Clément Hargous « Qu’on me fasse confiance! »
Les chemins pour arriver à revêtir le costume de lumières sont parfois tortueux. C’est le cas pour le bordelais Clément Hargous qui a su faire preuve d’une détermination sans faille, pour pouvoir le faire. Aux portes de la novillada piquée, le jeune homme attend avec impatience cette première opportunité, débordant d’envie de montrer sa valeur en piste. Tertulias l’a rencontré pour une entrevue.
Tertulias : « Bonjour Clément peux tu te présenter et nous dire ce qui t’ a motivé pour être torero? »
Clément Hargous : « Je m’appelle Clément Hargous. J’ai 24 ans et je viens de la région bordelaise. Je suis novillero sans picador. Cela fait 8 ans que je fais de la tauromachie.
J’ai suivi pendant quatre ans les cours du Maestro Richard Milian à l’école Adour Aficion. Depuis un peu plus de quatre ans je suis au Centre Français de Tauromachie à Nîmes avec le Maestro Christian Lesur ainsi que Patrick Varin et Juan Villanueva. Mon parcours est un peu atypique. Un Bordelais dans les toros, c’est rare. Mon père, originaire de Mont de Marsan dans les Landes, m’a emmené aux arènes depuis tout petit. On profitait des vacances scolaires pour aller en Espagne et visiter les élevages de toros. J’y ai pris goût.
Dès l’âge de 10 ans, je voulais toréer. J’ai demandé une première fois à Richard Milian. A l’époque, il n’avait que Mathieu Guillon et Thomas Dufau. Il ne prenait pas de jeunes. Il m’a dit « travaille à l’école, et on verra plus tard ». Je suis revenu à l’âge de quatorze ans. Il y avait Dorian Canton, Jules Saint Cricq et Jean Larroquette. A ce moment-là, j’ai intégré l’école taurine. J’ai alors commencé à pratiquer et à devenir torero. Je me suis mis devant du bétail. Au fur et à mesure, je me suis mis devant des animaux de plus en plus gros.»
Tertulias : « Raconte-nous tes premières taurines en public? »
Clément Hargous : « La première vache, c’est lors de Semaine Taurine et Culturelle dans le cloître des Jacobins à Saint Sever en compétition avec l’Ecole Taurine de Madrid. D’ailleurs le premier eral tué en public c’est aussi à Saint Sever. En fait, c’est celui prévu pour Baptiste Cissé qui est sorti. Il était plus fort que celui que je devais lidier. J’ai créé la surprise en m’en sortant bien malgré mon manque d’expérience. J’aiscoupé deux oreilles.
J’ai fait ma première non piquée, en 2017, à Mugron avec au cartel Yon Lamothe et Dorian Canton. Cela s’est bien passé. J’ai coupé une oreille à un très bon eral d’Alma Serena. J’ai également toréé à Hagetmau. »
Tertulias : « Comment es-tu passé d’Adour Aficion au CFT ? »
Clément Hargous : « Après Hagetmau, Richard m’a demandé de quitter Adour Aficion. Pendant 6 mois, j’ai arrêté complètement la tauromachie. Je me suis consacré à mes études. J’étais en Bac Pro. En début 2018, Pierre de Gimont m’appelle pour prendre de mes nouvelles. Comme Je lui ai dit que les toros me manquaient, il me met en contact avec le banderillero Marc Monnet. Marc me propose de venir un week-end à Nîmes pour voir comment cela se passe au CFT.
J’ai bien aimé l’ambiance qu’il y avait dans cette école. Ayant commencé à travailler à Bordeaux, du lundi au vendredi j’étais au boulot et dès le vendredi à 16h, je me changeais et partais à Nîmes. Je m’entrainais le samedi et le dimanche, je rentrais. Je l’ai fait pendant deux ans. Quand j’ai eu mon permis, les choses ont été un peu facilitées. Mon boulot m’a permis de financer tous ce déplacements. Mes parents n’auraient jamais pu le faire. Je me suis accroché. J’ai connu de bons compagnons à Nîmes. Ils ont super gentils avec moi. Ils m’ont accueilli chez eux ce qui m’a évité de payer l’hôtel. »
Tertulias : « Que t’a apporté le CFT ? »
« Christian Lesur m’a mis devant de petits becerros pour voir mes qualités et mes défauts. Si le courage est une de mes qualités mon principal défaut était une tendance à l’énervement rapide et on a beaucoup travaillé sur ce point-là. Assez rapidement, j’ai eu des novilladas. A Fourques avec des François André, j’ai coupé une oreille. J’ai aussi gagné le Printemps de l’Aficion à Vauvert. »
Tertulias : « Après le Covid, comment as-tu redémarré ta carrière?»
Clément Hargous : « J’ai fait le Bolsin de Nîmes Métropole que j’ai gagné, il y a deux ans. Ensuite j’ai fait ce seul contre six qui n’était pas prévu à Alès car Nino Julian a été blessé à son premier novillo. Mon environnement m’a beaucoup aidé. J’ai pris les erales un par un et j’ai coupé quatre oreilles. J’en ai perdu au moins deux à l’épée. Ce fut une tarde importante pour moi. Cela a permis de me relancer.
Dans la foulée, j’ai remplacé Nino à Tyrosse. Je coupe une oreille à un novillo de La Espera. J’aurais pu si je n’avais pas pinché en couper une deuxième. En 2022, j’ai fait une bonne temporada même si j’ai perdu pas mal de trophées à l’épée comme en fin de saison où je suis allé à Alès, Algemesi, Bellegarde, Istres. Cet hiver, j’ai travaillé « fort » l’estocade qui est un passage obligé pour couper. Avec une faena moyenne et une bonne épée, tu as une oreille. Le contraire n’est pas vrai. En 2022, il y a eu aussi Rion des Landes. J’y ai coupé une grosse oreille, le matin, à un toro de Alma Serena. J’ai été nommé triomphateur avec Andoni pour cette matinale. »
Tertulias : « En tant que bordelais qu’en est-il de la Gironde ? »
Clément Hargous : « Captieux m’a aussi ouvert des portes. J’y ai fait trois Fiesta Campera. C’est ma Terre et cela fait toujours plaisir d’y toréer. Ce sont les dernières arènes, avec La Brède, en activité dans le département. Il faut défendre notre culture. et montrer qu’en Terre Girondine, il y a toujours une Aficion comme avant, quand il y avait des arènes à Bordeaux. Il y a eu des toreros importants comme El Yiyo, Julien Lescarret et actuellement Clemente. »
Tertulias : « Comment as-tu organisé ta vie pour continuer à t’entraîner ? »
Clément Hargous : « En octobre 2021, j’ai fait le choix de venir vivre dans le Sud-est. Avant la semaine, je m’entrainais seul. J’ai trouvé du travail dans ma partie, ici à Nîmes. J’ai quitté Bordeaux. Je suis en location chez le grand père de Manuel Fuentes, un élève du CFT qui a un élevage de chevaux à Saint Géniès de Malgoires. Je vis à la campagne tout en étant à 20 minutes de mon boulot et du CFT. Tous les soirs je m’entraine seul ou avec Manuel.
Je m’entends très bien avec José Gabourdès, le ganadero de « La Suerte ». Je vais chez lui pour nourrir les toros, boucler les veaux, lui donner un coup de main pour s’occuper du bétail. J’apprends beaucoup du comportement du toro en le regardant vivre au campo. Cela me manquait à Bordeaux. Là-bas, je m’entrainais dans mon jardin. Mais il n’y avait pas le côté taurin.
Ici la mentalité est différente mais je me suis bien intégré. C’est un beau pays. Les gens sont plus souriants. Je me régale. J’ai pu m’arranger pour mes horaires de travail. Je finis à 15h30. Cela me laisse du temps pour m’entrainer. Je suis content que les gens aient pu voir que j’avais évolué dans ma tauromachie. »
Tertulias : « Comment tes amis, ceux de ton âge, ont réagi quand tu es devenu torero ? »
Clément Hargous : « Je ne m’en suis jamais caché. Aujourd’hui, dans mon entreprise, mes collègues sont au courant. Ils me taquinent parfois un peu. Il n’y a pas d’antis dans mon entourage. Même quand je prenais des BlaBlaCar pour aller à Nîmes ou pour rentrer, j’expliquais ce que je faisais. J’ai eu plus des gens qui ne connaissaient pas. Ils posaient beaucoup de questions.
On a longtemps été un milieu fermé et nous avons vraiment besoin de communiquer. C’est un passage obligé pour défendre notre Culture. Pour ceux qui est de mes copains, certains sont déjà venus me voir. J’en ai qui accrochent plus que d’autres. Mais aucun n’est vraiment contre. Chacun a le droit à avoir son point de vue . J’aime en discuter. J’aime montrer que la Tauromachie, c’est un beau milieu et une vraie Culture. Quand on voit travailler un éleveur de toros, on comprend qui est le vrai « animaliste » et défenseur/ protecteur de l’environnement. »
Tertulias : « As tu des modèles? »
Clément Hargous : « Ivan Fandiño, qui a disparu tragiquement. C’était quelqu’un de pur, qui venait pour la « gagne ». Il ne venait pas pour faire décor dans le cartel. Il voulait montrer qu’on pouvait se faire une place même sans être du mundillo ou dans une grande maison. C’est le toro qui vous met à votre place. J’aime aussi beaucoup De Justo. Il ne se ment pas. J’aime aussi le côté folie d’Antonio Ferrera. Il est capable de surprendre à chaque fois. Je pose les banderilles et moi aussi j’aimerais surprendre à chaque fois. Je ne veux pas être routinier et proposer quelque chose de différent à chaque faena. »
Tertulias : « Qu’est ce que cela t’apporte de banderiller ? »
Clément Hargous : « Cela m’amène, en premier lieu, des contrats. Il y a de moins en moins de toreros qui banderillent. Le faire plait au public. La corrida est une fête . Les banderilles permettent de renforcer ce côté festif. Il y a la musique, cela donne de l’ambiance. Les gens sourient. Cela peut permettre de se mettre un peu le public avec soi, et aussi de les « chauffer. Il faut courir puis récupérer très rapidement pour enchaîner par la faena. Cela implique une préparation physique spécifique. »
Tertulias : « Quel type de toros préfères tu ? »
Clément Hargous : « J’aime beaucoup le Santa Coloma. Il apporte une émotion particulière. On l’a vu lors du solo de Victorino à Séville. Quand cela met la tête, c’est vraiment autre chose que le Domecq. Déjà il pousse, a la tête en bas et ne pardonne aucune erreur. Cela créé forcément de l’émotion. Après, honnêtement, je n’ai pas de préférence. Je suis prêt à prendre toutes les encastes. J’aime bien aussi les Nuñez. C’est un toro un peu froid. Au début il ne livre pas, puis il va à mas. »
Tertulias : « Quels sont tes meilleurs souvenirs ? »
Clément Hargous : « Le plus marquant a été le seul contre six à Alès. Ce moment m’a permis de prendre encore plus conscience de ce que je pouvais faire. J’ai dû en surprendre plus d’un. Il y avait peu de personnes qui croyaient en moi. J’ai montré que l’on pouvait me faire confiance et que je suis prêt physiquement et mentalement pour gravir les échelons. »
Tertulias : « En 2023 ? »
Clément Hargous : « J’ai failli rentrer en piquée. Mais les organisateurs n’ont pas voulu prendre de risques. Dommage, mais ce n’est que partie remise. Je me suis bien préparé cet hiver. J’ai fait pas mal d’entraînement en privé. Je suis sorti deux ou trois fois de second avec Sébastien Castella chez Fano et San Sébastian (sur un toro de quatre ans). David Lombardo a toréé, chez Valverde, un toro de cinq ans prévu pour Istres en 2022 et qui s’était cassé une corne. David m’a laissé le tuer avec l’accord de Jean Luc Couturier. Il fallait saisir l’occasion et surprendre. Cela s’est très bien passé, j’ai mis une épée entière. Le toro est tombé dans les quinze secondes qui ont suivi. Cela m’a prouvé que j’avais franchi une étape, que j’étais capable de tuer un toro de quatre voire cinq ans . »
Tertulias : « Est-ce que ça peut t’aider à passer en piquée. As-tu des pistes ? »
Clément Hargous : « C’est compliqué, les places sont chères. Le plus compliqué, c’est d’avoir une arène qui m’offre la première. J’en ai appelé plusieurs. Je ne regarde pas les toros. Je suis seul . Mathias Forestier et Laurent Langlois me donnent un coup de main. Ils le font avec leurs moyens. Mathias m’emmène avec lui en privé. Cela me permet de toréer à droite à gauche des vaches. Grâce à lui et Hervé Galtier, on a réussi à avoir un toro chez Jalabert le 11 juin. Ce jour-là, Nino Julian et Fabien Castellani auront aussi un toro. J’espère qu’il y a du monde (donc des empresas ) pour montrer ce dont je suis capable. »
Tertulias : « En attendant, quel est ton programme ? »
Clément Hargous : « En attendant, je me suis qualifié pour la non piquée d’Alès le 21 mai. Moralement cela fait du bien. Je n’ai rien de plus pour le moment. Il faut s’accrocher. Je suis en train de réfléchir pour créer une Peña avec les gens du sud-est et du sud-ouest qui me suivent. Je vais sûrement faire cette temporada une journée chez Jean Louis Darré. Tant que je n’ai pas fait ma première piquée, je suis toujours élève du CFT. J’essaie de me débrouiller, de chercher une arène où débuter.,
Je viens d’avoir 24 ans. Et même si certains, comme Pablo Aguado, ont percé sur le tard., il est temps que je passe en piquée. Son exemple, celui de De Justo montrent qu’il faut toujours croire en soi.
En Espagne c’est encore plus compliqué. J’avais peut-être Algemesi. Mais pour eux, ce serait plus simple si j’avais déjà débuté avec picador. J’aurais bien aimé débuter chez moi à Captieux. Cela n’a pas été possible. Ce n’est pas grave, je remettrai les bouchées doubles pour l’année prochaine. »
Tertulias : « Quel message, veux-tu transmettre aux aficionados et aux organisateurs ? »
Clément Hargous :« Je demande aux empresas de me faire confiance pour montrer ce que j’ai envie de faire. Qu’ils m’offrent la possibilité de débuter en piquée. Je suis fier d’être un torero Français et Bordelais. Nous n’avons pas à nous cacher derrière les Espagnols. Je me prépare pour montrer à moi-même, à ceux qui ont cru en moi et aux autres, ce dont je suis capable. »
Portrait chinois:
- Une couleur : Rouge Bordeaux
- Un animal :Chien
- Un sport : La course à pied
- Une chanson : « Entre dos aguas » de Paco de Lucia
- Une ganaderia Victorino Martin
- Un matador : Ivan Fandiño
- Une passe de cape : Zapopinas
- Une passe de muleta : Trincheras
- Un hobby : Cuisiner, jouer de la musique
Propos recueillis par Thierry Reboul
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