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Molas prénom Juan

Molas prénom Juan

Molas est un nom qui raisonne dans le monde taurin du côté de Dax. Pierre le grand-père de Jean-Baptiste fut une figure éminente de la commission taurine dacquoise qu’il dirigea pendant deux décennies, Vincent le papa fut novillero sans picadors et apoderado. Depuis qu’il s’en souvient, Jean-Baptiste (Juan de son prénom d’artiste) a l’aficion chevillée au corps. Malgré un parcours qui s’avère chaotique, son rêve de devenir torero ne l’a jamais quitté. Beaucoup aurait renoncé face à l’adversité et le temps qui passe. Juan Molas prend au final tout cela comme un atout qui lui a permis de s’aguerrir dans sa vie d’homme et de torero. Tout vient à point qui sait attendre dit le dicton. Et si 2025 était pour le dacquois, l’année charnière, celle qui va permettre enfin qu’à trente ans sa carrière décolle ? Programmé à Arles, Boujan mais aussi en Espagne en ce début de temporada, Juan Molas est plein d’espoirs, il s’en est confié à Tertulias qui l’a rencontré.

Tertulias : « Jean-Baptiste, si on t’avait dit en début de carrière que le chemin allait être aussi tortueux et difficile, qu’en aurais-tu pensé ?»

Juan Molas : « J’aurais rebondi sur une phrase qui est présente sur un mur au Batan et qui dit que « devenir figura del torero est un miracle ». Si j’avais eu ce don de voyance, je t’aurais dit qu’effectivement même si c’est un miracle et un chemin semé d’embûches qui demande énormément de sacrifices, je l’aurais quand même pris. Toréer m’anime au jour le jour. Malgré le peu de contrats, une traversée du désert, je n’ai jamais cessé de m’entraîner. J’ai gardé intacte cette détermination pour aller au bout de moi-même afin d’en ressortir le meilleur. La temporada qui s’annonce est certainement la plus importante de ma carrière et c’est le résultat d’années de travail obstiné, sans avoir une opportunité en vue. »

Tertulias : « Qu’est-ce qui fait que cela a été si compliqué ?»

Juan Molas : « Un ensemble de choses autant de mon fait à moi que d’éléments plus éxogènes. Sois-tu baisses les bras, tu subis l’échec, soit tu tires les leçons de pourquoi tu as trébuché pour te relever et continuer. En fait l’échec n’existe pas mais c’est une leçon supplémentaire à intégrerJe n’ai jamais eu d’apoderado qui s’est pleinement consacré à ma carrière. C’est un vrai handicap. Il faut donc prendre le téléphone soi-même et se vendre. Je ne suis pas forcément à l’aise avec cela car il faut mettre sa modestie de côté et vanter ses mérites. Du coup, tu as moins de contrats, tu torées moins et cela devient un cercle vicieux avec le serpent qui n’en finit pas de se mordre la queue. »

Tertulias : « Et comment du coup, as tu pu revenir aux affaires taurines après des années sans contrat ?»

Juan Molas : « Cela s’est fait assez naturellement. Je n’ai, d’abord, jamais cessé de m’entraîner pour être prêt pour la moindre opportunité. Au fil du temps, j’ai aussi gagné en maturité. L’opportunité est arrivée en toréant au campoUn impresario m’a remarqué et s’est étonné que je ne torée pas du tout. Il m’a programmé dans une arène à lui à Cantillana. J’ai coupé deux oreilles. Cela a été une vraie bouffée d’oxygène, la lumière au bout de mon tunnel. Cela m’a permis concrètement de réaliser que je n’étais pas encore mort dans les toros. J’ai pu aussi prouver à mes proches que ma détermination, la discipline dont j’ai fait preuve n’ont pas été vaines. J’ai gagné un autre contrat à Santa Cruz de Mudela où j’ai pu couper une oreille. C’étaient des novilladas avec un novillo par torero, donc les cartouches à tirer étaient d’autant plus réduites. Cela m’a incité à travailler encore plus dur et avoir dans ma besace des arguments à faire valoir auprès d’empresas en me sentant plus légitime. »

Tertulias : « Cette imprésario continue à t’aider ?»

Juan Molas : « J’ai gardé des relations amicales avec lui. Il m’aide à trouver du campo. Peut-être pourra t’il m’intégrer à un de ses futurs spectacles. »

Tertulias : « Les opportunités que tu as en 2025, c’est donc toi qui est allé te les chercher ?»

Juan Molas : « Complètement. Mais avec ces novilladas toréées, je n’ai pas honte de présenter ma candidature pour une course. J’ai des arguments sérieux à faire valoir. Ma maturité d’homme fait aussi que je me sens plus apte à prendre le téléphone et à discuter avec les empresas. »

Tertulias : « Tu as 30 ans, ce qui est jeune pour un homme mais plutôt âgé pour un novillero, comment es-tu accueilli par les organisateurs ?»

Juan Molas : « En fait ça crée l’intérêt de mes interlocuteurs. Le parcours que j’ai eu suscite la curiosité. Le toro demande quelqu’un de passionné et de prêt, pas les papiers d’identité. Le seul argument de l’âge pour moi n’est pas une excuse derrière se cacher pour ne pas me prendre. Il y autant de profils que de carrières et toutes sont honorables. On a tous notre histoire»

Tertulias : « Tu as assuré un plan B, qu’est-ce qui fait qu’à trente ans tu continues à courir après ce rêve ?»

Juan Molas : « J’ai ça en moi. Je me lève le matin en me disant que le soir, je serai un meilleur torero que la veille. La tauromachie m’habite et me dévore. Toréer de salon sans contrat au bout, n’a jamais été pour moi une souffrance car c’est une réelle passion. J’adore sentir une cape ou une muleta dans mes mains, savoir que mon muletazo devient plus long, que mon capote va plus devant. Il y a pas mal d’exemples de carrières qui débutent tard et surtout de carrières longues. C’est pour tout cela que fais preuve de cette abnégation. »

Tertulias : « Qu’est-ce que la maturité dont tu as parlé, t’ a apporté dans ta situation ?»

Juan Molas : « En fait la maturité d’homme amène plus de maturité dans ta vie de torero. Cela m’a permis d’être honnête envers moi-même et me poser les bonnes questions sur ma situation. Si j’en suis là, ce n’est pas par hasard et il n’y a pas de complot particulier contre moi. Se remettre en question est le premier pas vers la maturité. Tout arrive pour une bonne raison. Le fait d’avoir créé ma société (le plan B : La Tapia -épicerie fine -à Dax) est d’avoir mis une seconde corde à mon arc est important. J’ai découvert d’autres facettes de ma personnalité. Cela m’a aidé à murir humainement. Rentrer en négociation avec des producteurs, démarcher, être au contact quotidien de clients étaient nouveau pour moi. J’adore cela alors que suis naturellement plutôt solitaire et réservé. Cela a rejailli sur le torero que je suis. Dans ma manière de m’entraîner alors que j’ai moins de temps, il m’a fallu apprendre à être plus qualitatif dans mes entraînements. Le maestro Diego Urdiales me l’avait dit un jour : « à quoi sert de s’entraîner de salon pendant des heures, le plus important est de bien s’entrainer ». »

Tertulias : « Qu’est-ce qui a évolué dans ta tauromachie ?»

Juan Molas : « Être plus sûr de moi dans la vie m’a rendu plus sûr dans l’arène. Ma personnalité de torero a changé. Mon muletazo est plus rythmé, plus cadencé, plus doux. Le capote qui me faisait défaut s’est amélioré. Mon toreo s’est poli. Même s’il reste encore beaucoup de travail, je suis fier de celui qui a été réalisé jusqu’à présent»

Tertulias : « Quels sont tes modèles en tauromachie ?»

Juan Molas : : « Le maestro des maestros Manzanares père représente pour moi la synthèse de ce qu’est le toreo. J’ai toujours admiré le maestro Antoñete. Pour ce qui est des toreros contemporains, je suis un inconditionnel de Morante de la Puebla pour sa personnalité, son génie et de Juan Ortega. »

Tertulias : « La tauromachie c’est aussi un combat, es-tu prêt à aller vers ce terrain-là assez loin de tes modèles ?»

Juan Molas : « Ton concept quel que soit l’animal que tu as en face, il faut savoir l’adapter sans le renier. Bien entendu, il y a des toros qui ne le permettent pas toujours. Si c’est une manière pour moi d’exister dans le monde des toros et gravir les échelons, j’y suis préparé. L’important est de toréer, loin de moi l’idée de choisir les élevages avec lesquels je vais pouvoir toréer au plus près de ma conception. J’ai tellement attendu, que tout novillo que je vais pouvoir toucher, c’est de l’or ! »

Tertulias : « Quel est ton rêve ultime ?»

Juan Molas : « A court terme c’est prendre l’alternative. Ce n’est qu’une étape et non une fin en soi. C’est une étape pour ensuite pouvoir toréer, j’espère, dans les plus belles arènes mais c’est un rêve commun à tous les toreros. En tant qu’artiste car un torero en est un, mon rêve ultime est de pouvoir toucher les gens avec mon toreo et de triompher où que ce soit avec ma manière de concevoir la tauromachie et avec ma personnalité. D’émouvoir les gens, de transmettre des émotions viendront les triomphes. »

Tertulias : « Tu te vois vivre pleinement un jour de la tauromachie ?»

Juan Molas : « Je fais tout pour en tout cas. »

Tertulias : « Projetons-nous encore plus loin, le jour où le temps passant tu ne pourras plus revêtir le costume de lumières, resteras-tu dans le monde des toros ?»

Juan Molas :« Je le pense. Avoir autant souffert d’avoir une carrière en dents de scie m’a marqué au fer rouge à vie. Malgré tout je ne déteste pas le mundillo. Moins le monde taurin voulait de moi, plus j’avais envie d’y rentrer et de ne pas en être exclu. Le jour où ce moment viendra, je l’aurais toujours dans la peau. Une des plus belles choses que je me vois faire, c’est transmettre ce que j’ai appris à des jeunes toreros. Le parcours que j’ai eu sera, je le pense, riche d’enseignements. Je pense qu’aujourd’hui, c’est un vrai manque dans la tauromachie. Victor Barrio le disait très bien « la tauromachie plus que de la défendre, il faut l’enseigner ». »

Tertulias : « La temporada 2025 comment s’annonce t-elle ?»

Juan Molas : « En dehors des contrats qui sont annoncés, il y a des choses qui s’ouvrent devant moi. Toréer en Espagne donne du crédit chez nous. Être programmé à Arles crée de la curiosité. Le résultat d’Arles sera important, mais des dates devraient tomber. Ça sera sûrement ma première vraie temporada complète, celle qui me permettra d’avoir du rythme et d’avoir un torero en fin de saison différent de celui qui a commencé. »

Tertulias : « Arles va te découvrir, qu’as-tu envie de dire à ceux qui vont te voir? »

Juan Molas : « Ils vont voir un novillero français inédit dans le sud-est. Il est passionné du toreo et de la tauromachieIl n’a qu’un rêve celui de donner beaucoup d’émotions avec sa manière d’être et de faireN’ayant pas fait partie d’une école taurine, je ne suis pas conditionné, par les apprentissages d’école. J’espère qu’ils auront envie de me revoir dans d’autres arènes. »

Après des années de galère, Juan Molas a les cartes en main pour devenir maître de son destin. Nous le remercions pour le temps qu’il nous a consacré et lui souhaitons le meilleur pour 2025.

Propos recueillis par Philippe Latour.

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