ActualitésInterviews

Christophe Dubroca entre passion et règlement

Christophe Dubroca entre passion et règlement

Christophe Dubroca est une figure bien connue des ruedos dans le sud-ouest. Sur son cheval, il précède nombre de toreros lors des paseos dans les arènes. Christophe Dubroca en effet est alguacil depuis 17 ans. Sa passion pour le cheval et l’équitation, trouvent un lieu d’expression parfait pour la vivre avec une de ses autres passions, la tauromachie. Il est agent de maintenance aux abattoirs et à la ville d’Hagetmau où il habite quand il n’est pas habillé de noir à la mode de Philippe II d’Espagne.

L’alguacil d’aujourd’hui est réputé être un policier de l’arène et relais de la présidence. Il est un lontain descendant des agents de police des villes espagnoles qui à compter du 18ème siècle dans les arènes en dur étaient en charge de faire respecter l’ordre public. Pour la grand public, les hommes et les femmes qui occupent cette fonction ouvrent le spectacle et donnent les récompenses obtenues. Pour l’aficionado averti, il devrait être un gendarme de l’arène veillant à ce que le règlement soit strictement appliqué par les hommes en piste. Tertulias a rencontre Christophe Dubroca pour qu’il nous éclaire sur la réalité de sa fonction et comment la vit-il concrètement …

Aficionado avant tout

Son aficion est née dans le coeur des années 80 :  « Comme beaucoup de chalossais, j’ai commencé par la course landaise. C’est la tauromachie espagnole qui m’a le plus attiré car c’est elle qui me procurait le plus d’émotions. Je suis issu d’une famille modeste, fils de paysan et nous n’avions pas vraiment les moyens d’aller aux arènes. J’ai pu voit ma première novillada à Hagetmau. C’était en 1985 et Ruben Tomas a triomphé sous le déluge avec des novillos de Rocio de la Camara. C‘est l’époque où Paquirri et El Yiyo sont morts dans l’arène. Pour le jeune adolescent que j’étais, ça m’a marqué car pour moi c’étaient de grands personnages.

Après j’ai pris l’habitude d’aller chaque année à Hagetmau, et quand j’ai eu les moyens de me payer des places de corrida, j’ai élargi mon rayon d’action. Quand Canal+ a commencé à diffuser le dimanche ou le lundi soir des corridas, ma passion s’en est trouvée boostée. Pierrot Albaladejo, Zocato et Simon Casas m’ont fait découvrir et mieux connaître la tauromachie. Au-delà de mes activités d’alguacil, je continue à aller en spectateur assister à des novilladas et des corridas. »

D’aficionado à alguacil

Rugbyman de bon niveau, il n’avait pas forcément envisagé de devenir alguacil un jour. Puis une rencontre et une génération vieillissante des hommes en place lui ont donné l’occasion de franchir le pas. «  Si je suis aficonado, je suis aussi passionné par le cheval et l’équitation. C’est le mélange de ces deux passions qui m’a amené à le devenir. J’y suis venu sur le tard car je jouais au rugby à Hagetmau quand l’équipe était en première division. Rugby et équitation ne sont pas trop compatibles si tu veux avoir des jambes pour courir sur un terrain. J’avais fait l’acquisition d’une première jument quand j’ai commencé à travailler qui a disparu dans l’incendie qui a ravagé notre ferme. A la fin de ma carrière rugbystique, j’ai racheté un cheval et me suis remis à l’équitation. J’ai rencontré David Dubayle qui partageait mes deux passions. C’est avec lui que j’ai débuté.

D’un projet à la réalité, il y a un pas à franchir et c’est une peña d’Hagetmau sa ville de naissance et Garlin qui lui ont permis de mettre le pied à l’étrier. »Nous avions ce projet, quelques connaissances, mais tu n’arrives pas comme cela dans ce petit monde. Heureusement, c’était une période où il y avait un besoin de renouveau au niveau des alguacils dans le Sud-ouest. Certains organisateurs nous ont incité à franchir le pas. Mimi, le meneur de train d’arrastre avec qui je travaillais à l’abattoir m’a poussé.

Garlin

Au final la Peña Muy Bien d’Hagetmau a monté pour fêter ses 20 ans un petit spectacle. Je leur ai proposé de faire le paseo afin que l’on puisse nous voir une première fois. Les organisateurs de Garlin étaient présents. Le soir même, nous nous sommes mis en contact et c’est parti comme cela. Après Garlin, il y a eu Samadet, Mugron et ainsi de suite. C’est grâce à Garlin que nous en sommes là et je leur en suis très reconnaissant car sans eux jamais je n’aurais fait une carrière d’alguacil. En effet nul n’est vraiment prophète en son pays et Hagetmau a attendu un an pour nous engager. Le chemin est passé par Arzacq, Parentis, Aire pour ma première corrida jusqu’à être aujourd’hui à Mont de Marsan »   

L’homme et le cheval

Etre alguacil, c’est ne pas que savoir monter à cheval. Le rôle du policier des arènes s’il un tronc commun varie en fonction des arènes et des attentes des uns et des autres, mais le travail commence bien avant l’heure du défilé. « Le travail commence pour nous la vieille d’une course pour préparer nos chevaux. Il faut que tout soit impeccable le jour de la corrida que ce soit leur harnachement et nos tenues par respect pour les toreros et des organisateurs. Certaines arènes nous demandent d’être là dès le sorteo. Il nous faut prendre connaissance de l’ordre de sortie des toros.

Quoiqu’il en soit, j’arrive toujours deux bonnes heures à l’avance. Aux abords des arènes, il y a du monde, du bruit, de la musique. Il faut que les chevaux s’imprègnent de cette ambiance et puissent se poser. Il faut détendre au maximum les chevaux. Le public ne s’en rend pas compte, mais au moment du paseo, ils ne sont pas dans leur élément naturel et il faut arriver à bien les tenir. Après le paseo on essaye d’attraper la clé. Pour ce moment là, parfois on nous demande un entraînement prélabale comme par exemple la Mairesse d’Hagetmau, après son élection qui a voulu deux jours avant que nous allions nous entraîner aux arènes de peur de ne pas y arriver. »     

Le policier de l’arène mais pas que  

Une fois que les clarines ont sonné, l’alguacil s’il doit se faire discret devient un rouage important pour le bon déroulement du spectacle, la pique est un moment crucial durant lequel la vigilance doit-être de mise. «  Pendant le déroulement de la corrida, nous sommes aux ordres de la présidence et essayons de faire respecter au mieux le règlement. Le moment des piques est particulier. Il faut contrôler si la pique est bien montée et veiller à ce que le tercio se passe dans les meilleures conditions dans un respect que nous aimerions être mutuels ce qui n’est pas toujours le cas. Le public râle souvent contre les piqueros, mais piquer est loin d’être évident.

L’alguacil essaie de faire respecter le règlement aux picadors et en général, cela se passe plutôt bien même s’il y a des accrocs parfois. Si la plupart écoute quand tu interviens, d’autres s’emportent et nous envoient promener et certains d’entre eux n’en font qu’à leur tête. C’est un vrai moment de tension.

La surveillance

Durant la faena, il faut surveiller que personne n’ait envie de sauter dans l’arène. A la mort du toro, nous demandons l’entrée du train d’arrastre. La rapidité avec laquelle les mules entrent en piste est assez variable et dépend de la volonté exprimée de prendre du temps pour faire monter les pétitions d’oreilles. La remise en état du ruedo après l’éventuelle remise des trophées est très important et je suis très intransigeant sur le sujet. La piste se dégrade beaucoup lors de la lidia et peut devenir très dangereuse si on ne la remet pas correctement en état, quitte à prendre le temps de le faire.

Je me rappelle, une fois, lors du festival donné à Arzacq en hommage à El Pimpi. Julien Lescarret a mis le pied dans un trou, ce qui l’a fait tomber devant le toro pour une belle voltereta. Heureusement que nous étions dans un festival,et que le toro était afeité. Depuis je fais très attention. Au moment du descabello, je me déplace à l’endroit où est le toro pour contrôler comment le puntillero se place pour donner le coup de grâce. On est là aussi pour empêcher que quelqu’un vienne retirer l’épée depuis le callejon.      

Ecouter et regarder

S’il représente l’autorité, il faut pour l’alguacil savoir l’exercer tout en restant à l’écoute des présidences et s’adapter à leurs priorités. « En général, le première chose que je demande quand j’arrive , c’est le nom du président, que je vois systématiquement avant la course. Nous nous mettons en accord sur les points qui lui paraissent essentiel. Durant la course, on se regarde en permanence et s’il y a quelque chose, il me le fait savoir. Nous avons par contre assez peu de contacts avec les toreros car ils sont dans leur monde à eux, leur bulle.

Certains échanges peuvent être drôles parfois. Antonio Ferrera, lors de son encerrona à Mont de Marsan, nous avait demandé de prendre un peu de temps entre chaque toros pour qu’il puisse récupérer. Je restais en piste mais près de lui en lui indiquant de me faire signe quand il serait prêt. Il s’aspergeait avec une bombe rafraîchissante et grignotait. Il m’ a proposé de partager sa collation quand j’ai fini par lui demander ce qu’il mangeait. Une autre fois le Fundi à Aire après m’avoir salué avant le paseo dans le patio, commence à parler chevaux avec nous car c’est un grand cavalier. Il me disait avec insistance que j’avais un bon cheval et alors que je lui remettais l’oreille qu’il venait de couper, il m’a demandé en plein centre du ruedo si j’étais d’accord pour le lui vendre. » 

L’autorité

Le déroulé d’une corrida ne va pas sans obstacle qui surgissent de temps à autre de manière inopinée. Il appartient à l’aguacil aussi de gérer certains situations imprévues. « Il est aussi important d’avoir un oeil sur tout. Pas plus tard que cette année, à Mont de Marsan, le premier jour une personne entre le deuxième et le troisième toro, s’est glissé entre les areneros. Il est entré en piste et pour se filmer et diffuser les images sur facebook.  Je le renvoie discrètement dans le callejon. Au cinquième toro, il recommence en prenant un rateau d’areneros avec lequel il dansait. Pour la première fois de ma vie j’ai dû expulsé quelqu’un du callejon.

Pour le reste avec les professionnels. Nous intervenons souvent au niveau des piqueros qui ne respectent pas le sitio ou les puntilleros qui pinchent par l’arrière. Il m’est arrivé de faire un quite à un monosabio qui n’arrivait pas à sauter les planches. Quand un torero se fait prendre, j’essaie d’arriver le plus vite possible pour guider et faciliter son évacuation vers l’infirmerie. »    

Règlement règlement?

Pour exercer et incarner l’autorité, il faut connaître et maîtrise le règlement quoique l’on en pense. «  Dès que je suis allé régulièrement aux corridas, j’ai potassé le règlement. C’est en allant aux arènes que l’on apprend le plus. Après il faut savoir l’interprèter et s’adapter au contexte de l’arène. Ce qui me dérange aujourd’hui, c’est qu’il est trop rare de voir une bonne mise en suerte au premier tiers. Il faudrait agir sur le sujet. Le problème des alguacils, c’est que les picadors et les toreros écoutent quand ils en ont envie. On peut s’affirmer, mais on ne fait pas peur car on a pas de moyens de dissuasion. 

A Captieux , je me suis fait incendié par un puntillero qui voulait puntiller par l’arrière. Une fois à Saint Perdon, les organisateurs décident de ne mettre qu’un seul cheval en piste et tout en me prévenant, me confirment que les cuadrillas étaient au courant. Le temps d’enlever les brides des chevaux après le paseo,  le toro était déjà en piste avec deux picadors rentrés en piste pour le tercio de varas. Je ne pouvais plus rien faire. Au second, les deux piqueros se présentent. J’impose un seul cheval non sans mal. Je me fais insulter mais j’arrive à mes fins. Au troisième idem. J’en arrive à retenir au quatrième le cheval de Sandoval qui devient agressif. Cela s’est quand même bien fini mais ce fut chaud. »      

Une future affaire de famille?

Les alguacils vont par paire et Christophe Dubroca espère bien qu’un jour son tandem sera une affaire de famille  :  «  J’ai commencé avec David Dubayle. Il a dû arrêter car il était trop pris par ses activités professionnelles. Je me suis retrouvé seul, en plein démarrage d’une temporada. Cela n’a pas été simple de le remplacer. J’ai fait des essais qui n’ont pas été concluants. J’ai travaillé ensuite avec Nicolas Larramendy jusqu’à que touché par la maladie il ne puisse continuer.

En galère mon neveu Yoann propose de m’aider alors qu’il n’était jamais monté à cheval. Il est aficionado, je l’ai formé et depuis il fait équipe avec moi.  Nicolas nous aidait de temps à autre jusqu’à ce que la maladie l’emporte . J’ai été à deux doigts de tout arrêter car mon neveu jouant au basket ne pouvait pas toujours être là. Depuis je fonctionne donc avec mon neveu et aujourd’hui mon fils, bien qu’encore un peu jeune, pointe le bout du nez pour prendre la relève. Je pense un jour le faire démarrer sur des non piquées. »

Il espère ainsi que Dubroca junior puisse vivre des émotions même dans le costume de velours noir. Si on est alguacil, on en est pas moi aficionado. « Ce qui m’a le plus marqué, au plan tauromachique, c’est le seul contre six de Juan Leal avec les Fuente Ymbro à Samadet. J’ai ressenti beaucoup d’émotions à Arzacq pour le festival hommage au Pimpi avec qui j’étais ami. C’était un homme super qui m’avait beaucoup enseigné sur le tercio de piques. »       

Pour Christophe Dubroca la corrida est une affaire de passions, qui mèle toros, chevaux et aficion.. nous le remerçions de nous avoir consacré du temps pour l’espace d’un entretien nous les avoir fait partager.

Propose recueillis par Thierry Reboul

3 réflexions sur “Christophe Dubroca entre passion et règlement

  • Meilleurs Voeux 2025 cher Thierry ainsi qu.a toute votre equipe dynamique.
    Vos articles journaliers sont un bonheur, on ne vous remerciera jamais assez pour ces envois assidus.
    Je tiens donc à vous féliciter chaleureusement.
    Vous nous êtes tres précieux : vous devez le savoir.
    Encore MERCI cher Thierry
    meilleurs vœux de santé 2025.
    Au plaisir de se rencontrer à Vic Fezensac en juin ♡

    Répondre
    • Merci Catherine
      Philippe et moi nous vous remercions de ces compliments.
      rendez-vous à Vic

      Répondre
  • Meilleurs vœux Thierry & Philippe.
    Pour les alguaciles c’est insupportable quand on voit qu’ils tardent à faire rentrer l’arrastre pour que les oreilles soient absolument coupées.
    De plus meme s ils n’ont pas trop de pouvoir trop d ‘alguaciles ne jouent pas leur rôle…mais leur en donne t on les moyens?

    Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Verified by ExactMetrics