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Victor Hernandez « allumer la flamme des aficionados »

Victor Hernandez « allumer la flamme des aficionados »

Vainqueur de la Copa Chenel 2024, Victor Hernandez est sorti du rang chez les toreros. Il a fait un apprentissage que la pandémie du Covid a étiré dans le temps. Il en a profité pour connaître les honneurs d’une sortie par la grande porte à Madrid. Désormais matador de toros, sa dernière prestation de l’année lors de la feria de Otoño toujours à Las Ventas, a été récompensé de l’oreille du courage. Le jeune homme aborde 2025 plein d’espoirs dont celui de se présenter en France, présentation qu’il n’a pu faire à cause d’une blessure, quelques heures avant son contrat bayonnais. En 2025, nous pensons qu’il sera un des toreros émergents avec lequel il va falloir compter. Victor Hernandez nous a accordé un entretien.

Tertulias : « Ton début de carrière est celui d’un long apprentissage marqué par la coupure du Covid, comment as-tu vécu cette période? »

Victor Hernandez : « La saison 2019, celle qui a précédé le COVID, avait bien commencé par une bonne novillada à Guadalajara. Mais, cette saison-là, j’ai déjà dû la couper en son milieu car je me suis cassé un doigt. Puis quand la saison 2020, celle de ma présentation à Madrid, allait commencer, le COVID est arrivé.

C’est vrai qu’à l’époque les illusions étaient un peu floues, mais bon, aussi avec les problèmes qu’ont connu les éleveurs pendant cette période, j’ai pu faire beaucoup de travail au « campo ». J’ai pu me préparer et perfectionner ma tauromachie pour que lorsque tout est revenu à la normale, je puisse triompher à Madrid, pour ma présentation, par exemple, comme j’ai pu le faire. Je pense que le COVID, d’un côté, m’a ralenti en termes d’années, mais je pense qu’il a constitué une bonne base pour moi parce j’ai pu avoir des toros très divers au campo . »

Tertulias : « Où es-tu allé pour t’entraîner? »

Victor Hernandez : « J’ai parcouru toute l’Espagne. Je suis passé dans de nombreux endroits, l’Andalousie, l’Extrémadure…en fait, pratiquement dans presque tous les élevages d’Espagne.»

Tertulias : « Et dans quel type de ganaderias? Dures ou plus commerciales ? »

Victor Hernandez : « Il y a eu un peu de tout. Je suis allé dans des endroits comme Baltasar Iban. Dures ? Pas tant que cela finalement; mais c’était le hasard, pas une volonté personnelle. Après la période de pandémie, je suis allé par exemple tienter chez Saltillo. C’était un tentadero très important. En fait partout où l’on me dira d’aller et où je pourrai continuer à apprendre, j’irai. »

Tertulias : « D’une ganaderia dite « dure » à une plus « commerciale », y-‘a- t’il beaucoup de différences? »

Victor Hernandez : « Il n’y a pas vraiment de règles. Cela me permet d’apprendre beaucoup, dans les deux cas. D’un autre côté,il est aussi vrai qu’il y a des vaches issues de ganaderias de garantie qui peuvent sortir très compliquées. Puis tu vas dans un élevage réputé pour ces toros difficiles et ce jour-là, les vaches se battent avec classe, lentement, ou avec des nuances. »

Tertulias : « Et comment vois-tu le bilan de ton début de carrière? Finalement cet arrêt de 2020 ne t’a pas vraiment été affecté? »

Victor Hernandez : « Il est clair que moi, comme je te l’ai dit, ça ne m’a pas arrêté. Oui, j’ai pu me préparer alors au campo et attendre mon heure, . »

Tertulias : « En tant que novillero, quand t’es-tu présenté en France? »

Victor Hernandez : « J’étais à l’école à Guadalajara. La première fois que j’ai combattu en France, c’était en sans picadors, à Arzacq, avec un novillo du Conde de Mayalde. J’ai coupé une oreille et j’ai fait une bonne actuacion. Ensuite, j’ai participé à deux autres corridas sans chevaux, l’une à Mont de Marsan et l’autre à Tartas. Ensuite, en tant que novillero avec picadors, j’ai toréé la novillada de Saint Perdon avec un novillo de Flor de Jara et un autre de Pincha. »

Tertulias : « Ta carrière de novillero a vraiment décollé avec les succès à Madrid en 2022? »

Victor Hernandez : « Oui, j’ai coupé quatre oreilles pour mes trois premières novilladas en 2022 à Las Ventas. A partir de Madrid, j’ai toréé à Bilbao, Santander, Saragosse, Albacete, à Bayonne aussi. En France, j’ai toréé à Bayonne et à Millas. J’en oublie certainement d’autres importantes… À Almería, j’ai eu une cornada qui m’a un peu ralenti, puis à Villaseca, j’en ai eu une autre. En 2022, j’ai également remporté le Zapato de Oro de Arnedo qui est un prix très important pour les novilleros. Cette année a été très motivante »

Bayonne 2022
Tertulias : « Mentalement comment as-tu vécu ces moments difficiles et compliqués avec ces cornadas? »

Victor Hernandez : « Il y a eu un moment où j’ai eu du mal à assimiler les après-midi, à continuer à grandir. J’ai été un peu frustré, pour être honnête. J’ai eu une petite baisse de régime que j’ai réussi à surmonter par la suite. Aujourd’hui, je me sens plus fort que jamais. »

Tertulias : « Arrive 2023, l’année de ton alternative, comment s’est déroulée cette temporada? »

Victor Hernandez : « J’ai commencé à Valdemorillo, puis Ciudad Rodrigo, Valence, Séville, Madrid. De nouveau Madrid, avant de toréer dans quelques villes et villages autour de Madrid comme Collado Mediano, Marchamalo, Guadalajara. »

Tertulias : « Comment s’est déroulé ton début de carrière de matador de toro. As- tu eu la préparation idéale adéquate pour arriver au matador que tu es devenu aujourd’hui ? »

Victor Hernandez : « Pour moi, ce fut bien même, si je pense que 2023 n’était pas une très bonne année. Au cours de l’été qui a précédé l’alternative, je me suis préparé à fond sans savoir si j’allais toréer, ni quand, ni de quelle manière. J’étais plein d’illusions même si j’allais vers l’inconnu. Je ne sais pas comment l’expliquer, mais lorsque le jour de l’alternative est arrivé, c’était comme si toutes les mauvaises choses et tous les mauvais moments que j’avais traversés s’effaçaient.

C’était comme si ce jour était le plus beau de ma vie. En fait, je ne sais pas vraiment comment l’expliquer. Ensuite j’ai toréé à Santos de la Hermosa qui est mon village, puis à Guadalajara, où j’ai été le triommhateur de la feria. J’ai ensuite très vite confirmé à Madrid début 2024, sans plus de contrats depuis la fin 2023.»

Tertulias : « Arrive la Copa Chenel qui a été un vrai tremplin. Quelles étaient tes sentiments quand tu as vu la liste de toreros retenus? »

Victor Hernandez : « J’ai vu qu’il y avait des compañeros qui pouvaient être de grand niveau. Durant l’hiver 2023-2024, j’étais très centré et concentré sur moi-même, sur ma vie quotidienne, sur mon entraînement, sur la visualisation de ma tauromachie. J’étais concentré sur cela, pas sur mes coéquipiers. Mais, comme je l’ai dit, les autres toreros retenus était de très bon niveau et je ne savais pas jusqu’où j’allais aller. Je me suis dit que pour la première, je rentrerais à la maison, mais Dieu merci, ce n’est pas ce qui s’est passé. »

Tertulias : « Ce fut un coup d’acclérateur car tu as pu toréer 4 ou 5 corridas rapidement ? »

Victor Hernandez : « Exactement. 5 corridas, avec la seule Copa Chenel, puis ma confirmation, c’était un très beau début. Je pense que j’en ai tiré le meilleur parti. Entre l’hiver et la Copa Chenel, ma tauromachie a évolué. »

Tertulias : « On te connaît encore peu en France, comment définirais-tu ton toreo? »

Victor Hernandez : « Je ne sais pas comment définir ma tauromachie, mais je sais ce que je cherche. Je cherche la pureté d’une tauromachie classique et naturelle, sans bizarreries. Naturelle, et sans forcer, sans rien forcer. J’aime l’émotion en tauromachie, j’aime toréer lentement, mais bien sûr, il y a des après-midi où il faut faire une chose ou une autre. Cela dépend des circonstances. »

Tertulias : « Quels sont les toros avec lesquels tu t’exprimes le mieux ? »

Victor Hernandez : « La vérité, c’est que je n’aime pas dire du mal des toros. Je pense donc qu’ils ont des défauts, tout comme je peux avoir des défauts quand il s’agit de les toréer. En fait, j’aime les toros qui répètent et qui me permettent de faire une faena profonde et pleine d’émotions. »

Tertulias : « Qui donne l’émotion, le toro ou le torero? »

Victor Hernandez : « Il n’y a pas de faenas type. Ou le toro charge avec allegresse et l’émotion vient de là. Il y a d’autres corridas où le toro est peut-être plus arrêté et où l’émotion vient de la proximité que l’on a avec lui, alors que personne ne s’attend à ce qu’il se passe quelque chose. Quand un torero mange le territoire du toro, il se passe quelque chose de très émotionnant. Il y a de nombreuses façons de procéder. Avec un toro qui charge très lentement, en 20 muletazos, tu peux mettre une arène debout. Il y a de nombreuses formes d’émotions et il faut avoir l’esprit ouvert pour chacune d’entre elles. »

Tertulias : « Ce qui est bien avec la Copa Chenel, c’est que chaque après-midi, vous devez prendre deux types de toros différents. Comment se prépare-t-on à cela ? »

Victor Hernandez : « Il est clair que chaque encaste a ses propres particularités. Il faut les connaître, les étudier et les garder en tête. S’il est clair que les animaux ne sont pas définis à l’avance, tout au long de l’histoire, il a été démontré qu’ils avaient certaines caractéristiques. En fonction de la corrida que j’allais toréer, j’étudiais, je m’entraînais, je pensais et je visualisais chacune des embestidas que je pouvais avoir en face de moi. »

Tertulias : « Donc, quand tu t’entraînes, par exemple de salon, tu adaptes ta tauromachie au fur et à mesure de ta préparation au quotidien ? »

Victor Hernandez : « Eh bien, j’essaie. Le torero doit chercher différents registres pour différents types de toro, être un bon torero et avoir le corps habitué à tous les types de corridas. Un toro va te permettre et un autre te fait reculer alors qu’avec un autre, tu dois faire un pas dans son terrain. En d’autres termes, il y a beaucoup de choses dont tu dois tenir compte. Tu dois tout avoir sous la main, et tout maîtriser, pour que ça sorte naturellement dans l’arène. »

Tertulias : « Que penses-tu de la France taurine? »

Victor Hernandez : « J’ai beaucoup aimé les fois où j’y suis allé avec ce respect pour le toro et la fiesta brava… Je pense que vous en prenez soin comme personne d’autre. Vous pouvez être fiers de cela. J’aime beaucoup la France . »

Tertulias : « Tu n’as pu y faire ta présentation comme matador de toro à cause d’une cornada reçue à Sacedon ? »

Victor Hernandez : « Oui, et le lendemain, à Bayonne, je n’ai pas pu faire ma présentation. Je l’ai regretté car il y a eu des après-midi, comme ma présentation de novillero à Saint Perdon, où je me suis senti très torero. Je voulais, non pas seulement toréer en France, mais que les gens apprennent à me connaître. Cela m’a mis très en colère. Je savais que c’était une après-midi importante pour moi. La France a généralement une réputation pour les jeunes toreros. Quand ils triomphent, ils sont récompensés, on leur donne leur chance et on leur laisse leur place. J’étais donc très motivé pour faire mes débuts de matador en France. »

Tertulias : « Ca va bien finir pas se faire? »

Victor Hernandez : « Oui, mais bon, quand cela doit se faire, tu aimerais en profiter. Tu te vois dans ce lit d’hôpital avec ton illusion tronquée, ça t’énerve un peu. Mais je sais que ce n’est pas une affaire d’un jour et que tout arrive. »

Tertulias : « Quelle est la peur la plus difficile à gérer : physique, comportement en public, échec personnel.? »

Victor Hernandez : « Eh bien, cela dépend. Pour moi, la chose la plus difficile à gérer est la pression dûe à l’imprévisibilité du toro. Après quand tu vas toréer, les incertitudes sont nombreuses à bien des égards. Le corps est le même tous les jours et tu aimerais mentalement être le même tous les jours. Pourtant, chaque après-midi, les émotions que tu ressens sont différentes. Il y a des après-midi avec, d’autres sans. En fait, c’est une question à laquelle il est difficile de répondre avec certitude. »

Tertulias : « Les succès te mettent au sommet « du monde » , et personne ne voit qui t’accompagne mais les jours d’échecs qui est là, qui te soutient et t’aide? »

Victor Hernandez : « Surtout ma famille, qui est toujours là dans les moments les plus difficiles et que je sens toujours avec moi. Mon apoderado Roberto Ortega m’a toujours soutenu et motivé. Puis des amis proches m’ont montré qu’ils étaient de vrais amis »

Tertulias : « Nous allons justement parler du sujet des apoderados. Avant l’alternative, parce que frustré, tu as changé d’apoderado, pourquoi? »

Victor Hernandez : « J’ai subi une cornada à Almería et je suis arrivé à Bilbao très affaibli. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à tourner en rond et j’ai eu du mal à m’en sortir. J’ai donc pris cette decisión (08/2022) que j’ai « rectifiée » plus tard (11/2023) pour je pense de nouveau avec Roberto Ortega retrouver mon meilleur niveau. Après cet après-midi à Bilbao, je ne me sentais pas bien. Je me sentais un peu seul.

Je ne sais pas, j’ai eu un mauvais pressentiment. J’ai au final réalisé que j’étais responsable de la situation, alors que j’avais essayé de chercher les raisons à l’extérieur. J’ai pensé prendre la bonne décision à ce moment là (ndlr : se séparer de Roberto Ortega), mais j’ai réalisé ensuite que je n’avais peut-être pas évolué comme je l’avais imaginé. Ca n’a pas marché mais je pense que dans la vie, il est bon de faire des erreurs. »

Tertulias : « En fin de compte, tu as changé d’apoderado pour revenir avec l’ancien. Qu’attends tu de lui? »

Victor Hernandez : « Je me suis rendu compte au début de la rupture avec Roberto, que je m’attendais à ce que mon (nouvel) apoderado doive parfois en faire plus que ce qu’il a réellement fait en me faisant signer des contrats. Roberto, qui me connaît très bien, sait quand il faut me motiver ou quand il faut me réveiller et me donner du fil à retordre, mais je pense qu’en plus de l’aspect professionnel, l’aspect personnel est également important. C’est au final ce dont j’ai besoin.»

Tertulias : « 2025 arrive, quelle est ton ambition et tes motivations pour cette temporada? »

Victor Hernandez : « Mon ambition est de grandir et de pouvoir le montrer. Allumer la flamme des aficonados, pour qu’ils me remarquent et que je sois un peu une envie pour eux. Je crois qu’il y a de la place pour les jeunes toreros qui veulent faire leur chemin. Je ne veux pas être en reste.»

Tertulias : « Donne moi des raisons pour lesquelles une empresa se doit d’engager Victor Hernandez? »

Victor Hernandez : « Tout d’abord, parce que j’ai un CV. Il n’est peut-être pas encore suffisant pour être dans toutes les arènes mais pas loin. Avec ce que je sais, avec mon concept, je suis assez confiant pour donner une bonne après-midi de tauromachie n’importe où.. »

Pour mieux te connaître – Portait chinois, si tu étais?


Couleur: le vert
Animal: un chien
Sport: le football pour regarder et skier et courir en montagne pour en faire
Chanson: Sashimi de Leiva , le début de sa chanson me motive beaucoup
Ganadería: Santiago Domecq
Torero: Morante de la Puebla et José Tomas
Passe de capote: la gaonera
Passe de muleta: la naturelle
Arène: Madrid
Hobbie: une après-midi en montagne

Propos recueillis par Philippe Latour

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