Posada de Maravillas, le temps du retour
Posada de Maravillas, le temps du retour
Juan Luis Ambel Barranco est torero. Quand on s’appelle Ambel et que l’on cotoie le milieu de la tauromachie, il y a une grande chance d’appartenir à une dynastie de toreros, celle des Posada. En effet il appartient à la cinquième génération de cette famille taurine dont l’histoire a débuté avec son arrière grand-père Francisco De Posada en 1880. Son frère Ambel Posada a été torero, Javier Ambel l’excellent torero de plata est son cousin..
Juan Luis Ambel est loin d’être un inconnu. En effet, né en 1994, Posada de Maravillas, de son nom d’artiste taurin a eu une belle carrière de novillero débutée à Olivenza en 2013 qui l’amène à son doctorat en octobre 2015. Il prend l’alternative à Zafra des mains de Morante de la Puebla avec Alejandro Talavante pour témoin. Mais malgré le soutien de Luis Alvarez comme apoderado, le téléphone va rarement sonner et peu à peu l’illusion du jeune Ambel s’évapore.
Sans oublier ses rêves de torero, Juan Luis se consacre a ses études en chirurgie dentaire. Une rencontre sur le campus de la fac de Lisbonne avec un aficionado français lui-même futur chirurgien-dentiste va changer la donne. Tous les deux se lancent dans un pari fou, comme l’histoire des toros nous en réserve parfois et l’illusion revient. C’est par la France que le torero renouera avec les ruedos, ils en sont persuadés. En ce dimanche très pluvieux du côté de Cauna, Posada de Maravillas a tienté des vaches d’Alma Serena. La veille il s’était confronté à du bétail de Colombeau du côté de Arles. Tertulias a rencontré Posada de Maravillas et Jordan Pléchot.
Tertulias : « Bonjour Juan Luis, pour commencer, quelles sont tes impressions de ce tentadero? »
Posada de Maravillas : « Je connaissais l’élevage car lors de ma période en non piquée, j’ai participé à plusieurs novilladas d’Alma Serena en France. J’ai vraiment apprécié. La première vache que j’ai toréée avait de très bonnes qualités, mais c’est surtout la seconde qui était extraordinaire. Elle baissait beaucoup la tête, avait du moteur et a offert beaucoup de passes. Je pense qu’elle a été une vache importante pour l’éleveur mais aussi le torero. »
Tertulias : « En quelques mots, peux-tu te présenter ? »
Posada de Maravillas : « Je m’appelle Posada de Maravillas, matador de toros. J’ai pris mon alternative avec Morante et Talavante. Je suis un torero qui a beaucoup vécu, entre triomphes et échecs, blessures, moments de haut et de bas. C’est un parcours qui m’a formé, et je suis aussi chirurgien-dentiste. Maintenant, après dix ans d’alternative, je veux revenir à la tauromachie. J’ai encore la condition physique et mentale pour le faire, et je suis plus motivé que jamais. C’est ça, Posada de Maravillas : un homme avec beaucoup d’enthousiasme. »
Tertulias : « D’où vient ton apodo? »
Posada de Maravillas : « Posada vient de ma famille, une très ancienne lignée de toreros. « Maravillas » est un hommage à ma mère, María de las Maravillas, et quelque part à toutes les mères de toreros qui souffrent pour leurs enfants. »
Tertulias : « Pourquoi as-tu disparu après l’alternative ? »
Posada de Maravillas : « Les circonstances d’alors, tant sur le plan « empresarial » que dans le monde de l’élevage, m’ont amené à prendre une décision claire. J’ai été très engagé dans la tauromachie, depuis toujours, car toute ma famille a été liée à ce monde, mon grand-père, mon arrière-grand-père, mon oncle, mon cousin, mon frère et moi. Mais quand les conditions deviennent si difficiles qu’on en arrive à toréer gratuitement ou sans pouvoir rémunérer les gens, sans opportunités offertes par les organisateurs ou les éleveurs, on finit par se dire qu’il vaut mieux attendre que la situation s’améliore pour recommencer. Et c’est ce que je veux faire maintenant.
J’ai toujours été très loyal envers les miens et envers ma vision de la tauromachie, et cela n’a pas changé. À l’époque, mes illusions se sont quelque peu effondrées. J’étais jeune, j’avais triomphé partout, même en France, mais l’année suivante, personne ne m’a appelé ni proposé de dates.
Ma dernière corrida à Madrid a eu lieu le 15 mai 2016, jour de San Isidro, aux côtés de Talavante et Roca Rey. L’année suivante, rien. En France, l’année précédente, j’avais triomphé à Béziers et à Alès, mais on ne m’a pas reprogrammé. J’ai donc fini par me dire qu’on ne voulait plus de moi. Les illusions se sont estompées, mais aujourd’hui, ma situation est différente, et je veux reprendre ce que j’avais laissé. »
Tertulias : « Que signifie la France pour toi ?»
Posada de Maravillas : « Bien, je la définirais en un mot, même si tout n’est pas parfait, c’est le «futur». Le futur parce qu’en Espagne, les vedettes, les empresas qui sont aussi organisateurs et éleveurs empêchent souvent les jeunes toreros de progresser et de percer. Les commissions comme celles qu’il y a en France représentent l’avenir pour permettre d’avancer et garantir cet avenir. La France, a ses échecs et ses réussites bien sûr mais le système de l’organisation, des commissions taurines c’est le futur. Il y en aura qui préfèreront certains élevages certains toreros mais au final, c’est un consensus entre aficionados qui font partie de la commission, c’est vraiment très important. »
Tertulias : « Et son aficion ? »
Posada de Maravillas : « L’aficion en France n’est pas la même qu’en Espagne. En Espagne, on célèbre beaucoup plus les triomphes, et les Français attendent la fin pour décider s’ils ont aimé ou non. C’est une aficion plus sérieuse, et il y a des aspects très positifs, comme sa manière de traiter le torero. Je pense qu’elle est très positive pour les toreros. »
Tertulias : « Comment s’est passée ta rencontre avec Jordan ? »
Posada de Maravillas : « Notre rencontre a eu lieu à l’université, car nous avons tous les deux étudié la médecine dentaire là-bas, au Portugal, ce qui correspond ici au métier de dentiste, en odontologie (ndlr : spécialiste de l’organe dentaire). Dès les premiers instants de notre rencontre, il a montré beaucoup d’intérêt pour la tauromachie. Il venait me voir m’entraîner, jouant le rôle du toro pour moi. Ainsi, nous avons noué une grande amitié, et maintenant nous sommes plongés dans cette aventure de reprendre la tauromachie et d’essayer d’entrer en France, qui est notre principal objectif. Plus que l’Espagne, notre principal objectif, c’est la France. »
Tertulias : « Et toi Jordan comment as-tu fait pour aider Juan Luis ? »
Jordan Pléchot : « Je téléphonais depuis Lisbonne là où nous étudions. C’était en 2022 que j’ai commencé à le faire en contactant les différentes arènes du sud-ouest et du sud-est. Avec les études nous étions dans l’obligation de rester à Lisbonne. Si on connaissait le torero que l’on avait déjà vu, l’absence de corridas très récentes rendaient impossible sa programmation. Il fallait le connaître ou le rencontrer.
Cela a été une période difficile, je n’étais qu’un simple aficionado, mais je me suis entouré ce qui m’a permit d’être là aujourd’hui. Cette année, pour sa dixième année d’alternative, je ne suis plus tout seul. Avec l’aide de Margaux Pujol, Nicolas Mars, Olivier Bernard, nous avons créé une peña à son nom (Los Ambellones de Posada) pour le soutenir et rassembler un collectif autour d’aficionados. Tout cela nécessite une communication éléborée qui se met en place. Les années impaires, Posada a toujours triomphé, 2025 sera son année. C’est le premier week-end en France en public. Nous accueillons de nombreux invités pour qu’ils le voient pratiquer et reconnectent avec le torero. Je fais cela par simple passion avant tout pour la tauromachie et pour Juan Luis. »
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Tertulias : « La Copa Chenel peut-être elle une option ? »
Posada de Maravillas : « La Copa Chenel, je pense que c’est un beau projet pour les jeunes. Je ne crois pas vraiment aux compétitions. On ne m’a pas contacté et, pour l’instant, je ne veux pas saisir cette opportunité. Je considère qu’il y a de grands professionnels au sein de la Copa Chenel qui essaient de faire de leur mieux, mais pour l’instant, je préfère emprunter une autre voie qui ne passe pas par ce type de projet. Je préfère m’investir autrement. »
Tertulias : « Quand tu dis que le projet c’est la France, pourquoi ? »
Posada de Maravillas : « J’ai beaucoup toréé en France en tant que novillero, mais je n’ai pas eu l’occasion de toréer en France en tant que matador de toros parce que cette opportunité ne s’est pas présentée. Je considère que la France est un projet très motivant où de nombreuses choses sont valorisées. Nous misons sur la France l’année prochaine pour essayer de célébrer mes 10 ans d’alternative dans ce pays. »
Tertulias : « Jordan comment es-tu reçu par les empresas que tu appelles ? »
Jordan Pléchot : « L’apodo Posada résonne dans le mundillo et l’accueil des empresas est généralement très positif. Toutefois cela n’en rend pas la mission moins complexe. Je continue et amplifie le travail commencé en 2022. Je suis jeune et j’ai tout à gagner.»
Tertulias : « Le Portugal peut-il être une alternative ? »
Posada de Maravillas : « La corrida au Portugal est différente parce qu’on n’y tue pas le toro. J’adore le Portugal. C’est un pays que j’aime, où je travaille et où je vis. Si un jour il y avait une opportunité pour une corrida là-bas, cela ne me dérangerait pas du tout. J’aime beaucoup Lisbonne, j’aime beaucoup ses habitants, mes patients sont portugais. J’apprécie aussi les éleveurs de là-bas, dont beaucoup sont mes amis, c’est un pays en plein essor. Alors pourquoi pas ? »
Tertulias : « Les pays d’Amerique latine peuvent ils comme pour beaucoup être une option possible ? »
Posada de Maravillas : « Je suis déjà passé par la Colombie, j’ai été à Medellín, à Cali et dans plusieurs villages de cette région. La Colombie, ça va être compliqué à cause de la situation politique actuelle, car la tauromachie y est complètement politisée, ce qui rend l’avenir très incertain. D’une manière générale , dans les pays d’Amerique latine, il va falloir réussir non pas à défendre, mais à expliquer la tauromachie et l’adapter aux temps qui viennent, car je vois son avenir sombre. Avec les gouvernements qui arrivent et la montée de la mouvance anti-taurine, la tauromachie va être fortement menacée. »
Tertulias : « Sur ce sujet, en Espagne avec un ministre de la culture anti-taurin, quel est l’avenir de la corrida ? »
Posada de Maravillas : « La tauromachie, j’ai toujours pensé qu’il faut davantage l’enseigner que la défendre. Donc, quand j’étais étudiant en odontologie, j’ai eu beaucoup de camarades et de professeurs qui ne comprenaient pas la tauromachie. Certains étaient même anti-taurins. Aujourd’hui, à mon contact, ils ne sont plus vraiment anti-taurins, même s’ils n’aiment toujours pas ça. Nous sommes passés de l’opposition radicale, voulant interdire la tauromachie, à une position de rejet personnel sans militantisme.
Je pense donc qu’il est important d’expliquer les choses car la désinformation peut amener un pays à changer ses politiques. En Espagne, nous avons un ministre qui n’est pas favorable à la tauromachie. Je crois que nous, les taurins, ne devons pas lui demander d’être en faveur de la tauromachie, mais simplement de nous laisser tranquilles.
Dans le cadre de ses compétences, il légifère, mais ces lois ne peuvent viser l’interdiction, il n’en a pas l’autorité pour le faire. Alors, le temps qu’il lui reste en politique, qu’il ne fasse rien! Il y a beaucoup de politiciens qui excellent à ne rien faire. La tauromachie qu’on le veuille ou non, c’est de la culture. C’est une passion qui comporte de nombreux aspects artistiques. Une personne intelligente devrait se concentrer sur leur préservation. Il suffit simplement de les conserver, car au final, personne n’est obligé d’aller aux corridas.
En revanche, il voudrait obliger les gens à ne pas y aller. Je pense que dans une démocratie, il faut essayer de maintenir la liberté de chacun à faire son choix d’aller ou pas aux corridas, mais sans exigences radicales ni attitudes extrêmes, comme celles qu’il adopte actuellement. »
Tertulias : « Pour en revenir à toi, comment définirais-tu ton toreo ? »
Posada de Maravillas : « Définir son propre style est compliqué. J’ai toujours aimé la distinction, être différent des autres. Cela ne laisse pas indifférent ,que l’on aime ou pas, et je trouve cela bien. Je ne pourrais pas dire si c’est un style basé sur le courage, la technique ou l’art, c’est quelque chose de différent. J’aime beaucoup toréer de la main gauche et toréer avec la cape. J’aime prendre du plaisir en piste et quand je le fais en général, l’aficionado tout comme le ganadero en prennent aussi. »
Tertulias : « Comment t’entraînes-tu aujourd’hui ? »
Posada de Maravillas : « Comme je travaille et pratique pas mal d’interventions parce que je suis chirurgien oral, je dois adapter mon agenda pour me consacrer à ma préparation. Les jours où il y a des tentaderos, je reporte même plusieurs chirurgies pour pouvoir être face à l’animal, face au toro ou à la vache. Depuis le début de l’automne, je m’impose 3 à 4 heures d’entraînement chaque jour. Je m’entraîne seul, ou bien avec des banderilleros, ou avec des élèves de l’école taurine de Badajoz. Tout ce qui concerne la formation et les discussions autour de la tauromachie est toujours très intéressant. »
Tertulias : « As-tu un type de toro ou d’encaste qui te plaît particulièrement ? »
Posada de Maravillas : « Celui qui charge (rires). Je crois qu’il n’y a pas de règle avec les toros. Parfois, il y en a qui semblent très mauvais, et une fois que tu es avec eux, ils commencent à changer. Il y a des élevages dits « durs » où avec un toro la rencontre se fait et l’harmonie entre nous deux se crée. Je ne me définis donc pas par rapport à un type de toro, ni à un élevage en particulier.
J’ai toréé tous les encastes, que ce soit comme novillero, comme matador, ou au campo avec des vaches. Le meilleur toro que j’ai toréé de ma vie était un Santacoloma, pour autant, je ne dirais pas que le meilleur vient uniquement de Santacoloma. Il y a du bon et du moins bon dans tous les élevages et tous les encastes. Donc, je ne m’enferme pas dans un choix d’élevage ou d’encaste. Je crois qu’il y a beaucoup de très bonnes choses dans chacun d’eux. »
Tertulias : « Quel message voudrais-tu passer à l’aficon française ? »
Posada de Maravillas : « J’ai très envie de toréer en France, en tant que matador de toros. Certains m’ont déjà vu comme novillero, ils m’ont vu triompher, Je veux revenir, et je veux qu’on me voie dans l’arène. Si vous avez la possibilité de venir me voir, je vous invite à venir aux arènes et vous pourrez vous faire une idée et décider si cela vous plaît ou non. Je pense que c’est un bon moment pour venir découvrir ou redécouvrir Posada de Maravillas. »
Tertulias : « Et aux organisateurs ? »
Posada de Maravillas : « J’ai une histoire avec des triomphes au compteur. Pourquoi devrait-on me contacter? Les triomphes et les jours sans succès, tout peut se retrouver aujourd’hui sur internet. Mais si vous voulez quelque chose de différent, je pense que l’année prochaine est un bon moment pour le faire, et que ce soit en France. »
Tertulias : « Et toi Jordan, quel message souhaites-tu passer ? »
Jordan Fréchot: « Le but ultime, c’est bien sûr un cartel en France pour faire sa présentation en tant que Matador Toro en France. Donc oui, un cartel. En attendant, on construit l’aventure au campo, c’est très bien. On va là où on peut, on ne peut pas prétendre non plus accéder aux très grandes arènes mais pour les autres, tous les rêves sont permis. »
Un dernier exercice pour le torero, celui du portrait chinois « si tu étais (un ou une) ? »
- Couleur : le blanc
- Animal (exception faite du toro) : le chat
- Sport : le golf même si franchement je suis très mauvais
- Une chanson ou une musique : les bandes originales de film. J’aime le cinéma américain mais je me mets aussi pour apprendre le français à regarder des films français. Je préfère le cinéma français au cinéma espagnol.
- Ganaderia : La Cercada. C’est une ganaderia émergente de ligne Daniel Ruiz, Garcigrande. C’est un élévage qui posséde un ensemble de qualités et qui va être spectaculaire.
- Torero : José Mari Manzanares padre
- Une passe de cape : la Véronique
- Une passe de muleta : la Naturelle
- Une arène : il y en a beaucoup, mais je devais en dire une seule, je vais en citer une particulière. La Corogne. J’y suis allé souvent, car à l’époque où Luis Álvarez, mon apoderado, était l’empresa, j’y allais beaucoup. J’y ai vu de nombreuses corridas, et j’ai toujours rêvé de toréer à La Corogne. Mais je n’ai jamais pu le faire et ne pourrait pas le faire, car pour des raisons politiques, les arènes sont fermées. La Corogne est donc une des arènes qui restera à jamais dans mon cœur.
- Un passe-temps, un hobby : travailler comme dentiste (rires). Bon, c’est une obligation, au début, par curiosité, et ensuite par nécessité. J’ai toujours été torero et je mourrai en étant torero. S’il y beaucoup de choses que j’ai faites au cours de ma vie, l’essentiel pour moi, c’est d’être torero. Avec mes patients, quand ils apprennent que je suis torero, c’est une situation un peu tendue, car certains sont aficionados et d’autres pas du tout mais je leur explique à tous que, quand je porte ma tenue de chirurgien, il n’y a pas d’idéologies, pas de pensées, je suis simplement un professionnel de la santé. Donc, oui, j’aime faire des interventions en chirurgie. C’est ainsi même si c’est un peu surprenant.
Propos recueillis par Thierry Reboul et Philippe Latour
Bonjour les Amis,
L’un d’entre vous aurait il les coordonnées de sa peña ?
Dans la positive, merci !
Dominique, je t’ai répondu par ailleurs. Philippe