Vic, regards croisés
Un revistero, un photographe. Deux façons de voir la corrida mais deux aficions qui ont apprécié cette feria de Vic 2024. Regards croisés pour deux chroniques sur ce Pentecote à Vic
Le desquite – Thierry Reboul
Il y a deux ans, la Féria 2022 avait été une des moins bonnes, voire la plus mauvaise de l’histoire récente de l’évènement vicois. Nous avions été nombreux parmi les amoureux de Vic a nous plaindre du choix et de la présentation des toros et du comportement des toreros. Nous en avions appelé au desquite. 2023 a été une Féria de transition avec du mieux mais aussi des sources d’insatisfaction qui subsistaient.
Une belle fréquentation malgré les intempéries.
2024 a été une grande année. Et pourtant les conditions météorologiques ont été de celles qui incitent tout individu normalement constitué à se réfugier auprès d’un feu de cheminée. Quand les organisateurs feront leurs comptes, il manquera un peu de monde mais probablement moins que si les mêmes conditions avaient frappé une autre ville organisatrice d’un évènement comparable. C’est soit la preuve que certains aficionados sont masos ou qu’il existe un vrai public attaché aux valeurs véhiculées et défendues par le Club Taurin Vicois. On a même vu un renouvellement et un rajeunissement du public encourageant pour l’avenir.
De nombreuses sources d’émotion et de satisfaction
Nombreuses ont été les sources de satisfaction lors de cette Féria. La corrida concours, point d’orgue de la programmation, a été d’un très bon niveau avec la victoire du toro de Pagès-Mailhan et la qualité des prestations de Sanchez Vara et de Juan de Castilla. Malgré un piste détrempée et dangereuse, nous avons assisté à une vraie corrida concours.
La course de Dolores Aguirre par sa présentation et sa complexité a tenue en haleine le public. Damian Castaño et surtout Luis Gerpe ont fait honneur à leur titre de matador de toros. Lors de la non piquée, les grands vainqueurs ont été les erales gersois du Lartet. La dernière corrida a été celle du drame et du triomphe. La blessure grave de Roman restera dans la mémoire des aficionados présents. Elle coexistera dans leur souvenir avec les deux grandes faenas de Morenito de Aranda qui n’en doutons pas reviendra à Vic l’an prochain .
Même si les Cuadri ne sont plus ce qu’ils ont été, le professionnalisme de Robleño et l’envie de Gomez del Pilar ont eux répondu aux attentes du public.
Cette vision analytique met en évidence un bilan technico-artistique plus que bénéficiaire. On verra plus tard pour le bilan financier. Bravo les vicois.
On a retrouvé l’Esprit Vicois.
Mais le desquite va bien au-delà de simples bilans. On a retrouvé ce week-end l’Esprit Vicois. A Vic, on vient voir des Toros. La superbe présentation des toros a posé le cadre des ambitions et attentes des organisateurs et du public. Il y avait du bois et des pointes sur les têtes. Le choix des encastes a été varié et œcuménique. C’est même un Domecq, version vicoise, qui a gagné la corrida concours. On a vue sur les quatre corridas un total de 94 piques pour trente toros. Et même si le débat est ouvert sur le premier tercio, il ne concerne pas la nécessité de protéger des mini toros qui ont du mal à supporter une mono-pique. Il s’agit de gérer la troisième ou la quatrième rencontre. On est à Vic quand même !
Les toreros d’or et de plata , et même ceux qui n’ont pas connu le succès, se sont joué la vie en respectant une certaine éthique de la tauromachie. Merci à eux.
A Vic, on ne vient pas voir des figuras et des «moins figuras » couper des oreilles « légères » à des toros adaptés. Il y a d’autres arènes pour cela. On vient à Vic pour partager et vivre l’émotion que génère la rencontre d’un animal intègre et de respect avec un homme, parfois modeste mais qui fait honneur à la profession qu’il exerce. Les trophées sont rares mais ceux qui ont été accordés sont de poids et le reflet de l’émotion vécue dans les arènes.
Bravo, Merci et Continuez
Cette Féria est le fruit , et c’est pour cela qu’elle est belle, du travail et de la passion d’aficionados bénévoles des Areneros au Président du CTV en passant par les Placiers . Tous se sont retroussé les manches pour redresser la barre et faire que l’Esprit Vicois souffle sur la Féria 2024. Continuez les Vicois, c’est pour cela qu’on vous aime.
Ps : S’il vous plait les Vicois, faites la paix avec le Soleil et invitez le pour la Féria 2025.
Thierry Reboul
Derrière l’œilleton d’un appareil photo – Philippe Latour
Elle ne commençait pas vraiment bien cette feria de Pentecôte. Météo pluvieuse et la perspective de prendre des seaux d’eau sur la tête pendant trois jours. L’eau et les toros pour le spectateur, ça ne fait pas vraiment bon ménage. Pas un des sites spécialisés n’a donné d’informations fiables. Au final, une seule course s’est donnée sous une pluie discontinue… L’hommage rendu aux areneros du lieu en fin de feria n’en fut néanmoins que mérité car, il en a fallu des coups de rateaux, des kilos des sciure et des litres de sueur pour mettre ou remettre en état une piste qui tint le choc pendant trois jours. Il valait mieux d’ailleurs car côté présentation, aucune faute de goût et des toros que Madrid n’aurait par reniés. De la carcasse et des cornes, un joli tir groupé.
Jour 1
Novillada
Les Raso de Portillo, surprise, offrirent plus de possibilités que d’aspérités. La constitution du cartel piétons démontrait que l’on ne s’était pas battu du côté des jeunes porteurs de montera pour être à l’affiche. Les trois aspirants eurent bien du mal à exploiter le potentiel des bêtes à cornes. Au final, un rendez-vous frustrant et une mise en bouche un peu fade.
Cuadri
Les Cuadri furent magnifiques de présentation. Leurs physiques prometteurs ne furent qu’un leurre et ils manquèrent de caractère. Fernando Robleño sait y faire et en professionnel sut intéresser toro et public. Gomez del Pilar en fait parfois trop. La France pour lui est importante mais il faut savoir rester simple et sobre. Son début de faena au 6ème avec des séries d’études préliminaires interminables fut symptomatique. Simplifie ton jeu Noe et tu gagneras en efficacité, tu as le talent pour! Esau Fernandez, lui, n’a pas compris que pour conquérir le France, il faut savoir monter le curseur et ne pas toréer comme dans les pueblos, son pain quotidien.
Jour 2
Concours
Que d’eau, que d’eau… La corrida concours a bénéficié des largesses pluviométriques annoncées … Pourtant sur les gradins bien remplis eu égard aux circonstances, le public stoique aguanta le mauvais temps et pas un spectateur n’eut l’idée de quitter son bout de béton. Côté piste, respect pour tous les acteurs. En costumes de lumières d’or et de plata, en portant le castoreño ou sceint du peto protecteur, tous ont affronté les élements …
Sanchez Vara madré vétéran du ruedo a fait preuve d’une envie de toréer raffraîchissante (enfin si l’on peut dire) qui mit du soleil dans le ciel gris plomb de Vic, olé torero ! Juan de Castilla a réussi haut la main le pari de toréer le matin à Vic et l’après-midi à Madrid. Le Colombien a eu la chance de tomber sur le meilleur toro de la matinée. Sans penser au futur proche, De Castilla s’est arrimé, sincère et volontaire pour aller chercher un grosse oreille et sûrement une répétion en 2025. Octavio Chacon est usé, fatigué par bien des batailles.
Pagès-Mailhan a remporté le prix de la concours (remis trop vite et trop modestement à mon goût sur un bout de piste). Un Domecq couronné à Vic, un sacré pied de nez. Oui chez Domecq, il y a des toros intéressants, à condition d’aller les chercher là où ils se trouvent loin des circuits traditionnels pour vedettes.
Dolores
Moi qui n’aime rien tant qu’une passe bien dessinée et une demie au ralenti, j’aime les Dolores Aguirre, pour les difficultés et le danger qu’ils charrient. C’est sûrement mon côté sombre. L’envoi 2024 n’a pas dérogé à la règle. El Monteño réalisa un des gestes de la feria avec une extraordianire paire de banderilles. Est-ce que parce que Mathieu pouponne à la maison avec l’arrivée du petit dernier qu’il s’est mis dans le berceau impressionnant de son opposant? En tout cas, chapeau bas!
Alberto Lamelas est apparu fatigué. Damian Castaño est trop prisonnier de son concept de vouloir donner des passes épurées même au plus retors des animaux. Luis Gerpe est un jeune torero. Ce n’est pas le plus élégant mais il a une envie de toréer et de s’imposer qui fait de lui un torero à suivre dans ce genre de courses et l’oreille qu’il alla glaner une juste récompense.
Jour 3
Pas de pluie, le soleil parfois. Vic 1 météo 0.
Le Lartet
Le Lartet pour la non piquée a envoyé un lot d’erales d’impeccable présentation et d’exigence en piste. Le 3ème encasté fut honoré d’une vuelta posthume. Pedro Rufo a déclaré forfait suite à une mystérieuse entorse du poignet. Le gagnant du jour est Bruno Martinez. Le natif de Pampelune a un capote fin et des trincheras soyeuses. Son envie de toréer est réelle, reste encore avec l’attitude, à s’acheter parfois plus de quiétude pour encore mieux dérouler son concept basé sur la distance.
Morenito
La clôture fut le point culminant côté émotions de cette feria. Roman a écrit un nouveau chapitre rayon blessure grave. Son Los Maños était un criminel côté gauche et ce ne fut que miracle que le piton qui traversa la cuisse du valencien ne fit pas plus d’amples dégâts vasculaires.
Morenito de Aranda, fit preuve d’un grand pundonor. Puerta Gayola, pour reprendre l’histoire à Vic là où elle avait failli s’interrompre l’an dernier avec une cornada au poumon. A la peste qui blessa son compagnon de cartel, il laissa la chance de montrer que ce n’était pas qu’un assassin et réussit à babord à construire une faena. Bien! Le public qui applaudit la dépouille du toro oubliant sa dangerosité et le torero à l’infirmerie, pas bien! Le petit brun d’Aranda est sûrement devenu le torero de Vic pour quelques années. Avec Saltacancelas, il sut profiter de la transmission de la charge pour offrir des séries liées et rythmées. Avec son travail, son adversaire se grandit et comme le toro avait procuré de l’émotion à la pique sans être complet néanmoins, le mouchoir bleu tomba en même temps que les deux mouchoirs blancs.
Rafi est venu, il a vu mais il n’a pas vaincu. Il dut attendre une heure que Roman soit soigné à l’infirmerie pour sortir en piste. Pas évident pour une première. Les Maños lui ont donné chaud et le public l’a battu froid. Rome ne s’est pas faite en un jour.. la tauromachie de Rafi se construit et en ce jour ce n’était pas encore suffisant pour s’en sortir. Bien des toreros évitent Vic, pari tenté, pari perdu mais il y a des insuccès qui font grandir.
Vic 2024 c’est fini et c’est réussi. Alors RDV pour Vic 2025.
Philippe