Morante artiste vaincu?
Morante artiste vaincu?
Phénix inconstant
Phénix taurin, renaissant de ses cendres encore fumantes, Morante va et vient au gré des caprices de son cerveau en ébullition. Succès pour l’histoire et bronca pour la mémoire. De la Puebla, de fulgurances en coups de blues, de coups de génie en coups de têtes, nous a habitué au flux et reflux d’une inspiration à géométrie variable. La temporada aux cent corridas face à toutes les encastes, les deux oreilles et la queue coupées à la Maestranza, quelques tumades et une blessure mécanique au poignet ont-elles fait pencher la balance définitivement du côté sombre ?
Chemin de croix
2024 ressemble à un chemin de croix pour José Antonio Camacho. Regard mélancolique, corps vieilli, Morante porte bien mal ses quarante quatre ans en costume de lumières. Sa pauvre performance madrilène de ce mercredi 29 mai, ses quelques mots de justification* qui sonnent bien faux posent question. Le bout du chemin est-il atteint ? Lutte inconsciente contre son déclin inéluctable, entrée en résistance contre un système qui le broie, lui l’artiste inconstant si décrié a t’il encore la foi ? Est-ce la victoire de ses peurs avouées et inavouées ?
Se limiter ou arrêter?
Combien de temps l’homme va t’il mentir au torero? Ne pas vouloir est une chose, ne plus pouvoir en est une autre!
Une condition pour toute jouissance est de se limiter disait Kierkegaard. Peut-être faudrait-il donc que le génie de La Puebla Del Rio en fasse son adage du moment pour gérer sa résilience? Créer son propre manque pour trouver l’envie. Ne pas courir le cachet et le contrat et se faire plus rare en piste. Attendre et voir, attendre et espérer c’est aussi attendre et exiger! C’est bien beau, la philosophie du beau et du bien. Si l’art et la création ne s’exonèrent pas de l’incertitude, du désir au dépit amoureux, le chemin pour tortueux qu’il soit, peut-être bien court!
La petite musique d’une fin de carrière commence à revenir comme une rengaine. Cet arrêt s’il intervient en ravirait certains et en attristera beaucoup. Faut-il encore qu’il ne s’impose pas de lui-même car pour un artiste, vivre vaincu et sans gloire c’est un peu mourir chaque jour.
* « Le premier toro gardait la tête en l’air. Le second n’a pas rompu, il avait du mal à charger. C’était un mauvais après-midi«
Philippe Latour
On revienne à ce qu’on racontait a propos du aficionado déçu par une des ses innombrables tardes de bronca à Curro Romero:
« Curro: demain va venir te voir torear tu puta madre……..y yo’
Et ça jusqu’à qu’il se corte la coleta.
Oui , les parallèles sont tentants..mais Curro toréait peu au final. Morante lui a beaucoup de contrats et passe de plus en plus à côté. Morantista je suis, morantista je resterai mais je trouve cette année que l’artiste fait « peine » à voir.. jusqu’au prochain grand triomphe s’il y en a un!
Bonjour,
L’article de Philippe Latour, « Morante artiste vaincu? » est écrit avec tant de finesse, de vérité et de respect qu’il devrait permettre aux aficionados, surtout aux « spectateurs » de comprendre les toreros et surtout de ne pas siffler.
BRAVO
Merci à vous
Philippe
Ne pas siffler ?
S’il ne s’agissait que de respect vis à vis d’un grand artiste sur le déclin, d’accord.
Mais ce grand artiste a de plus en plus tendance à se moquer du monde, et ce mépris pour le public , lui, mérite bien quelques broncas.
Tout à fait d’accord avec Éric Santos.
Quelle belle écriture, merci Monsieur Latour.
Et ne jamais siffler. Jamais. Quels que soient les taureaux, ils se mettent entre les cornes. Pas nous.
Et oui, il vieillit. Et que dire de Ponce à la Pentecôte ? Pour avoir été aux premières loges, je peux vous dire que c’était pathétique. Et je l’ai pourtant tant admiré…
Ils n’ont plus besoin de tout cela. Mais il ne doit pas être aisé de renoncer aux toros. Ils arrêtent tous, et ils reviennent !
Suerte à tous les jeunes Maestros qui prennent la relève.
Merci à vous. Philippe