Valdemorillo, j’ai pleuré en voyant toréer Juan Ortega
Juan Ortega a fait chavirer Valdemorillo. Sa deuxième faena est un monument de classe, face à un toro parado à qui il a su redonner vie en même temps qu’il enthousiasmait le public. Deux oreilles sont venues récompenser une faena qui a mis les larmes aux yeux des aficionados présents. Comptablement le succès aurait été plus complet s’il avait mieux tué son premier toro.
Talavante et Ginès Marin ont souffert de la comparaison. Ils ont fait ce qu’ils ont pu avec des toros sans intérêt.
Le lot de Nuñez del Cuvillo rejoindra aux oubliettes, nombre d’autres toros de cette ganaderia. Ils sont sortis justes de présentation, sans race ni force, heureusement que la cinquième a croisé la route d’un Juan Ortega au sommet de son art.
Fiche technique
- Arènes de Valdemorillo, seconde corrida de la Féria. Six toros de Nuñez del Cuvillo justes de forces et d’intérêt pou
- Alejandro Talavante: silence, saluts avec divisions d’opinions
- Juan Ortega: salut, 2 oreilles
- Ginès Marin: palmas, saluts
- Pas grand chose à retenir des tercios de piques
- Salut de Javier Ambiel au cinquième et Antonio Chacon au sixième
Toro à toro
Asturino ,n°259, 01/2020, castaño. Alejandro Talavante.
Joli asticorto et asticomode, le liston n’effraie même pas les trois pigeons présents en piste. Les premiers capotazos de Talavante manquent de transmission. Les premiers sifflets se font entendre. Le toro, faible, a du mal à tenir debout. Le public le proteste de façon continue. Le Nuñez del Cuvillo ne s’emploie pas à la pique. Le second tercio se déroule dans l’indifférence générale. Le début de faena, par le haut puis trinchera, manque de transmission. La suite est « esthétique » mais manque d’intérêt d’autant plus que le toro s’affale de tout son long. La bronca monte et le public se désintéresse de ce qui se passe en piste. Une épée portée de côté, met fin au pensum. Silence pour le torero et sifflets pour l’arrastre.
Barredor, n°237 , 02/2020, negro mulato, Juan Ortega
Le second est grassouillet et très commode de tête. Juan Ortega chauffe à blanc les tendidos avec quatre magnifiques véroniques avant de se faire accrocher. Il met en suerte le bicho par quatre chicuelinas serrées. Le Nuñez del Cuvillo s’emploie au cheval. Le sévillan réalise par delantales un quite d’anthologie. Le tercio de banderilles n’est pas des meilleurs mais on est surtout venu voir toréer Juan Ortega.
C’est un juan Ortega des grands jours qui est en piste. Il débute avec une lenteur exquise, par deux séries gauchères avec un changement de main suave et précis. Avec la main droite, le temple et la lenteur sont la garantie d’un succès attendu. Tel un horloger, un orfèvre, l’andalou subjugue les gradins. Une entière delantera et un poil tombée refroidit la pétition. Le palco (de Las Ventas) refuse avec raison l’oreille. Juan Ortega salue, applaudissements pour l’arrastre.
Madrilito, n°82, 10/2019, negro mulato. Ginès Marin
Véroniques, chicuelinas et laga cordobesa données à 180 à l’heure, n’arrive pas à fixer le lourdaud sorti en troisième position. Le toro ne supporte pas un léger picotazo, le tercio est changé. Gines Marin accroché lors de son premier quite, récidive sans temple!
Le Nuñez del Cuvillo est éteint et quasi parado. Ginès Marin sèche ne sachant pas comment l’intéresser. L’ennui général est au rendez-vous, les génuflexions aussi. Sifflets, railleries, quolibets fusent et la musique se met à jouer !? Le torero doit ramer à contrecourant pour s’attirer une hypothétique sympathie du public. C’est long et se donne ans l’indifférence générale. Seuls les tapotements des baguettes de la musique égaient la faena. Le toro tombe au sol avant l’estocade. Le torero met fin à ce nouveau pensum par une entière tombée, palmas avant de rejoindre le callejon. Pitos pour l’arrastre.
Ganador, n°159, 10/2019, negro mulato. Alejandro Talavante.
Mieux présenté, le quatrième est digne d’une arène de tercera qui se veut sérieuse. Talavante, facile et appliqué, peut enfin extérioriser son savoir-faire. Le toro est piqué par le réserve car personne n’a fait l’effort de le lidier. Un picotazo, une génuflexion et le tercio est changé compte tenu de l’état « d’anémie » du Nuñez del Cuvillo. Javier Ambiel, superbe palos en main, salue. De sa main droite Talavante conduit le toro des planches au centre. Tout se déroule à droite. Les naturelles sont plus lointaines. L’estocade, portée avec foi, est superbe. Le bicho tarde à tomber. Tout ce que le torero avait gagné à force d’abnégation s’est envolé après un descabello. Il salue, les avis sont partagés. Le toro est sifflé à l’arrastre.
Asustado, n°54, 12/2019, negro mulato. Juan Ortega
Juan Ortega distille avec une lenteur extrème plusieurs lances parfaites. La mise en suerte au cheval est elle aussi parfaite. Un léger picotazo et tout est fini. Le toro devient un bloc de viande morte face à un picador sans utilité. Par chicuelinas lentes et deux demies irréelles Juan Ortega parvient à toréer l’impossible pour un public venu aux arènes pour le voir triompher. Il lui aurait été facile de répondre aux abonnés absents. Il a choisi l’apparemment impossible et en est sorti grandi.
Par des aidées par le haut, puis un monument de naturelle et deux derechazos, Juan Ortega redonne vie au Nuñez del Cuvillo. L’ovation est énorme. Il continue par la droite au centre piste. Incroyablement lent, Juan Ortega se fait plaisir et comble l’assistance. Le tendido 7 de Valdemorillo et toute l’arène chavire de bonheur. L’épée grandiose est en bonne place. L’ovation est monstrueuse et deux oreilles tombent du palco. Le rabo n’aurait pas été de trop. On croit revoir son mentor, il y a quarante ans. J’en ai les larmes aux yeux, j’ai revu en Juan Ortega, Pepe Luis Vargas.
Rescoldito, n°112 , 10/2019, negro mulato. Ginès Marin
Abanto, le sixième est le plus beau du lot. Ginès Marin le torée de cape lentement mais sans avoir l’impact de Juan Ortega. La mise en suerte au cheval est propre mais la pique est légère. Le quite est appliqué. Antonio Chacon salue après deux excellentes paires de banderilles.
Ginès Marin prend la muleta pour triompher, c’est indéniable. Début au centre à genoux, le farol inversé et les derechazos (de rodillas) sont donnés avec calme et lenteur. A gauche c’est bien mais cela souffre de la comparaison avec la faena précédente. Du bout de l’estoquillador, Ginès Marin fait passer trop loin pour éviter cette « foutue comparaison ». Le torero est appliqué, sincère mais il manque cette étincelle qui fait les faenas dont on se souvient. Les notes de « Puerta Grande » n’y changeront rien . Quelques sifflets se font même entendre. Ginès Marin va chercher l’épée alors que les gradins commencent à se vider. La dernière série de banderas est inutile. Une entière légèrement tombée met fin au destin du sixième toro. Saluts au centre dans l’indifférence d’un public qui se place pour voir sortir en triomphe Juan Ortega par la Puerta Grande.
ERREGE
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