L’encaste Martinez de Jijon à Quintas.
Céret vient d’annoncer les ganaderias de sa Féria 2025. La novillada du dimanche 13 juillet sera du fer de la ganaderia Quintas. Cet élevage est la propriété des frères Quintas Parras. Ces derniers sont les derniers dépositaires de l’encaste Martinez. Cet encaste est aujourd’hui ultra-minoritaire. Pourtant il fut un des préférés, au début du 19ème siècle, de Joselito et Belmonte. Un petit voyage dans le temps permettra de mieux le connaitre.
De Jijon à Martinez
En 1598, Don Juan Sánchez Jijón de Salcedo de Villarrubia de los Ojos (Ciudad Real) fonde l’encaste Jijon. Pendant la seconde moitié du 19ème siècle, l’encaste est très prisée. En 1844, un troupeau de cette origine migre près de Colmenar Viejo. Les éleveurs locaux en profitent pour les croiser avec les toros qu’ils possèdent. L’un des premiers à le faire fut Don Julián de Fuentes. Il transmet à son fils Juan José de Fuentes 400 bêtes Jijonas. Vicente Martínez s’en porte acquéreur vers 1852. Très rapidement la ganaderia acquiert une belle réputation à Madrid. Pour rafraîchir un sang qui déclinait Vicente Martinez utilisa en 1875 «Español », un semental de Pérez de la Concha (Casta Vazqueña). Après une bonne période, la bravoure (telle que définie à l’époque) semblait quitter ses toros quand Vicente Martinez meurt en 1894.
Les grandes années des Martinez
En 1904, ses héritiers, sous l’impulsion de son gendre Luis Gutiérrez Gómez, achètent un autre semental. Il s’agit de Diano de la ganaderia Eduardo Ybarra (Casta Vistahermosa). Ce rafraichissement est une réussite. Ce semental produisit des toros exceptionnels qui firent de la ganaderia, l’une des favorites du début du 20ème Siècle. La ganaderia et l’encaste Martinez devint une des préférées de Joselito et Belmonte. Les excellents résultats de « Diano » furent renforcés par l’apport d’un autre taureau d’Ibarra, « Dubioso ». Vinrent ensuite deux autres sementales de la même origine, « Vinagrero » et « Ramito », acquis de Fernando Parladé.
Diano oeuvra pendant 16 ans. Onze de ses descendants ont été utilisés , de 1907 à 1918, comme sementales par la famille Martinez. .
Au long des 90 camadas du troupeau Martínez, la corrida évolue .Le comportement et la morphologie des animaux s’adaptent. De grands et bien armés, ils devinrent peu à peu plus compacts et plus fins. Leur robe rouge et alezane laissa place à des couleurs plus variées avec une prédominance pour les toros berrendos.
La fin de la ganaderia Martinez
En 1925, María Matea Montalvo achète une partie du bétail Ce sera la base de la ganaderia de Juan María et Mercedes Pérez Tabernero et Antonio Pérez.
La guerre civile espagnole a causé des dommages irréparables à l’autre lignée des Martinez. Sur les 703 têtes présentes sur le campo au début de 1936, seules une soixantaine ont survécu.A la fin de la guerre, il ne restait que quelques vaches marquées du fer du syndicat « U.G.T ».
En 1940, le cheptel restant est vendu.
Le duc de Pinohermoso, la famille Abad de Cadalso de los Vidrios (Madrid) et la famille Arribas ont chacun acheté des vaches et deux des six sementales qui restent. Le duc de Pinohermoso, propriétaire du fer Martínez, le revend avec le bétail huit ans plus tard à la famille Arribas Finalement ces derniers éliminent les jijones. Ils les remplacent par du bétail de « Los Guateles » acheté à Baltasar Ibán. Depuis 1985, ce bétail sort sous le nom de Los Herederos de Antonio Arribas avec la marque et l’ancienneté de Vicente Martinez.
Seule la lignée Abad a survécu.
Dès 1920, bien avant la vente définitive du cheptel de Martínez, Román Abad Moreno avait déjà créé une ganaderia avec des vaches et deux sementales (nommées « Barrenero » et « Viajero ») d’origine Martínez par Perez y Sanz. Abad vend à son beau-frère, Don Paulino Alcázar Blanco. Le nouveau ganadero tombe gravement malade en 1942, il vendit 40 vaches et un semental, « Lagarto », à Don Alfredo Quintas Sancho. Ce dernier achètera par la suite un autre lot de 20 vaches du troupeau d’Alcázar Blanco et une autre semental, « Perezoso .
La famille Quintas fidèle à l’encaste Martinez
Depuis le milieu du siècle dernier jusqu’à nos jours, la famille Quintas est restée fidèle à l’encaste Martínez. Elle a bien essayé de faire quelques croisements avec des animaux d’autres origines. Un seul semental Vega Villar de Manuel Sánchez Cobaleda en 1962, a donné des résultats satisfaisants. Mais sa descendance a été courte.
Pour rafraîchir le sang et améliorer les caractéristiques Martínez, un semental de Montalvo (qui a des origines Jijonas commune avec Martinez), rejoint la ganaderia. Les vaches qui produisent des toros bravos ont toujours été uniquement et exclusivement des jijones.
Dans les années 1980 Fernando Silva a acheté un lot de bovins provenant de différentes sources à un négociant en bétail dont des certaines vaches berrenda du lot, découvrant qu’elles avaient auparavant appartenu à l’éleveur madrilène. Il les a ajoutées à sa ganadería Jara del Retamar constituée avec du bétail de José Ortega (encaste Marqués de Domecq), les deux encastes restant conduites séparément. Aujourd’hui, les berrendos de Silva, durs, vifs et forts, sont recherchés pour les festejos populares dans la région de Caceres..
Les Quintas actuels
La famille Quintas vend ses produits généralement dans les festejos de rue et les événements mineurs. Toutefois certains animaux participent au Circuito de Corridas des encastes minoritaires de La Comunidad de Madrid et de la FTL.
Manuel Quintas Resines a débuté comme ganadero à Las Ventas le 29 septembre 2013, dans un concours de novillos. « Pelotera » (497 kilos) est combattu par Francisco Pajares. Le novillo a été annoncé d’encaste Martinez-Jijona. Au décès de Manuel Quintas Resines, la finca familiale se trouve à Colmenar d’Arroyo (Madrid). Elle accueille trois fers différents, Manuel Quintas, Hermanos Quintas Parras et El Estoque – tous enregistrés auprès de l’Asociación de Ganaderías de Lidia. Le troupeau Manuel Quintas est désormais un mélange de souches Martínez et Santacoloma. El Estoque comprend des animaux issus du troupeau Marqués de Domecq. Hermanos Quintas Parras est désormais la base du pur-sang Martínez.
Les Quintas à la Copa Chenel
Les Quintas sont sortis lors de la Copa Chenel 2023 (Quintas) et 2024 (El Estoque). Ils ont été nobles, ont humiliés mais ont manqué de forces.
A l’époque où Morante de la Puebla souhaitait combattre tous les encastes possibles, il avait manifesté un fort intérêt pour les toros d’encaste Martinez-Jijona. La rencontre n’aura pas lieu à Céret . Mais si tout se passe bien en terres catalanes l’envie reviendra peut-être au torero andalou……..
Thierry Reboul