Olivier Fernay : « l’élevage doit rester une passion »
Olivier Fernay : « l’élevage doit rester une passion »
Olivier Fernay fait partie de ces trop rares éleveurs français qui ont eu les honneurs de voir sa devise dans les arènes de Las Ventas à Madrid. La tradition familiale devrait perdurer avec la relève qui se prépare avec les deux filles de l’éleveur qui ont attrapé le virus. Entre questionnements, doutes et espoirs, une chose est sûre, c’est la passion du toro qui anime le ganadero du Mas des Jasses. Tertulias l’a rencontré.
Tertulias : « Quand a été créée la ganaderia ? »
Olivier Fernay : « L’élevage a été créé en 1953 par mes parents. Ils l’ont fait avec du bétail d’origine Yonnet et Pouly. Mon père a travaillé plusieurs années sur cet encaste avec des sementales que l’on pouvait, à cette époque, récupérer. En 1980, nous avons mis un très bon toro de Manuel Camacho sur les vaches. Il a donné de très bons résultats. Un peu plus tard, j’ai eu la chance de récupérer un toro de Jandilla. A partir de ce moment-là j’ai voulu accentué au maximum sur cette origine.
En 2002, j’ai orienté différemment l’élevage. Je suis parti sur du pur Jandilla, Victoriano del Rio avec quelques vaches de Luis Algarra. Depuis j’ai conservé cette orientation. Pour les sementales, il y a eu les produits de ces vaches et un toro pur Jandilla qui avait été grâcié par El Cid à Malaga. Je travaille sur ces origines. J’y ai ajouté quelques vaches de chez Joselito. Mais à côté, je conserve une lignée pure Jandilla et une lignée pure Victoriano
Tertulias : « Donc sur le campo, il y a des lignées mélangées et des lignées de pure race, pourquoi ? »
Olivier Fernay : « L’intérêt, comme ils le font dans les grands élevages, est de permettre le jour où on en a besoin, de sortir un semental d’une famille bien précise. J’ai des familles que je veux garder pures d’autant que j’ai de bons résultats dessus. J’en sors de temps en temps un semental pour ne pas perdre le travail de longues années et les caractéristiques de chaque élevage. »
Tertulias : « Quelle est la différence entre le Victoriano et le Jandilla ? »
Olivier Fernay : « Chez Jandilla, je recherche le fond de race et la bravoure en premier. Chez Victoriano je trouve la toréabilité qui permet de sortir des toros plus « agréables ». Avec du seul Jandilla, on pourrait avoir, comme chez Fuente Ymbro pendant quelques années, des toros très encastés. C’est facile de sortir dans les grandes arènes avec les figuras car elles veulent triompher. Un grand triomphe avec un Jandilla, comme celui de Sébastien Castella à Madrid, c’est un moment magique. A mon niveau c’est plus raisonnable d’avoir un toro plus doux. »
Tertulias : « Quels sont les grands moments de la ganaderia ? »
Olivier Fernay : « En 70 ans, il s’en est passé. Je ne les ai pas tous vécu. Mes parents ont vécu à leur façon de bons moments avec des novilladas piquées qui sont sorties dans les arènes autour d’Arles ou Nîmes. En 1981, j’étais tout gamin mais je m’en souviens, a eu lieu une très bonne novillada à Arles. Il y a eu une autre très bonne à nouveau à Arles en 1988 . Il y a eu de bons moments sur les non piquées à Bayonne. Pendant dix ans, j’ai eu la chance de sortir à Bayonne avec de très bons résultats. En corrida, il y a eu les débuts de Padilla en France à Saint Gilles. C’était en 1994. Il y a eu de bons toros qui ont permis de commencer à avoir la confiance des toreros et des organisateurs.
Puis nous avons commencé à lidier en Espagne. J’ai eu la chance de lidier à Barcelone avec deux novillos qui sont très bien sortis. Il y a eu des oreilles coupées. Ces toros ont montré que les élevages français ont leur place dans les grandes arènes. Petit à petit on a continué le travail pour pouvoir être présent quand on nous le demande avec des animaux qui correspondent, en fonction de l’importance des arènes, à ce que recherchent les empresas. Quand on ne sent pas prêt, il ne faut pas y aller.
L’histoire récente
Par contre quand on l’est, il est bien que les organisateurs nous mettent à l’affiche. On la pu le voir cette année à Bayonne avec deux toreros qui ont triomphé coupant cinq oreilles. D’ailleurs pendant la course, j’ai eu des appels me demandant ce que j’avais pour l’an prochain. C’est motivant. Ces dernières années, il y a eu Istres avec des triomphes à la clé à trois reprises. Juan Leal pour son solo coupe quatre oreilles à mes deux toros. S’ensuit une corrida complète pour le mano a mano El Rafi-Adriano où les deux toreros sont sortis en triomphe en coupant six oreilles. Et en trois, il y a eu une grande novillada avec un novillo de vuelta, six oreilles coupées et la sortie « a hombros » des trois toreros dans les arènes qui m’ont vu naître. »
Tertulias : « Dans les grands moments, il y a celui marquant et notable de Madrid en 2023?»
Olivier Fernay : « Las Ventas, c’est le rêve de tous les éleveurs. C’était aussi les 70 ans de l’élevage. Cela a été des mois de travail pour préparer des novillos pour Madrid. Cela ne s’est pas passé comme je le voulais. Avec des novillos blessés à l’embarquement, nous sommes arrivés avec moins d’animaux que nous l’aurions voulu. Et il y a eu l’attitude des vétérinaires espagnols par rapport à des toros français. Ce n’était pas le bon jour. Des novillos ont été refusés sans aucune explication. Cela a été une déception. »
Tertulias : « Quelle en a été la raison officielle ? »
Olivier Fernay : « Aucune!!! C’est comme cela..point. J’ai du me taire. Ce n’était pas un problème de présentation car ont été retenus le plus gros et le plus petit du lot. Donc , c’est étonnant que les autres novillos ne passent pas le reconocimiento. On nous a fait comprendre qu’il fallait déjà se réjouir d’en avoir deux de retenus. Alors on se met dans un coin puis on laisse faire. Pour les deux novillos qui sont sortis, cela s’est très bien passé. S’il y en avait deux ou trois de plus, le résultat ayrait été différent!
Ceci étant, Madrid a été une belle expérience grâce à Simon Casas qui m’a fait confiance. Cela fait rêver de préparer les novillos, les embarquer, les emmener. Vivre le reconocimiento, même si c’est un moment difficile, est un grand moment. Finalement, j’ai eu la satisfaction d’en voir sortir deux, dans la plus importante arène du Monde dont un de grande qualité. Tout le monde nous a félicité d’avoir sorti, à Las Ventas, ce grand novillo. Ce n’est pas donné à tous les ganaderos. Même s’il n’y en a eu que deux de lidiés, nous avons sorti un des meilleurs novillos de la saison. »
Tertulias : « Quelles ont été les retombées de cette expérience madrilène ? »
Olivier Fernay : « Il y a eu des retombées en Espagne. Le jour même, une empresa espagnole m’a proposé de racheter les novillos non retenus. Je n’ai pas voulu. J’ai voulu les ramener en France. Et puis sur le coup, j’étais un peu en colère. J’ai eu une demande pour sortir une corrida en Espagne. Tout se sait très vite avec les réseaux sociaux et les télévisions. Tout le monde a été vite au courant que les deux novillos, qui étaient sortis, avaient bien fonctionné. C’est aussi le moyen de jouer une carte un peu exotique avec des toros français alors qu’il y a plus de mille ganaderias en Espagne. Je crois à ce côté nouveauté qui apporte quelque chose de différent en offrant un plus à l’Aficion locale.
Il y a aussi un côté sympathie de la part de certains organisateurs qui veulent nous aider et nous remercier du travail que l’on fait. Ils savent bien combien il est difficile d’être ganadero en France avec tous les problèmes que nous connaissons. Bayonne a été probablement une retombée de Madrid. Cela nous a donné une certaine crédibilité.
Pourtant à Madrid, nous avons eu la malchance de tomber sur un « président – agent de police » de mauvais poil, que les vétérinaires ne pouvaient pas contredire. Cela a continué en piste quand il a refusé l’oreille au torero qui la méritait. Je l’ai interpelé à la fin de la course, pas avant car il aurait risqué de mal le prendre. Je lui ai dit que s’il n’était pas un antitaurin c’était un antifiesta car avec des gens comme lui, la Fiesta risque de disparaitre. Sans agressivité, je l’ai remis à sa place et je lui ai fait comprendre que ce qu’il avait fait n’était pas bien. »
Tertulias : « Comment fait-on pour rentrer à Madrid ? »
Olivier Fernay : « Cela s’est fait parce qu’un jour Simon Casas s’est renseigné pour savoir ce que j’avais pour l’année suivante. J’avais une très belle novillada qui pouvait être pour Nîmes. Il m’a demandé si elle pouvait l’être pour Madrid. Avec une joie énorme mêlée de peur car on sait ce que cela représente, j’ai répondu par l’affirmative. Il m’a donc demandé de la préparer. Cela s’est fait au mois d’octobre pour une sortie en août l’année d’après. Simon a joué le jeu et m’a fait confiance parce que je suis éleveur français et qu’il a vu nos résultats depuis quelques années. »
Tertulias : « Que sont devenus les novillos refusés à Madrid ? »
Olivier Fernay : « Je les ai ramenés au Mas. J’en ai sorti deux en sobreros en corrida pendant la Féria de Pentecôte à Nîmes. En ouverture sont sortis trois toros de réserve. Rafi en a touché un de qualité. Nîmes est un très grande arène. Le toro a beaucoup couru à sa sortie. Il a subi un gros tercio de banderilles à deux. La faena commencé à genoux lui a demandé beaucoup. Il a beaucoup donné et répété en début de faena. Les professionnels présents m’ont dit que le toro était bien sorti.
Le lundi suivant un toro est sorti pour Solal qui lui a coupé les deux oreilles. Solal a été plus qu’à la hauteur d’un toro encasté. Ce sont des moments intéressants pour le torero et le ganadero. Les autres toros de Madrid ont été tientés en privé. Malgré tout, je garde un bon souvenir de Madrid. C’est une opération qui est à refaire si on a un peu de sécurité. Quand on a 40 ou 50 toros dans l’année à sortir, une corrida refusée à Madrid ce n’est pas la même chose que quand tu n’as qu’une novillada piquée et qu’elle revient. Il faut aussi l’accepter financièrement. »
Tertulias : « Est-ce que cela a fait prendre l’ancienneté à la ganaderia ? »
Olivier Fernay : « Non, il faut sortir six animaux et que les six meurent en piste. Je n’y allais pas pour l’ancienneté même si c’est un plus. L’important c’est d’avoir été programmé, que deux novillos soient sortis dont un fut très bon. Ce qui fait râler, c’est que le président ait volé l’oreille au novillero. Les deux toreros ont fait la vuelta à mes toros. »
Tertulias : « Quel est le type de toro que vous recherchez ? »
Olivier Fernay : « En tant qu’éleveur, je veux voir sortir le vrai toro de respect. Un toro qui va sortir avec de la présence et avec un minimum de danger. Il faut aussi que la ganaderia fonctionne, qu’il y ait des bons résultats et que les toreros puissent couper des oreilles, sortir en triomphe. Il faut être dans la balance du vrai toro et d’un toro qui permet au torero de construire de vraies faenas et de s’exprimer. Les toreros doivent avoir confiance en l’élevage. C’est ce que nous avons aujourd’hui et qui nous manquaient à nous comme aux autres éleveurs français. Maintenant les toreros savent ce que les éleveurs français ont sur leur campo. Ils connaissent les origines, les méthodes de sélection. Ils viennent tienter chez nous et accepteront d’autant plus une novillada ou une corrida française de certains éleveurs, qu’un lot venant d’Espagne.
Nous , les Français, avons fait un gros travail depuis une vingtaine d’années. On a prouvé que nos toros avaient leur place dans les meilleures arènes avec de bons toreros. Si ces bons toreros on les a comme novilleros, on pourra sortir en corrida avec des figuras. C’est ce qui nous manque encore, sortir avec des corridas de figuras ce qui nous ferait passer le cap. Ainsi, il n’y aura plus de ganaderias françaises ou espagnoles mais des ganaderias de toros braves. »
Tertulias : « Comment doit se comporter une vache en tienta pour être conservée comme reproductrice ? »
Olivier Fernay : « En tienta le premier critère sur lequel je suis intransigeant c’est la bravoure au cheval. Une vache qui ne se laisse pas piquer, ne pousse pas ou refuse d’aller au cheval, c’est éliminatoire d’office. Après,sur ma sélection, je recherche beaucoup la qualité du galop que ce soit au cheval ou à la muleta pour transmettre la mobilité aux toros. Je vais toujours plus lui demander à une vache que ce que j’espère du toro dans l’arène car le toro avec le poids et l’âge ne peut avoir le même tranco. Je tiente à trois, voire quatre ans. A deux ans, les vaches se laissent presque toutes faire. A quatre ans, ce ne sont plus les mêmes. Si une vache est très bonne à quatre ans, il n’y a pas de doutes, il faut la garder.
Pour la faena, la recherche se tourne vers des vaches mobiles, qui humilient beaucoup. Ce qui est important dans les faenas d’aujourd’hui, c’est la durabilité. Du début à la fin, on en demande beaucoup à l’animal. Quand les vaches vont « a mas » , c’est important. Sébastien Castella, lors d’un récent tentadero me disait que la tauromachie actuelle en demande tellement à un toro, que cela exige un travail énorme pour les ganaderos. Les toreros ont tellement de forces sur le toro. Nous devons sélectionner des vaches qui ont du moral et que ce moral dure. »
Tertulias : « Par rapport à cette sélection, y-a-t’il, un profil type de toreros pour les tentaderos? »
Olivier Fernay : « On essaie de jouer une carte d’échanges et de répondre à l’attente et aux besoins des toreros qui vont se retouver à l’affiche avec nos toros. Après c’est à nous de leur demander de nous mettre les vaches de la façon dont nous voulons les voir. Je suis par exemple très ami avec Javier Conde. En tentadero c’est un excellent professionnel.
Daniel Luque a d’énormes facilités en tiente (comme Sébastien Castella, Jean Baptiste ou Manzanares). Avec ces toreros, quand une vache est bonne , elle est vraiment bonne. Ils ont une façon de l’obliger et de lui exiger du niveau de ce qu’ils demandent à un toro. Si la vache n’aguante pas, elle ne finit par la faena.
Nous faisons sortir de second , les jeunes des écoles taurines. Il me faut être vigilant et d’en tenir compte pour juger la vache. C’est bien d’avoir une diversité de toreros. Cela permet de voir les vaches différemment. Si je ne me base que sur deux ou trois toreros pour faire tous les tentaderos, il manquera de la diversité. Si une vache est bonne ou mauvaise, elle le sera avec tous les toreros. En revanche, entre les mains d’un très bon torero, une vache mauvaise peut devenir moyenne voir bonne. Il faut rester quand même vigilant. »
Tertulias : « Les décisions sont-elles prises le jour même ou il est nécessaire de prendre du recul et revoir le tentadero en video? »
Olivier Fernay : « Pour moi, c’est plus sur le moment, sur le feeling. Il y a des vaches sur le moment qui manquent de chances parce qu’elles sortent derrière une très grande vache alors on ne les garde pas. Néanmoins, je laisse une deuxième chance par rapport aux familles. Quand j’ai acheté des vaches chez Jandilla, j’ai assisté à un tentadero de huit vaches. Le ganadero m’a laissé excepté la première qu’il souhaitait conserver, choisir celles que je souhaitais.
Il ne souhaitait pas garder la dernière que j’avais beaucoup appréciée et a gardé la première que j’avais trouvé compliquée. Il m’a expliqué qu’il le faisait par rapport à la famille. Le jour de la tienta, il y a donc le résultat premier que l’on peut contre-balancer avec sa famille d’origine. Le moment clé, reste ce qui se passe en piste lors du tentadero. »
Tertulias : « Sur les vingt à trente vaches qui sont testées, combien sont conservées ? »
Olivier Fernay : « Entre cinq et dix. Je ne cherche pas augmenter le troupeau. J’essaie d’être le plus sévère possible pour garder le top du top. S’il y en a plus qui sont intéressantes, je vais les garder en éliminant celles qui prennent de l’âge ou dont les produits sont moyens. Récemment, j’ai rentré des vaches d’Espagne qui ont donné de très bons résultats et augmenté le nombre de mères. Cela étant, nous sommes dans une situation où il ne faut pas laisser de chance au hasard. Au moindre petit défaut, il ne faut pas garder une vache. »
Tertulias : « Comment économiquement vit la ganaderia? »
Olivier Fernay : « La partie toros, même en vendant tout comme actuellement, ne permet pas d’équilibrer les comptes. Certains se diversifient dans l’agriculture, nous nous le faisons dans le tourisme. Cette activité nous permet de boucher les trous et de mener l’élevage en préparant les toros comme il le faut et de faire vivre une famille. Les chevaux, les toros et le tourisme constituent un ensemble. L’un ne va pas sans l’autre . j’ai toujours conseillé à mes filles qui font des études supérieures et qui reprendront l’élevage d’avoir un bon métier à côté, avec un bon revenu. Elles emploieront un ou deux mayorales pour faire ce que je fais actuellement tout seul.
L’élevage doit rester pour elles une passion qui ne doit pas devenir une contrainte. Si elles gardent leur aficion, cette envie de faire perdurer la ganaderia fonctionnera. Pour ce qui me concerne parce que j’aime cela, et que la restauration est mon métier (j’ai grandi dans le restaurant de mes parents), l’activité tourisme m’a aidé. Mes filles sont parties sur d’autres voies. Pour mener un élevage à bien et avoir de bons résultats, il faut avoir les reins solides. En France, nous avons la chance de pouvoir vendre tous nos toros. En Espagne, il y a plus de mille élevages dont certains restent complètement inconnus. On a de la « chance » en France grâce à la qualité des toros que nous produisons, et que les organisateurs jouent le jeu. Il faut que nous continuions dans cette voie de la qualité. »
Tertulias : « Est-ce que cela est une évidence pour vos filles de prendre la suite de l’élevage? »
Olivier Fernay : « Elles sont nées là-dedans. Cela ne s’est pas fait seul mais presque. Nous avons eu des discussions. Elles sont encore jeunes (22 et 18 ans). Si elles ne voulaient pas reprendre, je pense que j’aurais baisser les bras. J’avais besoin de leur aval pour continuer à m’investir moralement et physiquement dans un élevage dont je sais qu’il sera repris. »
Tertulias : « Ont-elles, l’une et l’autre la même vision de la tauromachie ? »
Olivier Fernay : « Elles ont la vision de la tauromachie qu’elles vivent au quotidien quand elles sont avec moi. Sur les toros, les résultats, les tientas nous partageons les mêmes moments. L’an dernier, je n’ai pas pu assister à des tentaderos. Elles sont restées seules pour prendre les notes de tienta. Cela a été un grand moment pour moi. Elles les ont menées avec sérieux. J’ai le sentiment de leur avoir transmis quelque chose de précieux « l’amour du toro et du campo ». Je pense que leur vision de la tauromachie restera dans la continuité de la mienne. Cette manière de voir la corrida, c’est ce que nous aimons tous ensemble en famille. Elles ont participé à l’achat des vaches en Espagne, la tienta des sementales. Nous avons tout partagé. »
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Tertulias : « Quelle est votre vision sur l’avenir de la tauromachie ? »
Olivier Fernay : « Il y a celle que l’on a envie de rêver en espérant que ce sera celle où la corrida continue d’exister sans qu’elle soit modifiée, changée. Puis Il y a la vision où se pose la question de savoir si elle va perdurer telle qu’aujourd’hui. Je ne sais pas de quoi demain sera fait.
Au travers du tourisme je reçois beaucoup de personnes venant de tous horizons. Les gens voient comment sont élevés nos bêtes, comment nous les aimons. Ils nous disent qu’il faut continuer à entretenir comme nous les faisons nos propriétés. Ils comprennent donc le pourquoi de la corrida mais ils ont plus de mal à accepter l’idée de la mort du toro dans l’arène. Le sujet est de faire accepter à ceux qui ne sont des antis l’idée de voir souffrir un animal dans l’arène. Fréjus, Palavas, le Grau du Roi sont fermées à la corrida, il est inquiétant de voir des arènes qui arrêtent.
« L’enjeu de l’acceptation »
Dans les Alpilles, des arènes qui faisaient ne serait ce qu’une corrida portugaise, ont abandonné. Les grandes férias vont rester en place parce qu’il existe un gros enjeu financier, des retombées pour la ville. Le souci est plus pour toutes ces petites arènes qui luttent pour monter un ou deux spectacles dans l’année. Quand la municipalité finance ça le fait, mais si elles montent le spectacle toute seule, cela devient compliqué. Le risque est de voir disparaitre ces petites arènes qui sont notre clientèle à nous, ganaderos français. Pour autant, Il faut être vigilant et ne pas faire n’importe quoi au niveau de la défense de la tauromachie et qu’elle soit défendue par les professionnels et non par des parvenus qui cherchent à en tirer profit.
Comme le disait dernièrement un grand éleveur espagnol: « il ne faut pas confonfre les ganaderos et les propriétaires de ganaderias »
Aujourd’hui , il faut réussir à amener le public, les politiques dans nos élevages pour voir comment nous fonctionnons. Il faut faire accepter notre travail, notre façon d’élever les toros. C’est un gros travail de pédagogie à faire qui me semble nécessaire pour déclencher une acceptation plus large de la corrida. Quand ils repartent de la ganaderia, certains visiteurs nous disent qu’ils n’iront pas voir une corrida mais qu’ils comprennent que cela puisse exister.
C’est déjà un pas énorme. Préserver les élevages locaux, préserve la corrida. Mettre des toros français dans toutes les férias a un impact sur les politiques. C’est plus défendable qu’une corrida 100% espagnole. »
Propos recueillis par Philippe Latour et Thierry Reboul