Vic Fezensac : ouverture en demi-teinte

Premier festejo de la Féria vicoise 2022, après le succès de la novillada de 2021, les organisateurs ont à nouveau fait confiance aux utreros de la ganaderia de Raso de Portillo. Moins bien présentés que ceux de l’an dernier, le second imprésentable à Vic, les Raso ont constitué un lot de media casta avec des défauts et des qualités.

Face à ce type de toros, il faut des novilleros qui ont du poder et un certain recours. Même, si l’expression est vulgaire, ils doivent leur monter dessus pour qu’ils expriment tout leur potentiel. La terna d’aujourd’hui, dont certains ont peu toréé depuis deux ans, avaient beaucoup d’envie, de courage mais pas ce petit plus qui transforme la media casta en casta (vraie ou du moins apparente).

Pour ce qui est des mises à mort, on sent le manque d’officio de Perez et du courageux mais encore vert Diego Peseiro. José Rojo a touché le meilleur du lot et a par moment eu le recours nécessaire pour le mettre en évidence. De même Perez à son second mais sur un registre plus pueblerino.  Dans les deux cas ce fut une ou deux séries dans des  faenas beaucoup trop longues (trois heures de courses). Pour ce qui est des tercios de piques, ils n’ont pas été à la hauteur de ce qui est attendu en ces arènes.

Fiche technique

• Arènes de Vic Fezensac, novilllada de la Féria 2022
• Cinq novillos de Raso de Portillo et un de El Quiñon (6ème), le second très juste de présentation protesté par le public pour
  • Cristian Perez: deux avis et silence, salut au tiers
  • Diego Peseiro: deux avis et silence (sifflets en rentrant au burladero) , salut au tiers
  • José Rojo: deux avis et silence, salut au tiers
• Dix neuf rencontres, dix huit piques, cavalerie Bonijol
• Salut de David Adalid au quatrième
• Président Hugo Lavigne (Dax), 4/10ème d’arène. On attendait la pluie, elle n’est pas venue, tant mieux

Toro par toro

Le premier, léger mais bien fait, est accueilli par une larga de rodillas par Cristian Perez. Bonne série de capotazos avant de mettre le toro en suerte pour trois piques traseras où il s’emploie peu. Bon début par deux cambiadas et un pecho, le Raso de Portillo vient bien et met la tête sur la première série. Dès les deux suivantes, distrait, sa charge, parfois désordonnée, manque de chispa. A gauche Perez recule face à un toro moins simple sur cette corne. Sur la fin il laisse partir le bicho à menos. Et la faena beaucoup trop longue en fait de même. La mise à mort est très laborieuse et le toro tombe à la limite du troisième avis, silence pour le torero.

Le second est un toro, imprésentable à Vic. Plutôt bien fait, il a n’a pas de cornes et le public le proteste et refusera le brindis offert par Diego Peseiro . On attend mieux en présentation d’une novillada de Raso de Portillo ici. Dans un climat défavorable, le portugais met trois fois le Raso en suerte au cheval sans que le toro ne s’emploie sous le fer. Après un tercio de banderilles ovationné, il commence sa faena par trois séries à droite. Le toro est soso. Il manque d’alegria et transmission. Comme le torero manque de recours, plus le manque de cornes, le public est chafouin. Mise à mort très laborieuse, le toro tombe à la limite du troisième avis, toro et torero sont sifflés.

Le troisième, lui aussi léger, a un plus de tête que le précédent. Jose Rojo soigne les mises en suerte mais les trois piques sont traseras et le toro ne s’emploie pas sous le fer. En début de faena, le Raso est noble, il a un certaine mobilité. José a du mal à trouver le bon sitio. Il est marginal et se fait rappeler à l’ordre par une partie du public. En toro de media-casta, le bicho baisse de ton et le torero n’a pas le recours (ou l’artifice) pour compenser cela et redonner du relief à la faena. Rojo insiste trop et la faena vire à l’ennuyeux. La mise à mort est à nouveau laborieuse et comme les deux premiers, on est proche du troisième avis quand le toro tombe.

Nouvelle bonne réception à la cape par Cristian Perez, le quatrième prend deux piques sans s’employer. Echange de quites entre Peseiro et Perez qui tourne à l’avantage de l’espagnol. Perez a une très bonne cuadrilla, bonne brega de Julien Breton et deux très belles paires de David Adalid qui reçoit une grande ovation. Le début de faena, de rodillas, est chahuté. Le toro est sérieux et noble et le torero construit une faena courageuse, appliquée mais qui manque de poder et par moment est pueblerina. Il en ressort une bonne série de naturelles en milieu d’une faena à nouveau trop longue. Final trémendiste avant 1/3 de lame et une entière qui provoque une hémorragie, le torero salue.

Le cinquième bouscule sérieusement Diego Peseiro qui l’a attendu à porta gayola. Il manque de blesser également Julien Breton. Le toro est sérieux, il vient quatre fois au cheval bien cité par un picador expérimenté. Pourtant ce que nous avons vu n’est pas un vrai de tercio de piques, et encore moins un tercio de piques à la vicoise. Les quatre rencontres se sont limitées à des picatazos. Jamais le toro n’a poussé que soit par bravoure ou par le travail du piquero. L’ovation reçue par celui-ci est exagérée. 

Nouvelle ovation (et nouvel accrochage) aux banderilles pour le portugais qui brinde le toro au public. Le novillero est plein de courage, de bonne volonté mais il est, malgré ses vingt cinq ans, vert. Le toro demande de la distance qu’il ne lui donne pas et du poder qu’il n’a pas. La faena est heurtée, le torero ne la prolonge pas au-delà du nécessaire. Il salue après un mete y saca, un pinchazo et une entière basse.

Le sixième, un El Quiñon le second fer de Raso de Portillo, le mieux présenté du lot, vient de loin à quatre reprises pour trois vraies piques, la seconde n’est qu’une rencontre. Le toro est brave et pousse les trois piques toutes aussi traseras les unes que les autres. Brindis au public, début par doblones, José Rojo cite de loin. Le toro est noble mais manque de chispa, Le torero, et c’est ainsi que doit être la lidia de ce type de bétail, met du recours pour en tirer quelques muletazos. Mais rapidement toro et torero vont à menos au long d’une faena, elle aussi trop longue. Le torero salue après une entière et un descabello.

La vuelta pour le toro est discutable. Les aficionados toristas râlent quand un toro de troisième tiers fait un tour de piste. Nous devons avoir pour nous le même degré d’exigence. Pour faire une vuelta un toro doit être bon dans les trois tiers ou exceptionnel lors du premier ou du troisième. Ce n’est pas le cas de ce sixième utrero.

On attendait mieux de la novillada de Raso de Portillo à Vic.

Thierry Reboul (merci à Matthieu Saubion – Vuelta a los toros – pour les photos)

Le reportage photos de Philippe Gil Mir ⏬