Andoni Verdejo…le droit de toréer
To be or not to be? C’est bien la question que doit se poser fréquemment Andoni Verdejo. Ce jeune homme né en 2000 suit des études de droit notarial (Master 2) et se destine à être délégataire de la puissance publique en mettant ses connaissances juridiques au service du public, bref devenir notaire. Oui mais voilà, si Andoni a la tête bien faite, il a l’âme d’un artiste. C’est pour cela qu’il revêt le costume de lumières le week-end venu. Alors entre code civil, capes et muletas, le temps du choix arrive à grand pas. A l’orée de cette temporada 2023 très importante, Tertulias a rencontré Andoni Verdejo pour une entrevue.
Tertulias : « Bonjour Andoni, peux-tu en quelques mots te présenter? »
Andoni Verdejo: « Je suis né à Mont de Marsan le 9 octobre 2000, ma mère est française et mon père a des origines espagnoles du côté d’Albacete. Je suis étudiant en Master de Droit Notarial, 5ème année. Il me reste deux années d’alternance. Je suis en novillada sans picador depuis juin 2021. »
Tertulias : « Comment t’est venue l’aficion et de l’aficion, l’envie de toréer? »
Andoni Verdejo: « La première corrida que j’ai vue, j’avais 6, 7 ans. C’était à Dax, il y avait je me souviens Manuel Escribano. J’étais accompagné de mon père et de mon parrain. La seconde du côté d’Albacete 3 ans plus tard. A l’école, mon meilleur ami dont la famille était aficonada, me faisait vivre par procuration la tauromachie et on jouait dans la cour d’école au toro. A l’époque je faisais de la musique, de la gymnastique. Ce n’est qu’en juillet 2017 que je reviens voir une corrida aux arènes de Mont de Marsan avec Alejandro Talavante et Gines Marin au cartel (ndlr 21 juillet Nuñez del Cuvillo pour Ponce, Talavante, Marin). Le costume de lumières, l’amour du toro que j’ai ressenti dans ces arènes m’a beaucoup plu.
En rentrant de cette corrida, j’ai demandé à mon père si pour devenir torero il était nécessaire d’aller en Espagne. Comme il connaisssait l’école du maestro Richard Millian, il a téléphoné pour prendre des renseignements. Rendez-vous a été pris pour le premier mercredi de rentrée. Ca n’a pas été facile de convaincre ma mère qui n’aimait pas la corrida (depuis ça a bien changé) et mon père sachant que la condition « sine qua none » était de rester concentré sur les études.
Je me suis donc rendu à Cauna. Tristan Barroso m’a prêté une cape. J’ai donné quelques passes qui ont convaincu le maestro qui m’a dit de revenir la semaine d’après. Ce jour là, j’ai beaucoup observé, plus que pratiquer. J’y suis retourné la semaine d’après, mais sans avoir à l’esprit que je voulais devenir torero. J’ai intégré Adour Aficion par curiosité.»
Tertulias : « Comment s’organise ta vie entre des études prenantes et cette passion taurine voire l’envie de devenir torero ? »
Andoni Verdejo: « A la base, je voulais faire sciences-politiques mais cela aurait pris trop de temps. Je me suis donc rabattu sur des études de droit. En semaine je suis à Bordeaux dans un studio. Je ne peux m’entraîner avec capes et muletas, mais je fais beaucoup de renforcement physique, de visionnage de vidéos et de réflexion. Penser, réfléchir, le travail mental, c’est pour moi un moment très important de la préparation. Je ne peux donc travailler véritablement avec les trastos que le week-end. C’est un inconvénient, ça me réduit (sic) beaucoup mais je n’ai pas le choix. »
Tertulias : « Quel est ton rêve, être torero, ou être un notaire qui vit une passion parallèle ? »
Andoni Verdejo: « La temporada 2023 va être très importante. Pour l’instant j’ai su gérer pendant les cinq ans d’études mais je vais devoir faire un choix. S’il est possible de continuer en tauromachie, je sais que je peux mettre en pause mon alternance et c’est vers ce choix que je m’orienterais en priorité. »
Tertulias : « Est-ce que l’enjeu et la presssion de cette saison explique ce côté très intériorisé que tu exprimes en piste ? »
Andoni Verdejo: « Non c’est ma nature, au contraire l’école taurine m’a énormément servi car j’étais extrêmement timide. Je m’ouvre plus sur le public, même si je suis conscient qu’il y encore beaucoup à travailler. La pression, elle existe, mais elle me booste en me mettant dos au mur. »
Tertulias : « Comment se passe ce début de temporada? »
Andoni Verdejo: « Je commence à Arzacq où je coupe une oreille sans que je me trouve bien. A Magescq, avec une novillada encastée de Flor de Jara, je coupe deux fois une oreille. A Aignan, je ressors très insatisfait (une oreille face à un novillo du Lartet) puis est venu Mugron, avec deux oreilles au premier novillo d’Alma Serena qui me permettent de me relâcher pour toréer le second, à qui je coupe aussi deux oreilles. »
Tertulias : « Sur ce novillo, tu es apparu très « a gusto », est-ce le vrai Andoni que l’on a vu alors? »
Andoni Verdejo: « Non, j’ai toréé relâché certes mais j’ai revu la faena en vidéo, et je me déplais dans certaines attitudes. Je suis content de la faena mais je n’ai pas toujours fait les choses assez classiquement voire parfois, je les ai trouvé un peu vulgaires à mon goût. »
Tertulias : « Si je te dis que la tauromachie, c’est un combat? »
Andoni Verdejo: « C’est un combat qui doit se gagner par la douceur. Le toro a plus de forces, est plus violent que nous. La tauromachie est belle parce qu’on arrive à contrôler, canaliser, templer cette violence en arrivant à danser avec elle, à danser avec la mort. Il ne faut pas combattre par trop d’autorité car ça va faire un choc entre deux violences et ce n’est pas ce que je recherche. »
Tertulias : « Le côté artistique t’attire donc plus que la partie combat? »
Andoni Verdejo: « Quand je vois des corridas dures, je ressens des émotions mais personnellement je n’y arrive pas. C’est ce qui m’a manqué à Aignan par exemple où j’aurais dû avoir beaucoup d’autorité pour lui monter dessus. »
Tertulias : « Est-ce dû à un manque (de fait) de travail de salon ou plus psychologique? »
Andoni Verdejo: « Le maestro me le dit souvent, on torée comme on est! Je pense donc que c’est plus mental que technique. »
Tertulias : « Pourtant quand le novillo l’exige, il faut arriver à le dominer et trouver les ressources comme tu as pu le faire à Magescq par exemple ? »
Andoni Verdejo: « A Magescq, le maestro avait vu la novillada qui était forte, et tout ce qu’il m’a dit, m’a préparé, m’a servi pour aller chercher au fond de moi des choses que je n’avais pas l’habitude de faire. Il me le répète souvent : « Andoni rappelle-toi que c’est un combat pas qu’une danse ». J’ai conscience et je suis convaincu que je dois travailler cela, et que je ne peux pas me contenter de faire uniquement ce que j’aime. Je ne peux pas m’en échapper surtout ici dans le sud-ouest. »
Tertulias : « Quels sont tes modèles dans la tauromachie? »
Andoni Verdejo: « José Maria Manzanares pour sa prestance, son charisme et sa présence. Pablo Aguado pour son côté artiste sévillan et sa naturalité. Ne pas forcer les passes… Juan Ortega pour son clacissisme, sa recherche de la beauté de la passe talons au sol, et s’enrouler le toro avec temple. J’aime Diego Urdiales qui peut avoir les deux facettes, artiste et « batailleur ». »
Tertulias : « Toi qui ne te considères pas comme un combattant, quel a été ton ressenti quand tu as mis à mort ton premier animal? »
Andoni Verdejo: « La première fois, c’était chez Jean-Louis Darré. Ca a été très rapide mais aussi très long quand l’animal s’offre à toi au moment de l’estocade. Quand il est tombé, je me suis surtout senti puissant! »
Tertulias : « Quel regard portent ta famille et tes amis sur ton activité taurine? »
Andoni Verdejo: « lls sont heureux pour moi, mais aussi surpris sur ce changement que cela m’a permis d’opérer au niveau de ma personnalité. Ils me suivent partout, sont fiers et ont beaucoup d’admiration. Ils m’aident beaucoup. »
Tertulias : « Ca te fait quoi de passer aux yeux de certains pour un assassin ? »
Andoni Verdejo: « Je le vis bien parce que je ne suis pas un assassin. Ces gens là se trompent. Je n’essaye de convaincre personne. Je parle volontiers avec les gens qui aiment ou veulent comprendre. J’ignore ceux qui m’insultent. »
Tertulias : « Avec la proposition de la loi Caron, as-tu redouté de voir ton rêve comdamné à s’arrêter? »
Andoni Verdejo: « J’ai regardé les débats parlementaires et rapidement j’ai été soulagé. Par ailleurs, pendant les discussions avant la présentation au parlement je n’y croyais pas trop. En effet, en droit, on nous apprend la hiérarchie des normes, et la loi proposée ne respectait pas la constitution puisqu’elle souhaitait interdire une pratique déjà autorisée par celle-ci. Je me suis quand même posé la question de savoir ce que je ferais si la loi passait. Si en public j’aurais été obligé d’arrêter mon activité, rien ne m’empêcherait de continuer en privé. La passion s’arrêterait pour l’extérieur mais à l’intérieur, jamais! »
Tertulias : « Qu’est-ce que tu aimerais que l’on dise de toi fin 2023? »
Andoni Verdejo: « Pour commencer, j’aimerais que le maestro soit content de moi et me vois capable de passer à l’échelon supérieur. Ensuite j’aimerais que les gens qui m’aient vu, aient remarqué mon évolution, ressenti des émotions et que je leur donne envie de me revoir à un autre niveau. »
Propos recueillis par Philippe Latour
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