Ma première, sa dernière à Illumbe.
Ma première, sa dernière à Illumbe.
Jour de première
En ce 15 août, point d’agur. Pour moi ce fut la découverte des arènes d’Illumbe à San Sebastián. Les ferias battent leur plein, mais cette fin de saison est marquée par l’annonce de la fin de carrière du maestro Julián Lopez Escobar « El Juli« . Il a décidé d’y mettre fin après vingt cinq ans d’alternative et de succès dans toutes les plazas du monde.
A mon arrivée aux abords de cette arène inauguré en 1998, j’ai l’impression de voir un palais des sports plus qu’une arène. Accédant au patio grâce à un ami local bien connu des aficionados du Sud-ouest, j’ai droit à une visite guidée des lieux. Voir les entrailles peu accessibles au public un jour de spectacle est un plaisir. En sous-sol, durant une heure trente d’avant paseo, le petit monde du patio se met en route. Les areneros finissent de préparer la piste, les chevaux de piques sont préparés et échauffés, on y croise le personnel médical, les mules, les alguazils qui montent leurs chevaux, le boucher…
Le callejon s’achète à Illumbe et les VIP arrivent tranquillement suivies des invités et de l’empresa. L’heure d’arrivée des toreros se précise, les picadors arrivent. Quelques minutes plus tard, celui que tout le monde attend apparaît. D’un coup, tout le monde s’affole et se précipite pour faire un photo avec El Juli. Souriant, il se prête au jeu même pour les embrassades de quelques dames un peu trop collantes. Dans un coin, mon petit bonhomme le regarde avec des yeux de fascination pour cet homme en habit de lumière. Quelle joie de partager ce moment suspendu et privilégié. Du haut de ses quatre ans, iI ne se rend pas compte que c’est la première et certainement dernière fois qu’il le verra en torero. On immortalise le moment avec une photo remplie de sourires et pleine d’affection.
Il est temps de gagner notre place. Bien installés sur des sièges personnalisés (comme à Bilbao) je pense à Dax samedi dernier ou à Mont de Marsan plus tôt dans la saison, quand on se retrouve avec une place pour une demie fesse pour trois heures de spectacle. Il faudra un jour réfléchir à l’accueil et au confort de l’aficionado dans nos arènes.
Jour de dernière
La corrida est une mixte, le jeune Guillermo Mendoza représente le futur du rejon. Un échec aux aciers lui fera perdre les trophées. Andres Roca Rey n’est pas suffisamment remis de sa blessure au Puerto. Il est remplacé par Tomás Rufo qui coupe une oreille de son premier et se voit injustement refusé celle de son second alors que la pétition était ultra majoritaire. Le palco lui a sûrement fait payer les épées tombées.
Vient donc en piste El Juli. En remontant du patio jusqu’à ma place je n’ai pu m’empêcher de repenser à mon père, lui qui aimait venir dans ces arènes pour les novilladas de printemps. Lui, qui surtout fut le premier à me parler de Julián López Escobar.
Il me parlait de ce phénomène en rentrant de Nîmes suite à sa présentation sous la bulle. Pas plus haut que trois pommes, ce gamin avait fait chavirer toute l’aficion par son aplomb, sa toreria et sa technique. Mon père me raconta à l’époque qu’il venait de voir un génie de la tauromachie. Il n’était pas visionnaire mais simplement un aficionado averti qui avait vu tout le talent du jeune madrilène.
Sa précocité l’a mené à prendre l’alternative très jeune pour s’installer en haut et ne plus jamais en sortir. Durant cette ultime soirée lors de la Semana Grande, il va encore une fois prouver qu’il est le plus grand torero de sa génération. En deux coups de capote, il sait déjà quelle lidia il faut pour le toro. Sa technique, sa connaissance des toros et des terrains font le reste. Il coupe l’oreille de son premier. Julian ne court plus après la gloire. Il torée pour son accomplissement personnel et personnellement je reprends du plaisir à le voir dans les ruedos. Excellent à Madrid en 2022 il marquera la San Isidro 2022 par cette faena mémorable à un exemplaire de La Quinta. cette faena finira par des larmes d’émotion du maestro qui avouera que cela fut sa plus grande faena dans la capitale des plazas.
Arrive son ultime toro dans les arènes d’Illumbe, dès le capote tout le monde a compris qu’il veut terminer en beauté. Le quite de Rufo ne fait que le motiver encore plus encore et le voila qui revient centre piste. Il prend le capote pour faire des lopecinas. Encore un clin d’oeil de l’histoire puisque cette passe fut remise au gout du jour lors de son alternative en septembre 1998 à Nimes. Elles sont somptueuses et la media qui suit fait lever le public d’un seul homme.
La faena débute par des cambiadas au centre. c’est un modèle de poder et de dominio. En une faena, se résume la carrière du maestro El Juli. Le Jandilla tombe, le public est debout, Illumbe résonne sous les applaudissements. Les deux pavillons tombent sans conteste. Le maestro peut sourire il a réussi sa dernière, moi je me souviendrai de ma première.
Merci maestro et bonne retraite à vous.
Laurent L.