ActualitésInterviews

Paroles de présidente : Colette Lacomme

Paroles de présidente : Colette Lacomme

Loués ou critiqués, les présidents de corrida n’ont pas toujours la vie facile au palco. Avec leurs deux assesseurs, ils sont garants du bon déroulement du spectacle taurin. Leurs mouchoirs par leur nombre ou leur couleur sont lourds de sens quand ils apparaissent aux yeux de tous. Tertulias est allé à la rencontre de ces acteurs importants d’une corrida afin qu’ils nous parlent de la corrida vue d’en haut!

Colette Lacomme n’est pas tombée dans la marmite de l’aficon dès son enfance. C’est à l’âge adulte que la tauromachie l’a happée. Dans son parcours, de membre du cercle taurin villeneuvois à présidente depuis 2023, cheville ouvrière du bolsin de Bougue dont elle s’occupe depuis la première édition, l’aventure du palco présidentiel est arrivée en 2016. Colette y est montée comme assesseur et depuis a alterné cette place avec celle de présidente. C’est une des rares représentantes de la gente féminine a pouvoir s’en targuer. En 2023, elle a présidé les non piquées de Plaisance du Gers, Mont de Marsan et Vic Fezensac et Rion des Landes.

Tertulias : « Comment es-tu devenue aficionada ? »

Colette Lacomme :« Je suis venu en aficion un peu par hasard. Dans ma famille à part ma sœur ainée qui a vu quelques corridas, il n’y a pas d’aficionados. C’est à la trentaine par l’intermédiaire d’amis que je me suis interessée à la tauromachie. Je connaissais des membres du Cercle Taurin de Villeneuve de Marsan où j’ai rencontré des gens très sympathiques. Et c’est comme cela que j’ai commencé à assister à des corridas. »

Tertulias : « D’aficionada à présidente comment s’est déroulé ton parcours?»

Colette Lacomme :« L’envie est venue de la proposition qui m’a été faite car Je ne me suis jamais proposée pour monter au palco. J’en ai discuté avec des amis qui m’ont poussée à accepter. J’ai tenté l’expérience qui m’a intéressé.

Mon premier palco fut comme assesseure en 2016 à Mimizan. J’ai ensuite présidé la novillada du matin à Rion des Landes (et depuis je suis toujours la présidente de cette novillada matinale). J’ai continué à Mont de Marsan. C’était une présidence tournante unique qui faisait toutes les courses des Fêtes à partir de 2017. J’étais avec Philippe Lalanne et Jacques Grué. On alternait sur les cinq corridas des fêtes. J’y ai présidé en 2018, la corrida des adieux de Padilla au Plumaçon. J’ai été assesseure à Dax, Plaisance du Gers, Saint Sver. j’ai présidé les non piquées de Plaisance du Gers, Mont de Marsan et Vic Fezensac et Rion des Landes. J’ai également présidé à Gamarde, Hagetmau (NP et NSP) et Mugron .»

Tertulias : « Quel est pour toi, le rôle du président avant et pendant une course? »

Colette Lacomme :« Pour moi présider, c’est une grande responsabilité. Nous avons aussi une image à transmettre et à donner de rigueur et de respect du déroulement de la corrida. Pour l’avant, le moment important c’est le sorteo. Il y a une vraie rigueur à avoir et à montrer. Il faut être présent à l’ouverture des caisses (piques, banderilles). On doit s’assurer que tout le monde est là. Il faut vérifier en particulier que l’équipe médicale est au complet. Pour l’anecdote, à Mimizan pour mon premier palco, il a fallu retarder le paseo car le médecin était bloqué dans les embouteillages.

Pendant la corrida, le président doit être très attentif à tout ce qui se passe en piste. Quand je préside mes assesseurs sont là pour m’aider car parfois, même si on essaie d’être attentifs à tout , on peut passer à côté d’e quelques chose. Présider, c’est beaucoup de rigueur, d’attention.»

Tertulias : « Durant une corrida faut-il laisser la place à l’esprit ou bien appliquer strictement le règlement ? »

Colette Lacomme :« Si sur une non piquée, on peut par exemple sur les avis être plus dans l’esprit, sur une corrida on doit appliquer strictement le règlement car les matadors sont confirmés dans leur métier. Sur les trophées, la première est celle du public. C’est toujours difficile à appréhender car tous n’ont pas un mouchoir blanc dans la poche. Ca siffle, ça crie et cela prête à confusion. C’est là qu’il est important de discuter avec les assesseurs sur notre ressenti, sur ce que l’on a vu pour pouvoir prendre une décision. Après si le public la demande, on se conforme à l’avis du public même si tout n’ a pas été orthodoxe, »

Tertulias : « Comment gères-tu la pression du public ? »

Colette Lacomme :« Aujourd’hui c’est plus difficile de présider les spectacles taurins et en particulier les corridas.  Je pense qu’il y a de moins en moins de public connaisseur dans les arènes. Il y a tout un apport de grand public qui n’a pas une connaissance approfondie du déroulement et des règles de la corrida. Aujourd’hui par exemple, quand je vois des gens qui applaudissent un toro qui sort seul du picador, cela me gêne, il y a une méconnaissance complète de ce tercio.  »

D’une manière générale, je ne suis pas une personne stressée au naturel. Quand on monte au palco, on a la sensation que tous les spectateurs ont les yeux rivés sur nous et en particulier au moment des décisions à prendre (changement de toros, trophées). Je pense que j’’arrive à gérer la pression. Je pars du principe que nous sommes des bénévoles et des aficionados. Nous essayons de prendre la meilleure décision possible en « notre âme et conscience ». Même si les décisions doivent être prises rapidement, j’arrive à gérer cette pression. Il y a les assesseurs aussi les assesseurs qui sont là pour nous aider. »

Tertulias : « As-tu déjà regretté des décisions prises ?  »

Colette Lacomme :« A Parentis en Born où j’ai officié en novillada piquée j’ai accepté la demande de changement de tercio du noillero. Je l’ai fais mais à posstériori, je pense que je n’aurais pas dû l’accepter. En règle générale, je pars du principe que c’est le matador, ou le novillero qui connait et ressent le mieux le toro. S’il demande un changement de tercio, je le lui accorde car c’est lui qui est devant le toro. A Parentis, il y a eu du danger permanent avec des novillos très difficiles. J’ai regretté de faire le changement car je me suis dit que je mettais en péril la vie du novillero. »

Tertulias : « Est-il facile de laisser son goût personnel en dehors du palco ? »

Colette Lacomme : « Il le faut même si au départ je suis aficionada avec ses goûts. Je suis là, dans un autre rôle. Je suis la présidente d’un spectacle taurin. Par conséquent, mon émotion, mon ressenti n’entre pas en ligne de compte. Ce n’est pas toujours facile de laisser mes émotions de côté ace je reste Colette Lacomme avec ma personnalité. Néanmoins, j’essaie de rester dans mon rôle et de faire abstraction de mes préférences.»

Tertulias : « Qu’attends-tu de tes assesseurs ? »

Colette Lacomme :« Les assesseurs sont là pour me signaler des choses que je n’aurais pas vues. Il est important d’échanger avec eux. Au final, c’est le président qui va prendre la décision, mais tout au long de la faena on discute entre nous. On essaie d’anticiper les récompenses à accorder même si l’estocade peut tout changer.

Je n’ai jamais eu de désaccord avec un assesseur en corrida. Sur des novilladas, il y en a eu sur des avis. En non piquée, même si le chronomètre est là, il y a des cas où on ne le met pas à 10 minutes pile. Je ne souhaiterais pas mettre trois avis à un novillero en non piquée. Souvent ils veulent bien faire et font des faenas très longues car personne, dans leur entourage, ne les tient au courant du défilement du temps. Avec les avis, les jeunes ont tendance à perdre leurs moyens. J’ai donc été en désaccord avec un assesseur qui me rappelait le temps. Sans tomber dans des travers, il y a le règlement qui existe mais il y a aussi une certaine sensibilité à avoir. »    

Tertulias : « Désigné par les organisateurs, sans autorité officielle reconnue, un président a-t-il les mains totalement libre par rapport à ses décisions ? »

Colette Lacomme :« Je ne sais pas, si c’est un bien ou pas mais je suis organisatrice de spectacles. Parfois, peut-être à tort, je pense à l’organisateur. Même si ce n’est pas cela qui va primer, c’est l’organisateur qui m’a demandé de monter au palco. Cela peut-être sur un changement des toros ou bien l’attribution des trophées. J’ai aussi connu des situations qui m’ont appris à ne pas regarder en bas dans le callejon quand on est au palco. On évite d’être influencé par les réactions des organisateurs qui sont en bas au moment de mettre la musique ou de donner les trophées. Pour moi, la musique est là pour accompagner la faena, ce n’est pas la musique qui va faire que la corrida se passe bien ou pas. »

Tertulias : « Le règlement taurin a-t-il besoin d’être dépoussiéré ? Si oui sur quels sujets ? »

Colette Lacomme :« Aujourd’hui, nous avons des spectacles qui sont très longs . Deux heures et demie ou trois heures, c’est trop. Si on veut attirer une nouvelle clientèle, fidéliser un public jeune, il faut accélérer le déroulement de la corrida.  C’est difficile à faire avec le règlement mais il y a des détails à accélérer comme l’entrée en piste des mules, ou le ratissage de la piste qui peuvent aller plus vite. Il y aurait peut-être quelque chose à préciser ou améliorer pour que présidences et alguaciles communiquent mieux.  Ils sont là pour faire respecter les ordres de la présidence. Dans ce domaine, il faudrait plus de rigueur.»//////

Tertulias : « Quels sont tes bons et mauvais souvenirs au palco ? »

Colette Lacomme :« Il y a eu la despedida de Padilla. Un très bon souvenir, en 2017 à Mont de Marsan, ce sont les deux oreilles et la queue accordées à Juan Bautista lors de la corrida hommage à Ivan Fandiño. Pour ce qui est des mauvais souvenirs je n’en ai pas vraiment »

Tertulias : « Quelles sont les qualités que doit avoir un président de corrida ? »

Colette Lacomme : « Pour bien présider, il faut être très attentif. Il faut être très rigoureux. Il faut être intègre et, pour finir, ce n’est toujours aisé, faire abstraction de ses émotions et des pressions quelles qu’en soient l’origine. »

Tertulias : « Le fait d’être une femme pose-t-il un problème ? »

Colette Lacomme : « On le sait tous la tauromachie est un milieu très masculin et macho. Même si cela a évolué, il y a des choses qui restent ancrées encore. En fait, Je n’ai pas eu de soucis particuliers avec les professionnels. C’est finalement, d’avantage le public qui a des réactions machistes. Après une course de Mont de Marsan, j’ai eu droit à un commentaire sur les réseaux qui disait « La blonde au palco n’aime pas la musique ». Jamais on n’aurait fait cette remarque, si c’était un homme qui avait présidé la course. J’ai eu l’occasion de m’en expliquer avec l’auteur de cette remarque sexiste et complètement déplacée. Le public réagit différemment si c’est un homme ou une femme qui est au palco. Quand je suis spectatrice, les réflexions des gens envers les professionnels, le palco me hérissent car clairement une partie des spectateurs devient agressive. »

Propos recueillis par Philippe Latour et Thierry Reboul

Verified by ExactMetrics