir, quand la pression retombe, qu’il y a eu du public et que visiblement les gens ont passé une bonne journée, là on, on vit les choses mieux. C’est ce qui nous rassure le plus. »
Tertulias : « Qu’est ce qui fera que les organisateurs garlinois seront contents dimanche soir ? »
Robert Desclaux : « Nous sommes satisfaits si on est arrivés à un peu à faire oublier tous les tracas de la vie quotidienne aux gens qui sont venus et qu’ils aient le sourire en quittant les gradins. L’aspect financier est non négligeable, mais finalement secondaire par rapport au sourire et au plaisir des gens. »
Merci Robert pour toutes ces informations.
Rendez vous est pris le 1er avril, 21h, au cinéma de Garlin pour la conférence. Le lendemain, à 11h, Fiesta Campera de l’Opportunité avec deux Pedraza de Yeltès pour Jorge Molina et Bruno Aloi. Après le repas Festi-garbures, à 16h30 , Garcia Pulido, Christian Parejo et le vainqueur du matin seront opposés à 6 Pedraza de Yeltès.
Réservation au 07 72 26 42 45, ou directement au bureau de réservation : 14 Cours de la République à Garlin, de 10h à 12h et de 16h à 19h. Le paiement par CB est possible et recommandée.
Propos recueillis par Philippe Latour et Thierry Reboul
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