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Romain Laborde, au cœur de la vie des arènes du Plumaçon

Romain Laborde, au cœur de la vie des arènes du Plumaçon

À 43 ans, Romain Laborde incarne l’âme des arènes du Plumaçon à Mont de Marsan. Responsable des corrales et concierge, il a pris la relève de son père en 2010. En parallèle, il œuvre au service des sports de la mairie.

Un métier multiple et passionnant

Romain Laborde ne se contente pas de gérer les toros. Son quotidien couvre une vaste palette de tâches. « Elles vont de l’accueil du public, du nettoyage des arènes, de l’infirmerie au débarquement des toros. Il y a de plus en plus d’activités autres celles taurines liées à la Madeleine et à Saint Perdon. Il y a des concerts , une course la « Mounride » qui est pérenne depuis quelques années. S’y ajoutent de la boxe, du basket avec la Finale de la Coupe des Landes » reflètant la volonté de la municipalité de faire des arènes un lieu vivant au cœur de la cité montoise.

Romain devient un pilier logistique pour les organisateurs. «Mon rôle est d’accompagner les organisateurs et je suis souvent sollicité pour des questions ou des problèmes de logistique. Je dois pouvoir face à n’importe quelle demande. Nous recevons aussi beaucoup de toros pour d’autres arènes. Nous avons une dizaine d’arènes partenaires (Mugron, Villeneuve , Captieux, Rion entre autres), et nous aidons dès que possible. Il y a donc pas mal de bêtes qui transitent dans nos corrales.» 

En équipe

Le travail au quotidien avec les toros quand ils sont accueillis, est certes passionnant, mais peut s’avérer délicat et exigeant. Avec son équipe de bénévoles, Romain veille à la sécurité et au bien-être des animaux. « Nous respectons les toros en évitant tout stress inutile : pas de cris, peu de personnel dans les corrales« , explique-t-il. Une rigueur indispensable face aux risques que représentent ces animaux imprévisibles. « Nous sommes une équipe de neuf personnes. Nous nous occupons de tout à partir du moment où le toro descend du camion. Ouverture et fermetrue des portes, arrosage si nécessaire des toros.

Au Plumaçon, nous souhaitons tout gérer pour éviter des incidents . Pour des raisons de sécurité, c’est mon équipe qui manipule tout. Les règles sont strictes. Si quelqu’un doit descendre pour n’importe quelle raison, aucune porte ne sera ouverte sans que je n’en aie donné le signal.« 

Formation et collaboration

Les bénévoles, recrutés avec soin, passent par une période d’observation et de formation avant d’être pleinement intégrés. « Ce ne sont pas des salariés de la commune. Ce sont des bénévoles. Ils sont passionnés. Il nous arrive aussi d’aller bénévolement dans d’autres arènes pour y faire le même travail qu’au Plumaçon. Je les connais et les recrute. Quand j’ai l’idée de recruter quelqu’un, je le laisse être en observation une demi-douzaine de fois. Il faut prendre le temps de se former correctement.

Si c’est un mayoral qui est à une porte, il peut être tenté d’intervenir et faire une manœuvre sans faire les vérifications nécessaires. On risque alors l’accident. Si j’ai une entière confiance et un grand respect pour les mayorales, nous connaissons nos installations par cœur. Je suis en sécurité parce que mon équipe vérifiera à chaque manipulation que la sécurité est respectée. »

Les mayorales

L’interaction avec les mayorales enrichit également son expérience. « Il est différent de travailler un toro au campo et dans des corrales. Souvent je prends ce que nous appelons la porte d’affrontement. C’est celle où les toros se voient et vont commencer à se battre. Je la manipule d’une certaine manière avec une ouverture progressive. Ainsi ils se retrouvent tête contre tête ce qui amortit les chocs. Il y a 4 à 5 ans, certains mayorales, des anciens dans le métier, et qui voyaient le petit jeune que j’étais, gérer cette porte, grinçaient un peu des dents. Maintenant, ils savent que notre équipe maîtrise ces opérations délicates. Je m’occupe tous les jours des toros avec les mayorales. Il n’y a pas que la nourriture et la boisson.

Les toros. c’est aussi beaucoup de surveillance. Le plus délicat, ce sont les premières nuits après leur arrivée. A Mont de Marsan, il n’y a pas de chambres pour les mayorales. Ils dorment au Foyer des Jeunes Travailleurs à 200 m des arènes. La nuit, je suis tout seul avec les toros. Il faut écouter et si on entend que cela ne se passe pas très bien, il faut y aller et de faire ce que l’on peut pour intervenir. 

J’ai des grands amis parmi les mayorales. J’apprends avec chacun d’entre eux. C’est en grande partie grâce à eux et à mon père, que j’ai appris ce que je sais. Tous avec leurs manières différentes sont des sources d’inspiration. Les mayorales arrivent quinze jours avant la corrida et la journée, ils sont en permanence aux corrales. Ils vivent avec nous et font partie de la famille. Il y a des relations très fortes. Quand la corrida est finie, il y a de l’émotion lors des aurevoirs. On reste en contact tout au long de l’année avec certains. Ce sont des gens extraordinaires qui eux sont au campo toute l’année. Quand ils sont reçus et traités comme nous le faisons, ils sont super contents et nous passons ensemble des moments extraordinaires. »

Les défis quotidiens

Les tâches techniques, du débarquement ou de l’enchiqueramiento, demandent une précision absolue. Manipuler des toros dans un environnement inconnu est un véritable travail d’orfèvre. « Il faut savoir qu’au Plumaçon, nous n’avons pas des grands corrales. C’est pourquoi, nous ne mettons pas tous les lots ici. Je ne mets pas un lot par corral.

Pour une corrida, je vais la répartir sur deux corrales. S’il se passe quelque chose, des débuts de bagarre, des situations de tension, on coupe le lot en deux. Quand deux toros se battent vraiment fort, la lance à eau ne suffit pas à les calmer. Avecdes mouvements de porte entre les deux corrales, on permet, à celui qui est sur le reculoir de s’échapper et ainsi on sépare les bagarreurs. Parfois c’est du sport. Il faut aussi analyser quand on coupe le lot et mettre le plus nerveux avec le plus calme. C’est souvent un arrangement avec le mayoral. « 

Il n’y a pas pour autant de certitudes ni de vérité face à des toros qui ont des caractères parfois changeant, qui nécessitent une adaptation permanente  » Marie Sara a lidié une année, une corrida à Villeneuve de Marsan. Au moment où les toros arrivent, elles nous confient son embarras car au campo un d’entre eux avaient tué six congénères et elle avait beaucoup de craintes sur son comportement. Elle voulait l’isoler. Je lui ai donc proposé de le débarquer en dernier. Cela s’est très bien passé, les autres n’ont pas bougé. J’ai du le séparer quelques jours après parce que ce sont les autres toros du groupe qui allaient finir par le le tuer. Le changement de site a complètement modifié la hiérarchie. Souvent les mayorales le disent, il y a des toros qu’ils ne reconnaissent plus.« 

La manipulation

Dès qu’il s’agit de manipuler un toro, la difficulté et le danger s’installent. « Le débarquement et l’enchiqueramiento sont des moments difficiles. A l’arrivée, les toros découvrent un environnement qu’ils ne connaissent pas. Le jour de la corrida, on les isole. Un animal peut changer de son comportement de groupe. Pour un toro, on lui ouvre la porte tout doucement pour ne pas le surprendre et risquer de le faire taper alors que pour un nerveux, ouvrir doucement, peut lui faire défoncer la porte. Il n’y a pas forcément de spécificités d’encaste mais il y a des toros que l’on évite de trop manipuler.

Quand on met les corridas vedettes sur d’autres corrales, ce n’est par pour les cacher mais parce que ce sont souvent les ganaderias les plus faciles à manipuler. Il faut savoir que les lots qui sont ailleurs vont devoir être remontés puis redescendus du camion. Les corridas de Victorino ou La Quinta sont plus difficiles et plus à risque lors de ces opérations d’embarquement/débarquement. On réfléchit à une autre organisation pour simplifier la surveillance des lots et limiter les déplacements dans des périodes où on a beaucoup de travail. Par contre s’il y a bien un élevage qui n’est pas comme les autres , c’est Miura. Ils sont très délicats à gérer. Ils tapent partout et s’abiment. Ce sont des toros à part. Tu ne trouveras pas cette sauvagerie ailleurs. Pour moi, ce sont les plus difficiles.« 

Jour de corrida

Les jours de corridas sont des Jours de stress mais aussi de routines maintes et maintes fois répétées pour que tout se passe au mieux. « Avec mon équipe, on enchiquère les toros après le sorteo. Puis on trace le fer de l’élevage et les deux ronds sur la piste. La piste est entretenue par une service de cinq personnes de la mairie. C’est un gros travail d’autant plus que cela fait deux ans que la piste connaît quelques problèmes suite à un renouvellement du sable. Avant, il contenait un peu d’argile qui favorisait le compactage. Il y a deux ans, le ruedo ressemblait plus à une plage. En 2024, on l’a changé quinze jours avant la Madeleine. Les équipes ont travaillé jusqu’à deux heures du matin chaque jour pour qu’elle soit correcte. La piste joue sur le comportement des toros, il faut une piste dure. 

Le travail

Une fois le traçage fait, notre rôle reprend au moment de la corrida. On pose la devise dans le chiquero au dernier moment quand les portes que le public voit dans l’arène s’ouvrent. Même si ici on a de bonnes conditions pour le faire, il est des fois où cela reste sportif car le toro reste mobile. On soulève ensuite les différentes trappes pour qu’il arrive en piste et notre rôle est terminé.  S’il y a un changement ou très rarement un idulto, il faut rentrer le toro aux corrales et cela se fait sans de cabestros. J’aurais aimé pouvoir en avoir mais on a toujours eu cette chance que les toros rentrent en général assez facilement. Même si cette année, Castella a du tuer en piste un toro qui avait été devuelto. Les cabestros dans la manipulation de tous les jours, on n’en a pas vraiment besoin.

La gestion de la chaleur est aussi une préoccupation de la journée car elle impacte les toros. Ici, nous mettons des bâches au-dessus des corrales pour qu’ils aient un peu d’ombre. Nous avons eu des grandes années avec de très fortes chaleurs. Pour la Madeleine 2024, on a enchiquéré la course de La Quinta à 16h/16h30. Mais c’est à quite ou double. Si les opérations se passent bien, c’est le top. Mais si cela dure, il y a le risque avec la corrida qui est prévue à 18h. »

Les toreros

Finalement, c’est avec les toreros que le contact se fait le moins le jour de corrida même si Romain a noué beaucoup de relations avec certains d’entre eux. « Nous n’avons pas de contacts avec les figuras. Par contre, j’en ai beaucoup avec les toreros du Sud-ouest comme Yon Lamothe, Dorian Canton, Thomas Dufau, Matthieu Guillon. Quand ils ne sont pas en Espagne, ils viennent s’entraîner dans les arènes de Mont de Marsan. Quand ils sont tous là, c’est le petit Sanlucar de Barrameda. Je vois la dureté de leur métier au quotidien.

Ils sont arrivés juste avant la COVID. Je les voyais s’entraîner sans même savoir s’ils allaient avoir un contrat lors de la temporada qui suivait. J’ai vécu ces moments où ils travaillaient leurs gammes chaque jour sans savoir de quoi demain sera fait. Ils se sont accrochés. Ce sont moment qu’il faut vivre pour comprendre la vie d’un torero. Dans les arènes, on ne voit que la finalité mais pas tous les sacrifices qu’ils font au quotidien. Je les admire beaucoup. Un chanteur, s’il chante bien, ne se plantera pas sur scène. Un torero, même s’il est bon, s’il n’y a pas de toro en face, il ne se passera rien. La tauromachie est vraiment un spectacle à part.  Quand les commissions taurines montent une féria, la réalité est toute autre que ce qui a été imaginé. »


Ouverture au public et renouvellement

Les arènes ne se limitent plus aux corridas. Les visites organisées par l’Office du Tourisme attirent un public croissant, faisant du Plumaçon un site incontournable. « Il faut savoir qu’il y a de plus en plus de demandes. Avant je faisais des visites pour les gens que je connaissais ou exceptionnellement des groupes qui en faisaient la demande. Aujourd’hui c’est l’Office du Tourisme qui a repris cette activité. Ils sont très sollicités. Le Plumaçon devient le site le plus visité à Mont de Marsan. Les gens viennent de loin. Exceptionnellement j’en fais encore et j’aime bien. Dernièrement j’en ai fait une avec Dorian Canton pour les patrons du Grand Sud-ouest d’une grosse entreprise. Beaucoup ne connaissaient pas la corrida. Certains étaient même sceptiques. A la fin, ils nous ont dit qu’on leur avait donné envie de venir voir ce qu’est réellement un corrida. C’est génial.  » souligne Romain.

Une nouvelle génération dans les gradins arrive. Malgré les critiques extérieures, Romain reste optimiste sur l’avenir de la tauromachie car les attaques contre la corrida ont ravivé un intérêt pour cette tradition. Ce retour des jeunes générations est prometteur.« Je vois de plus en plus de jeunes dans les arènes. Le public était vieillissant, il y a quatre cinq ans. Monsieur Caron nous a fait du bien. Je pense que beaucoup de gens de ma tranche d’âge qui s’étaient détournés des arènes reviennent. Il y a eu une prise de conscience et la crainte de voir disparaitre la corrida et d’autres traditions. Les parents ont recommencé à revenir avec leurs enfants. Ils les amènent pour faire perdurer les traditions. Même dans les petites arènes, les jeunes sont de plus en plus nombreux. »

Un métier-passion au service d’une tradition

Pour Romain Laborde, travailler aux arènes est bien plus qu’un métier : c’est une passion. Dans ce microcosme, où chaque détail compte, Romain et son équipe perpétuent une tradition tout en l’adaptant aux exigences d’aujourd’hui. La tauromachie est un spectacle unique, mélange de passion, de risques, et de respect, et de partage. C’est pour cela qu’il aime à se remémorer ce qui fut son grand moment au Plumaçon

« Celui qui me vient tout de suite, c’est l’indulto de Jazmin de Fuente Ymbro. Le seul dans l’histoire dans ces arènes. Mon père, d’habitude, n’ouvre pas les portes en bas. Cette année-là, nous les avions ouvertes ensemble. J’ai une photo où tous les deux on appelle Jazmin pour qu’il rentre. Quand le toro a regagné le toril, mon père a pleuré dans mes bras. Il m’a dit que cela faisait quarante ans qu’il était là et il n’avait jamais vu cela. Et moi, cela deux ou trois ans que j’étais en poste et je vivais cet évènement extraordinaire et en plus je le vivais avec lui. Il y a eu des bons moments mais cet indulto est le plus beau souvenir. » 

Propos recueillis par Thierry Reboul – Mise en forme PH.L – Photos Jennifer Harrispe – Romain Tastet

Une réflexion sur “Romain Laborde, au cœur de la vie des arènes du Plumaçon

  • Merci pour vos articles. Grâce à vous j’ai su que le club d’Arles partait aux falls de Valencia. J’ai pu alors les contacter et m’inscrire. C’est parti… J’y vais. D’autant plus que onetoro n’émet tant plus, il n’est pas possible de le voir… Alors encore merci. Une afficionada.

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