Alès : Grande corrida du Curé de Valverde, Sanchez Vara à hombros.
Sanchez Vara a triomphé à Alès face à de très bons Curé de Valverde. Il y a quelques décennies, les matadors vedettes appréciaient les toros du Curé de Valverde. Petit à petit ce fer a perdu de sa superbe et s’est retrouvé cantonné aux corridas dures. Ils ont fait les beaux jours des arènes d’Alès où près de cent toros de ce fer ont été combattus. Jean Luc Couturier a récupéré un élevage en déshérence. Avec son équipe, il a travaillé à lui redonner son « prestige d’antan ». Le succès de la corrida de ce jour à Alès vient récompenser leurs efforts. Souhaitons que cela soit le premier jour d’une ère nouvelle.
Beaucoup de croyances ou d’à priori ont été mis à mal ce dimanche. Oui, on peut produire un toro avec du tamaño et du poids, un vrai athlète et non un obèse qui met les genoux au sol au premier muletazo. Oui on peut produire des toros de presque 6 ans, qui poussent au cheval et qui humilient dans la muleta. Et en plus, il durent. Oui il peut y avoir de ‘l’émotion artistique » dans une corrida dite torista avec des toreros qui baissent la main. Et il peut y avoir, avec ces toros, des moments de silence attentif du public dignes des grandes arènes. Oui on peut assister à une corrida qui dure trois heures sans voir le temps passer!
Face à ces toros, Sanchez Vara est l’homme de la situation. Il l’a montré ce dimanche. Chef de lidia hors pair, il a coupé deux oreilles après des faenas sérieuses, construites constituées de muletazos sincères et non dénués de sens artistique Maxime Solera a, et c’est un soulagement pour lui, bien estoqué. Il a coupé une oreille après une faena comportant de très beaux et bons passages à gauche. Le colombien Sebastian Ritter n’a pas démérité face à son premier toro. Ce fût un peu plus complexe face au compliqué cinquième.
Deux petits regrets, puisqu’il faut bien en avoir.: une pique utilisée à l’envers au premier et au second toro et l’absence de salut du mayoral à l’issue de la course.
Fiche Technique
- Arènes du Temperas à Alès 3ème corrida de la feria 2022
- 6 toros du Curé de Valverde très bien présentés , bons les deux premiers, excellents les troisième et quatrième, intéressant le sixième. Tous les toros étaient nés en 2016.
- Javier Sanchez Vara : une oreille, une oreille
- Sebastian Ritter: vuelta, salut
- Maxime Solera: un avis et une oreille, silence
- Vuelta au quatrième toro
- 14 piques normales et deux au regaton, ovation pour le picador Jean Loup Aillet au sixième toro.
- Président Nicolas Pétriat (Orthez)
- Beau temps, toujours du Mistral, 2/3 d’arène
L’album complet de la corrida , Photos de Philippe Gil Mir ⤵️
Toro a toro
Le premier Curé de Valverde est une estampe de toro. Il a une armure à faire rêver tous les collectionneurs. Il est applaudi à son entrée en piste. Suelto, il humilie dans le capote de Sanchez Vara. Bien mis en suerte mais mal piqué , il prend un premier puyazo en poussant. Le chef de lidia demande à son picador de mettre sa pique avec la face rouge du bon côté pour la deuxième rencontre. Le toro pousse puis se défend sous le fer. Troisième cite au regaton , le toro vient avec une belle charge. Sanchez Vara est ovationné après un bon tercio de banderilles.
Après avoir brindé au public, il met le toro au centre. Le bicho a de la caste et il humilie dans la muleta . Le torero de Guadalajara après une bonne série à droite, prend la main gauche pour deux enchaînements de naturelles sincères et templées. La meilleure corne du toro reste la droite comme le prouvent les derechazos qui suivent. Sanchez Vara tire le toro au maximum à chaque passe et les pechos de conclusion sont superbes. Bonne entrée à matar pour une quasi entière en place et efficace, oreille méritée pour le torero et palmas pour le toro.
Le second, bien reçu par Sébastian Ritter, déchire la cape du colombien. Il prend un premier puyazo en poussant. Comme Sanchez Vara, Ritter demande à son piquero de remettre la puya à l’endroit. Le bicho vient bien à la seconde rencontre mais pousse moins. Troisième cite au regaton, belle et puissante charge du toro, le picador manque de tomber. On voit bien la limite de ce type de mise en suerte surtout avec des toros puissants. Plutôt que de mettre en danger le cavalier, il serait plus judicieux d’utiliser une pique de tienta de machos pour mettre en valeur les toros braves .
Sebastian Ritter brinde au public. Il cite le toro de loin. Le toro a, lui aussi, de la caste et de la noblesse. Il permet au colombien de réaliser, sur les deux cornes, une faena construite, intéressante, avec de l’émotion sur les deux cornes. Certains muletazos ont même de la profondeur. Vuelta pour le torero après une entière légèrement tombée, palmas pour le toro.
Le troisième est lui aussi bien armé et proportionné. Il pousse avec de la classe à la première rencontre (belle résistance du cheval). Le toro s’emploie un tout petit peu moins à la seconde mais se reprend à la troisième . Il vient avec alegria et pousse en mettant les reins. Le Valverde est brave et il est aussi noble. Il met la tête en humiliant dans la muleta de Maxime Solera. Après deux bonnes séries à droite, le fosséen enchaîne deux séries de naturelles, templées et main basse. Effectivement, on peut toréer avec art dans une corrida torista. La fin de faena est superbe mettant en évidence les qualités du toro. Maxime s’engage avec conviction pour une belle entière en place qui nécessite un descabello, une oreille pour le torero et palmas pour le toro. Le mouchoir bleu n’aurait pas été scandaleux.
Le quatrième arrache la cape de Sanchez Vara lors d’une tentative de paquirrina. Le torero se « venge » en lui soutirant une très belle série de capotazos. Le toro prend un premier très (trop) gros puyazo en mettant les reins. La seconde pique est plus légère. Après un très bon tercio de banderilles (excellente la seconde), le torero enchaîne trois superbes séries de derechazos , chacune allant à mas. Il allonge la charge du bicho en se croisant et avec temple. A gauche, cela ne fonctionne pas sur le premier enchaînement, le torero n’insiste pas sur cette corne (dommage!). Retour à droite, pour un final de qualité avant une demie. Le toro lutte pour ne pas tomber, un descabello , une oreille pour le torero et vuelta pour le torero.
Le cinquième est bien présenté mais il est tardo et à une charge courte (et avisée) dès son entrée en piste. Il prend un premier puyazo en poussant. Il s’investit moins dans la seconde rencontre. Les banderilleros s’en méfient, le matador aussi. Une tentative à droite , puis une à gauche, c’est compliqué. Quelques passes « d’alignement » et Sebastian Ritter tue au deuxième descabello après un pinchazo et une entière. Salut
Le sixième , superbe de présentation, est applaudi à son entrée en piste. Il prend deux bons puyazos en mettant les reins. La troisième pique est superbe par son exécution et l’engagement du toro (ovation au picador français Jean Loup Aillet). A la muleta, le toro vient de loin mais à besoin de se reprendre en début de faena après le tercio de piques. Maxime Solera le toréé passe à passe , le toro répond bien. Il est, en bon Conde de la Corte, prêt à aller à mas . Pour cela il a besoin d’être plus obligé pour s’exprimer totalement. Au lieu d’enchaîner les passes en les liant, Solera continue « le passe à passe ». Le toro finit par s’ennuyer et va, comme la faena, à menos. Silence pour le torero après une bonne épée à la rencontre.
Thierry Reboul
