César Fernandez « El Quitos », torero de deux continents
César Fernandez « El Quitos », torero de deux continents
César Fernandez « El Quitos » est un jeune torero. Français et Mexicain à la fois. Dans le Sud-est et le Sud -ouest il a toréé non piquée. Depuis il a essentiellement toréé en novillada piquée au Mexique. Il se prépare actuellement à Aguascalientes où il participera à une novillada le 2 mars. A cette occasion, Tertulias a pu échanger avec lui et se propose de mieux vous le faire connaître.
Tertulias : « César, présente-toi en quelques mots »
El Quitos : « Je m’appelle César Fernandez. Je suis né à Nîmes. Ma famille, du côté de mon père est mexicaine et celle du côté de ma mère est française. J’ai beaucoup vécu en Espagne, à Séville , Salamanque. Sur les cartels, je porte le nom d’El Quitos. C’était aussi l’apodo de mon père, un matador mexicain des années 80-90. Il a eu en France quelques courses importantes comme une miurada à Arles. Il a aussi toréé en Espagne et ensuite s’est dirigé vers l’apoderamiento. La saga continue, ma famille a toujours été dans les toros. J’ai grandi dans ce milieu. Je suis actuellement novillero avec picadors. »
Tertulias : « Qu’est-ce qui t’a décidé à devenir matador ? »
El Quitos: « Indirectement mon éducation m’a conditionné. Ma maman était aussi novillera. Elle était à l’Ecole de Nîmes. A la maison, nous avons toujours parlé de toros. J’ai grandi auprès des toreros que mon père apodérait. Naturellement cette passion s’est développée. Quand j’étais adolescent, j’aimais bien le rugby et le tennis. Mais vers 15-16 ans, j’ai fait un choix avant qu’il ne soit trop tard. Je me suis lancé. J’ai passé mon bac et puis je suis parti m’exiler. De là, j’ai vécu seul à Séville où j’ai fait mes débuts à La Algaba en septembre 2019 . J’ai commencé à toréer et à m’entrainer physiquement et techniquement. Naturellement, c’est devenu ma profession et aujourd’hui je ne vis que pour cela. »
Tertulias : « Quelle fut la réaction de tes parents quand tu leur as dit que tu voulais être torero? »
El Quitos : « Mon père s’en doutait, le savait. Ma maman, je le lui ai caché. Je lui ai dit que j’allais voir des amis en Espagne alors que j’allais m’entraîner et que j’allais au campo. Quand elle a vu mon nom apparaître sur les affiches, elle a compris. On en a parlé et cela s’est installé. Elle m’a dit que tant que je me préparais et que je ne faisais pas les choses à moitié, il n’y avait pas de souci. Je pouvais continuer, elle me soutiendrait. Pour elle, et pour moi, il est important d’être professionnel dans ce que je fais. »

Tertulias : « Comment s’est fait ton apprentissage? »
El Quitos : « Quand j’étais plus jeune mon père me faisait faire des exercices. Je m’entraînais seul. Par la suite, je suis passé par l’Ecole Taurine de Salamanque, une grande école très réputée. J’y suis resté deux ans juste après la COVID. J’ai pu faire mes premières novilladas. En 2023 j’ai rejoint l’Ecole Taurine de Béziers. Il y a eu plusieurs matadors de toros qui m’ont soutenu comme Manuel Escribano chez qui j’ai habité. »
Tertulias : « Quand as-tu débuté ? »
El Quitos : « J’ai débuté en septembre 2019, juste avant la COVID. En 2020, j’avais beaucoup de novilladas prévues dans le Sud-ouest et en Espagne. Tout a été bloqué. J’ai repris en 2021 et le contact avec les toros à Salamanque. J’ai pu faire des non piquées avec l’Ecole mais cela n’a rien à voir avec ce qui était prévu en 2020 .
En France, j’ai fait ma présentation à Bellegarde en 2023. J’ai fait une grosse saison en 2023. Je suis allé à Aignan, Roquefort, Hagetmau, Valencia où j’ai fait un tour de piste. J’ai toréé deux fois à Villaseca de la Sagra où j’ai été demi-finaliste du Certamen, une référence en Espagne. J’ai fait une saison importante. C’était pour moi la première où j’étais réellement actif. En fin d’année, j’ai débuté avec picadors au Mexique. »
Tertulias : « Comment se sont passés les débuts en piquée? »
El Quitos : « J’ai débuté ici au Mexique à Aguascalientes. Cela fait plusieurs fois que je torée dans ces arènes. J’y ai triomphé plusieurs fois ce qui fait que les organisateurs me répètent. »


Tertulias : «Quelle est la différence entre la France, l’Espagne et le Mexique? »
El Quitos: « J ’ai eu la chance de grandir en Espagne, en France et au Mexique. Je n’ai pas eu de mal à m’adapter aux publics. Ce sont trois publics avec des manières différentes de voir le toro. Ils ont toutefois la même passion qu’ils expriment aux arènes.
Au Mexique, les toros sont majoritairement de sang Santa Coloma. C’est un animal plus petit, moins fort qu’un Domecq. Malheureusement, il n’y a pas beaucoup de non piquées au Mexique car les erales sont physiquement trop justes pour être lidiés. On est obligé de passer directement en piquée. C’est la différence la plus importante. Il y a aussi une différence, c’est que l’on fait la vuelta dans le sens inverse des arènes européennes. »

Tertulias : « Tu te sens plus torero français ou torero mexicain? »
El Quitos : « C’est une question que l’on me pose souvent. Il est difficile de choisir entre son père et sa mère. Je ne peux pas choisir entre mes deux patries. J’ai grandi en France mais ici j’ai ma famille, j’ai passé pas mal de temps au Mexique J’ai aussi plus toréé au Mexique Les organisateurs m’y ont plus ouvert les portes qu’en France et en Espagne. Pour moi, c’est un sentiment mitigé. Ma personnalité tend vers les deux. Quand on m’entend parler, on perçoit que je suis né en France, j’en ai la Culture et la passion. Quand je suis au Mexique, je n’oublie pas d’où je viens, d’où je suis parti. Je suis un mélange des deux. »
Tertulias : « Qui s’occupe de ta carrière? »
El Quitos : « Actuellement c’est mon père qui m’aide ici au Mexique. C’est lui qui me trouve les dates et le campo. En Espagne, je n’ai pas toréé depuis un an et demi. En France, j’ai été apodéré par Serge Almeras mais aujourd’hui il ne s’occupe plus de moi. »
Tertulias : « Comment procèdes-tu pour rechercher des contrats en Europe? »
El Quitos : « Quand j’étais dans une école taurine, c’était plus facile car cela se faisait par échanges entre les écoles. Depuis que je suis sorti de l’école, c’est à moi de démarcher les organisateurs, de les appeler, de leur envoyer des messages. C’est assez long et pénible mais il faut le faire. C’’est la seule façon de trouver des contrats. »
Tertulias : « Comment réagissent les organisateurs quand tu les contactes? »
El Quitos : « Sincèrement, ils sont peu à me répondre. Beaucoup de commissions ne jouent pas le jeu. Souvent ils préfèrent ne pas répondre plutôt que me dire non. Je préfère que l’on me dise non en face plutôt que de ne pas avoir de réponse du tout. Souvent c’est comme cela. Parfois, je tombe sur des gens plus gentils, plus attentionnés qui me répondent, m’expliquant le processus de décision. Je suis obligé de faire mon propre commercial. J’essaie de me vendre comme si j’étais le meilleur du monde. »
Tertulias : « Comment caractérises-tu ta manière de toréer ? »
El Quitos : «Cela fait peu de temps que j’ai débuté en piquée. Je suis un torero jeune. Je n’ai pas un concept défini. J’aimerais tendre vers le classique, garder la verticalité. Je cherche à toréer le plus lentement possible en ralentissant le plus possible les charges du toro. Avec ces trois principes, il y a déjà beaucoup à faire. C’est ce vers quoi j’aspire aujourd’hui dans ma tauromachie. »

Tertulias : « Quels sont les toreros qui te servent de modèle? »
El Quitos : « J’apprécie la tauromachie d’un Paco Ojeda même s’il réduit beaucoup les distances. J’aime toréer avec plus de distance. J’aime beaucoup Paco Camino. Parmi les toreros actuels, Morante de la Puebla est un référent. J’aime sa tauromachie et sa personnalité qui m’éblouissent et me guident aussi. Dans l’histoire, pour sa carrière il y a César Rincon qui a enchaîné les Puerta Grande à Madrid. J’apprécie sa hargne, son esprit, sa faim de toréer, son histoire et sa tauromachie me plaisent beaucoup. »
Tertulias : « Est-ce que tu banderilles? »
El Quitos : « Non je ne banderille pas. Mon papa le faisait à son époque. On m’a beaucoup demandé de la faire. Ce n’est pas une suerte que j’apprécie personnellement . Je ne suis pas très bon . J’ai une très mauvaise coordination des jambes. Mais pourquoi ne pas le faire une après-midi mais c’est quand même quelque chose qui ne m’attire pas. »
Tertulias : « Quel est le type de toros que tu préfères ? »
El Quitos : « Tous les types de toros ont leurs avantages et leurs inconvénients. J’aime un toro qui est franc avec de la classe et du rythme. Ce type de toros, je le trouve plutôt en Espagne. Ce sont des Santa Coloma comme les La Quinta, Pablo Romero. C’est un toro qui a du caractère. Bien sûr, il peut être compliqué. Je l’aime parce qu’il ralentit ses embestidas. Il faut être attentif à tout moment, ce n’est pas un toro monotone. Il transmet du danger à tout moment. C’est le toro que j’aime mais, bien sûr, si on me met avec une course de Domecq, je ne dirai pas non.
Avec des toros plus difficiles, il faut toujours aller à la guerre et être sur la défensive. On perd l’esthétique. Il faut être prêt à les toréer. Peut-être que je ne le suis pas encore. Il faut que je me fasse au campo, pour gagner en expérience et en maturité. Et si un jour, il faut toréer des Dolores Aguirre, il faudra y aller. »

Tertulias : «Qu’est ce qui est le plus important pour toi, la technique ou l’esthétique? »
El Quitos : « Si on peut joindre les deux, c’est le mieux. Mais je pense que la technique est très importante. Si on ne possède pas la technique, on ne peut avoir l’esthétique. On peut très bien toréer de salon mais, sans technique, le torero se fera manger par le toro. A contrario, si tu n’as pas d’esthétique mais que tu as de la technique, tu pourras toujours faire bouger le toro et tu t’en sortiras. »
Tertulias : « Du toreo de cape et de muleta avec lequel te sens-tu le plus à l’aise? »
El Quitos : « Je me sens le plus à l’aise avec la muleta. En ce moment je travaille énormément mon toreo de capote. J’ai quelques lacunes. J’aimeraiS mieux toréer à la cape même si on ne coupe pas les oreilles avec. Je travaille sur la variation des quites et des passes. Mais je suis vraiment plus à l’aise à la muleta en toréant à moyenne et longue distance. »
Tertulias : « Quel est le meilleur souvenir de ta carrière ? »
El Quitos : « Le meilleur souvenir, c’est l’an dernier à la Féria d’Aguascalientes où j’ai pu toréer aux côtés de Marco Perez et Bruno Aloi. J’avais été choisi à la suite d’un Féria de novilladas où j’avais coupé deux oreilles. Dans cette course, avec ces deux novilleros du haut de l’escalafon, j’ai touché un grand toro de Las Vueltas qui a été gracié. Je suis sorti triomphateur de cette course où j’actuais avec deux éminences de l’escalafon des novilladas. J’étais très heureux. Je me suis rendu compte du résultat de tout le travail que j’avais fait pour en arriver là. C’est un moment qui restera dans mon cœur et dans ma tête. »
Tertulias : « Et le moins bon? »
El Quitos : « S’il faut parler d’un souvenir moins bon, c’est mon premier de coup de corne. Lors de ma première piquée, ici au Mexique, j’ai pris un coup de corne de 20 à 25 cm à mon dernier novillo. Je manquais d’expérience et de sérenité Je suis parti de mon propre chef vers l’infirmerie. Mon père s’est mis au milieu entre moi et l’infirmerie avec un regard assez dur. J’ai préféré retourner en arrière et j’ai fini ma faena.
J’ai tué le novillo, coupé une oreille et ensuite je suis allé me faire soigner. Cela a été un moment de peur et de panique. C’était la première fois, on ne sait pas ce qui se passe. Tu perds du sang, tu te sens faible et la douleur est forte. Sur le moment, on est paniqué d’autant que tu dois faire face à un toro qui est entier. C’est un des moments où j’ai eu le plus peur dans ma vie. »
Tertulias : « Comment as-tu récupéré mentalement et physiquement après ce coup de corne? »
El Quitos : « Mentalement, j’ai pensé que cela serait plus difficile, que j’allais mettre du temps. Je me suis surpris car physiquement deux jours plus tard, je reprenais la marche et après une semaine le footing léger. J’avais une course trois semaines plus tard et il fallait que je m’active. Automatiquement quand se voit capable de surmonter cela, on se sent invincible. On a 20 ans, on est dans la fleur de l’âge. Du coup, mentalement on se sent plus fort. Globalement je suis content d’avoir surmonté cette épreuve qui m’a donné beaucoup de peur mais aussi de force. »
Tertulias : « Comment t’entraines-tu? »
El Quitos : « Le matin, j’ai l’habitude de courir. Je fais une sortie courte ou longue selon les objectifs. Cela dure en général d’une heure à une heure et demie. Après les étirements, je fais du toreo de salon pendant deux heures, deux heures et demie avec les copains et les gens qui sont avec moi. Vers 18h je repars pour m’entraîner jusqu’à 20h30. »
Tertulias : « Tu arrives à avoir des tentaderos? »
El Quitos : « Les tentaderos se font en fonction des saisons. En hiver, je suis à Salamanque et j’arrive à avoir un peu de campo. Au Mexique, il y a en toute l’année. C’est quand même compliqué pour moi. Ce ne sont pas tous les ganaderos qui m’ouvrent la porte. C’est une question de temps. Il faut s’implanter et petit à petit cela va se faire. »
Tertulias : « Comment vois-tu ta temporada 2025 ? »
El Quitos : « Pour l’instant, elle est obscure. Elle est assez indécise. Je n’ai qu’un contrat le 02 mars à Aguascalientes. J’ai des pourparlers en France mais à mesure que le temps passe les oui deviennent non Pour l’instant, il n’y a rien d’officiel. En Espagne, le marché est très fermé pour les Français. Je ne me fais d’illusion là-dessus. Pour l’instant, c’est tout ce que j’ai. Je peux me rabattre sur le Mexique qui m’offre des opportunités mais il n’y a rien de conclu pour l’instant. »
Tertulias : « Où préfèrerais-tu toréer en France, en Espagne ou au Mexique »
El Quitos : « J’ai eu la chance que la Mexique m’ait ouvert les portes quand les autres pays me les ont fermées. Je ne me suis pas arrêté. J’ai continué à m’entraîner, à toréer. Je commence à me faire un nom ici. Au bout de cinq novilladas, j’ai pu me présenter à la Mexico. Ce sont les plus grandes arènes du monde . J’en suis très fier, très content.
Mais, sincèrement, j’aimerais me faire une place en Espagne et en France. C’est là-bas que l’on se fait un nom, que l’on marque l’histoire et qu’on devient « figura del toreo ». Il y a eu pas mal de mexicains qui ont pu tenter l’aventure en Espagne. Mais aujourd’hui c’est beaucoup plus fermé. Actuellement je suis installé en France. Je m’entraîne à Caissargues ou à Nîmes. L’hiver je suis à Salamanque et je passe du temps avec des professionnels. Au Mexique, j’y suis pour les contrats. »
Tertulias : « Si tu avais trois raisons à donner aux organisateurs pour t’engager, quelles seraient-elles ? »
El Quitos : « Pour commencer, je vais être un peu narcissique en parlant de moi. Je défends mon produit. Je suis un garçon qui cherche son opportunité en piquée. J’ai eu des triomphes en France dans le Sud-est et le Sud-ouest.
Je vais parler au nom des Français. Il serait important que l’on nous prenne en compte, que l’on nous considère. Nous sommes la relève de Sébastien Castella, dont j’espère que la carrière sera encore longue. Nous sommes aussi la relève de Juan Leal, de Clemente. Et si nous ne pouvons pas toréer chez nous, car la France c’est chez moi, ce sera très compliqué pour la suite et on se retrouvera sans toreros français.
La troisième , c’est que je fais venir du monde aux arènes. Je suis un torero du pays qui arrangera les organisateurs. Ici au Mexique, les toreros locaux sont protégés. Il ne peut pas y avoir deux étrangers au cartel (sauf à faire une course à huit toros avec deux Mexicains et deux non-Mexicains). Tous les Mexicains ont grâce à ce convenio des contrats. J’en profite car j’ai la double nationalité. Et cela me permet de toréer. »

Tertulias : « Pour toi qui la vis de l’intérieur, comment se porte la tauromachie au Mexique »
El Quitos : « Ici à Aguascalientes il y a au moins trois quarts d’arène pour une novillada. C’est la seule ville au monde où j’ai vu de la revente pour une novillada. A Mexico, pour ce type de courses, il y a 8000 personnes ce qui est beaucoup pour ce type de spectacle. Il y a un public qui vient aux arènes avec de plus en plus de jeunes, même si c’est compliqué avec une présence au gouvernement d’animalistes. De plus ici les lois ne sont pas toujours respectées. On l’a vu avec la fermeture puis la réouverture des arènes de Mexico. Attaqués de partout, nous nous défendons comme nous nous le pouvons mais je trouve que nous nous défendons bien. »
Merci César, suerte pour le 2 mars et à bientôt, souhaitons-le, en France.
Propos recueillis par Thierry Reboul