Seul au monde
L’orage gronde, la pluie se déverse en trombe sur Madrid.
Las Ventas se vide de ses spectateurs qui n’ont plus que faire de ce qui se passe en piste.
Il faut dire que Paco Ureña depuis plus d’une heure et demie rame à contre-courant d’une encerrona qui traîne en longueur. Sa carrière est à l’arrêt, son nom disparait au fil des ans des affiches des arènes qui comptent. Cosas de toros!
Paco est un torero de Madrid! Alors sur ce sable qui lui est si cher , Paco cherche un second souffle, mais le sable est en train de lui filer entre les mains! Alors quand la pluie s’abat , il est à deux doigts de couler ! Ces gens par grappe qui désertent les gradins, ce Mayalde aussi noble que sa lignée mais aux pattes de cristal…Ureña enrage, que diable est il allé faire dans cette galère ! Pourtant corps offert, au plus fort de l’orage, le temps de deux séries, l’irrationnel s’invite ! Comme foudroyé , le public enfin celui qui est resté, s’électrise..Ca crie , ça encourage , ça fait n’importe quoi!
Voilà maintenant que les coussins volent et emplissent le ruedo! Les codes de la bienséance explosent ! Ureña plonge derrière son épée , les mouchoirs s’agitent , celui du président tombe. L’oreille est coupée! Bouée de sauvetage promenée sans joie , ni chaleur par un torero pris au piège d’un pari perdu. Retour immédiat à l’insignifiant quand sort le dernier toro, le soufflet retombe aussitôt.
Tout ça pour ça! Que d’efforts pour pas grand chose , que d’espoirs remisés au placard! Personne ne lui en voudra à Paco d’avoir voulu y croire, d’avoir pensé que six toros à Madrid étaient la solution à tous ces maux. Après avoir cru à l’extraordinaire d’une rencontre, qui ne s’est pas produite , le public d’ailleurs l’applaudit quand il traverse la piste pour regagner l’ordinaire d’une carrière qui ne (re)décollera pas ce soir.
Paco Ureña est resté digne dans l’épreuve, et s’il n’a perdu aucun crédit , il n’en a pas gagné non plus! En voilà une autre épreuve qui l’attend et celle là pour l’affronter point de public , d’orage ou de coussins volants, il sera seul, seul au monde!
Philippe