Fleur d’oranger

La tempête fait rage. Les arbres sont ballotés au gré des rafales d’un vent violent. Seuls audibles, les bruits des bourrasques qui s’engouffrent partout où elles peuvent. Les portes qui claquent, les barnums qui souffrent, et l’eau qui vient s’écraser sur la structure de l’arène couverte accompagnent les passes que donnent Clemente à son toro de José Cruz.  

Quand est venu le temps pour lui de prendre la flanelle pour aller affronter la bête à cornes, bien peu d’entre nous pensaient qu’à l’intérieur, protégés des intempéries, le sable finirait par sentir si bon la fleur d’oranger quelques minutes plus tard.

Le toro semblait porter sa croix, celle du manque de forces, et une envie de ce fait modérée d’en découdre. La présidence laissa en paix en ce début de faena, les instruments des musiciens. Elle trouva par la suite, si futile et ce, à juste titre, de faire résonner cuivres et tambours.

En effet, pourquoi en rajouter quand l’essentiel se trace avec classe et inspiration. Pour certains, la faena se doit d’être un combat, pour d’autres elle doit se rapprocher d’un pas de deux, doux et suave. Il y en a pour tous les goûts en tauromachie. En ce jour de changement d’heure, dans ce « corte » qui nous emmène du côté de l’Andalousie, Clemente en a profité pour ralentir les aiguilles des horloges. Le Guadalquivir n’était plus qu’à une portée de pas.

Quand ils ne furent plus qu’une poignée à croire en lui, les rêves d’enfant du jeune Clément se heurtèrent sûrement à la dureté du monde. La traversée de son désert personnel fut longue mais jamais, il ne laissa sur le bas-côté de ce chemin de rédemption, son envie d’artiste.

Le temps de quelques séries, il nous fit partager au fil de son inspiration et de sa création de l’instant, ce frisson si étrange, car il échappe à toute logique.

Alors tout en gardant raison, un jour prochain si un toro à émotions croise cette cape et cette muleta inspirées, plus besoin d’aller humer si Séville par un soir de printemps sent toujours aussi bon les effluves d’orangers en fleurs. Nous pourrons à plein poumons en profiter à demeure.

Philippe