ActualitésGanaderos itwInterviews

Pincha : « ne pas décevoir Pampelune »

Pincha ; « ne pas décevoir Pampelune »

La porte de la Finca d’El Ontanal à Lodosa nous est ouverte. Nous y allons toujours avec plaisir car nous y sommes bien accueillis mais nous assistons également à des tentaderos de qualité. Des tentaderos à la sortie en piste, le chemin est sinueux et semé d’embûches. Pour la cinquième année le fer cher à José Antonio Baigorri va sortir à Pampelune pour la novillada inaugurale de la feria del Toro. Créé en 2002 avec une base de Puerto de San Lorenzo qui ne donnera pas de bons résultats, en 2011 Pincha reconstruit la ganaderia avec du Gerardo Ortega, puis intègre deux lots de Marques de Domecq. La ganaderia va rapidement sortir en novillada piquée et se fait une réputation en Navarre ce qui lui vaut une programmation à Pampelune (qui depuis se répète).

Pincha est également sorti trois fois dans nos contrées (avec le prix de la concours de Saint Perdon pour sa présentation). En 2022, Pincha remporte le prix du meilleur élevage de la feria prestigieuse de Calasparra. L’élevage est déjà sorti en corrida mais pas encore dans des arènes de première catégorie. En ce vendredi 5 Juillet, la novillada qui sera télévisée doit permettre à l’élevage de franchir une étape supplémentaire. C’était l’occasion pour Tertulias de rencontrer l’éleveur et de parler avec lui de ses espoirs et de sa vision de l’élevage.

Tertulias : «Comment se sent-on à quelques heures d’une échéance aussi importante pour la ganaderia que la sortie en novillada télévisée à Pampelune ?»

José Antonio Baigorri : « C’est une responsabilité importante. C’est une satisfaction d’être programmé à Pampelune mais c’est aussi une responsabilité d’être télévisé parce que tout le monde pourra juger si les choses se passent bien ou pas. En vérité je suis un peu nerveux, en fait bien plus que nerveux. »

Tertulias : «Tu ne t’y habitues pas depuis cinq ans ?»

José Antonio Baigorri : « Non, je crois que c’est de pire en pire. Chaque année je suis de plus en plus nerveux, plus que si je n’y étais jamais allé. Tout le monde te regarde. Les gens sont là pour ta novillada et son sort dépend de ce que le public va se divertir ou pas. La vérité est que ce n’est pas un bon moment à passer. »  

Tertulias : « Pourtant tu as la confiance de la Meca (ndlr: casa de la misericordia , organisatrice), cela devrait de tranquiliser? »

José Antonio Baigorri : « Entre la novillada, le rejon, les corridas et les encierros, la Meca est responsable de 400000 personnes. Je pense qu’eux aussi passent un moment compliqué. Ils ont une grande responsabilité et bien qu’ils soient de grands professionnels et qu’ils organisent très bien les choses, il y a de l’inquiétude et de l’incertitude. Ils ont des veedores (père et fils) qui sont des phénomènes au campo et dans la plaza, et je pense qu’eux aussi passent des mauvais moments. C’est pour cela que par rapport à cette confiance qu’ils me donnent, je ne veux pas les décevoir. C’est aussi ça qui me préoccupe. »

Tertulias : « Quels ont été les critères de sélection du lot pour cette novillada? Présentation, notes, familles ? »

José Antonio Baigorri : « Un peu de tout ça en fait. Il faut que la novillada passe tout d’abord le reconocimiento. Elle doit donc avoir du tamaño parce que Pampelune c’est une arène de catégorie, et c’est la Feria du Toro. Il faut donc une novillada bien présentée. Puis il y a les notes, les familles dont il faut tenir compte. Les novillos sont issus de familles qui fonctionnent, cela ne veut pas dire automatiquement que vendredi elles fonctionneront mais j’ai confiance en elles. »

Un exemplaire retenu pour Pampelune
Tertulias : « A ce sujet, est-ce des familles pures (ndlr : l’élevage a deux origines Gerardo Ortega et Marques de Domecq) ou bien il y a des novillos issus de croisements ? »

José Antonio Baigorri : « Au niveau des sementales, ils sont (Milagroso, Rascatripas, Cantinero) d’origine Gerardo Ortega. Certains novillos sont de pure origine Gerardo, d’autres issus de croisement mais je ne sais pas à cette heure, quels sont les six novillos qui vont être retenus. »

Tertulias : « Justement par rapport au choix final, l’éleveur a-t-il son mot à dire ? »

José Antonio Baigorri : « Au campo, je sélectionne et prépare à part sur l’année, une douzaine de novillos qui me plaisent. Sur ces douze, neuf sont retenus par l’organisateur le jour de l’embarquement et le choix final se fait au dernier moment. Le jour de la novillada, on compose le lot final au goût de toutes les parties. C’est un choix collectif. »

Tertulias : « Le cartel piétons est de qualité, est-ce un plus pour l’éleveur pour espérer « briller »? »

José Antonio Baigorri : « Je suis satisfait du cartel côté novilleros. Je les ai vus tous les trois, ils ont beaucoup d’envie. Ils figurent aujourd’hui parmi les six, sept novilleros importants du moment. J’étais satisfait des cartels précédents mais c’est sûrement celui-ci qui me satisfait le plus. L’envie est un point commun à ces trois toreros. »

Tertulias : « De la programmation en novillada à celle en corrida pour la San Fermin, la ganaderia est-elle prête, et si oui est-ce envisageable de voir la Meca franchir le pas à court terme ? »

José Antonio Baigorri : « Ce serait la réalisation d’un rêve. J‘ai grande confiance en la Meca. S’ils me considèrent prêt à présenter une corrida, j’irais. S’ils ne me considèrent pas prêt , ils me le diront aussi. C’est un rêve d’y aller avec des toros mais comme c’était un rêve d’aller à Pampelune avec des novillos. Si on présente une corrida je serais très content mais je profite déjà beaucoup d’être programmé avec mes novilladas même si c’est beaucoup de stress. Si le jour doit venir, je serais prêt. Mais pour l’instant ma préoccupation c’est vendredi et j’espère que le public qui paie sa place aura envie de revenir aux arènes après la novillada et que j’aurai gardé la confiance de la Meca. »

Tertulias : « Comment expliquer que Pincha reste programmé hors Pampelune dans un circuit hors arènes d’importance (exception faite peut-être de Calasparra en novillada) ? »

José Antonio Baigorri : « Pour cette saison, nous sommes programmés entre autres à Calasparra qui est une des ferias de novilladas les plus importantes de la temporada (ndlr : Pincha avait gagné le trophée du meilleur élevage en 2022), Calahorra qui est une des ferias les plus notables de la zone. Nous avons parlé avec Arnedo sans parvenir à un accord. En fait, pour pouvoir rentrer dans d’autres ferias, nous avons une camada très courte.

Avec l’IBR, nous avons eu des pertes de naissances dûes à des avortements ou bien des décès de jeunes veaux ou velles. Les camadas ne sont pas assez larges, pour aller dans des arènes comme Bilbao ou Madrid. Nous avons discuté avec Madrid pour une novillada complète. Mais avec Pampelune déjà programmée, j’ai eu des craintes pour des arènes aussi exigeantes au niveau présentation de ne pas avoir le potentiel suffisant pour sortir deux novilladas. Le problème du nombre est réglé avec les naissances de cette année qui représente le double des années précédentes, la camada sera donc large, on verra donc ce qui pourra bien se passer.»

Un cuatreño au campo
Tertulias : « Et la France ? Encore une année sans Pincha, quel en est la raison ? »

José Antonio Baigorri : « J’ai beaucoup d’estime pour la France. La première fois que nous y sommes allés, pour la concours de Saint-Perdon (ndlr : prix remporté par Pincha) dans les arènes de Mont de Marsan, j’ai été surpris. Il y a beaucoup de très bons aficionados pour lesquels le tercio de varas est important. Or ce sujet est pour moi importantissime pour faire et maintenir une ganaderia. Nous sommes absents mais avons eu des visites de trois commissions taurines et des contacts avec trois autres. Ils ont fait le choix d’autres novillos en tenant compte aussi de considérations économiques mais je ne me sens pas marginalisé en France car nous avons des contacts concrets. » 

2017-Pincha vainqueur à Saint-Perdon
Tertulias : « Les tentaderos à El Ontoñal sont particulièrement exigeants, quels sont les qualités que tu veux voir développer chez les reproductrices puis chez les novillos et toros.? Et côté physique , quel est le morphotype idéal ? »

José Antonio Baigorri : « Ce que je veux quand un aficonado va à la plaza c’est qu’il dise ce toro est sûrement de Pincha. Pas parce qu’il a le fer ou la devise, mais pour la sensation de sérieux. Notre toro n’est pas très lourd car il n’est pas très grand mais doit donner ce sentiment de trapio, de sérieux et quand il charge il faut que l’aficionado reconnaisse notre toro par sa manière de mettre la tête, qu’il se distingue d’un autre toro. C’est très difficle à réaliser, j’y travaile depuis des années, et nous allons continuer à la faire.

Quand je te dis que le cheval est fondamental, si un toro est brave au cheval mais ne sert pas à la muleta, ce toro ne nous sert pas. Comme je te l’ai dit l’épreuve du cheval est importante pour maintenir une ganaderia. C’est aussi une manière de donner au toro du poder, de la bravoure et plus tard, un vaccin pourqu’il ne s’ennuie pas au moment de charger dans la muleta.

Mon idée est que le toro au cheval, à la muleta en mettant la tête, à sa façon de mettre les pitons, ait de l’entrega. C’est fondamental. La durabilité rentre aussi dans les critères, la lutte jusqu’au moment de mourir. Je sais que si une vache prend quatre vingt bons muletazos au campo, son produit en prendra la moitié. Si je peux pousser la vache aux cent vingt passes, je le ferais parce qu’elle donnera cette durabilité à son produit. Voilà en quelques mots ce que je recherche et ce que je pense de ce que doit-être la sélection. »

Tertulias : « Comment y travailles-tu concrètement? »

José Antonio Baigorri : « J’y consacre énormément d’heures. Déjà au campo. Je suis ganadero parce j’aime le campo qui avec le toro et le cheval sont les trois piliers fondamentaux d’une ganaderia. A la maison, au bureau, je consacre beaucoup d’heures au sujet, avec les livres de la ganaderia, l’étude des familles, le visionnage des vidéos. Tous les tentaderos des becerras, toutes les novilladas et corridas que nous lidions sont enregistrés. J’ai tout gardé en stock. Quand j’ai besoin de revoir quelque chose, je remets le nez dedans pour en tirer des conclusions mais aussi des solutions parce que tout a une raison. Ca ne veut pas dire que 100% des toros vont charger comme je le veux mais quand il y a un problème on peut le résoudre en revisant et repassant les livres de la ganaderia. Je dis livres parce que l’ordinateur est interdit (rires..). »

Tertulias : «En quoi la mort de Milagroso (semental vedette de chez Pincha) va-t-elle changer la donne ? »

José Antonio Baigorri : « Milagroso a fait l’élevage. Ceux qui sont proches de moi disent que les nouveaux étalons, ses descendants sont meilleurs que lui. Peut-être effectivement qu’ils donnent des produits un peu meilleurs. Mais c’est Milagroso qui a fait la base. Je pense que plus de la moitié du troupeau de vaches mères sont ses filles. Alors bien sûr avec les nouveaux toros, qui ont bien lié avec les vaches reproductrices, nous avons sorti des produits avec plus de moteur, de charbon, de tempérament. C’est ça qui est bien aujourd’hui quand il s’agit de faire des lots de saillie et je passse pratiquement toute l’année à le faire. Je pense que l’on ne remarquera pas l’absence de Milagroso parce que ses successeurs sont bons et qu’il a laissé sa trace sur le bétail. »

La mort de Milagroso m’a peiné car j’allais tous les jours le voir, l’observer, voir comment il allait car il commençait à se faire vieux (16 ans). On devrait faire une statue à ce toro. »

Milagroso
Tertulias : « Que souhaites-tu que l’on retienne des novillos de vendredi prochain ? »

José Antonio Baigorri : « Que nous avons eu la chance avec nous. Que tout le monde sorte content, ceux qui nous engagé, ceux qui ont payé leur billet pour voir la corrida et les toreros. Je ne doute pas qu’ils seront à 100%. Souhaitez-moi bonne chance pour que tout se passe bien. »

Merci donc à José Antonio Baigorri d’avoir pris le temps de nous répondre à un moment aussi proche de cette échéance importante de vendredi et suerte pour vendredi

Propos recueillis par Philippe latour

Verified by ExactMetrics