Yonnet, l’histoire continue…
Yonnet, l’histoire continue…
La Belugue. Dans ce lieu chargé d’histoire, le nom de Yonnet résonne dans tous les coins et les recoins. Les Miuras français comme on les a appelé, se sont forgés une réputation de toros durs et exigeants. Fiers, les toros de Yonnet en imposent même au campo au coeur de l’automne. Tertulias a rencontré Charlotte Yonnet qui perpétue la tradition familiale d’une ganaderia de cent soixante quatre ans d’âge.
Tertulias : « Quand a été créée la ganaderia ? »
Charlotte Yonnet : « La ganaderia a cent soixante quatre ans. Elle a été créée en 1859 par Joseph Yonnet. Les ganaderos se sont appelés alternativement Joseph, Christophe, Hubert. Mon père a été le troisième Cristophe, et mon frère le troisième Joseph. Mon grand père a été le premier Hubert et mon fils s’appelle Valentin comme le frère de Joseph, son associé à la création de la manade.
L’élevage est ancien. Il a commencé avec les premiers croisés, puis il y a eu la première souche pure. Ensuite mon grand père a marqué l’élevage et l’histoire des toros français. Il a été le premier à fouler les arènes de Madrid et a obtenu son ancienneté en 1991. Il est allé en 1992 à Séville. Puis il a fourni des toros à Barcelone et plusieurs arènes en Espagne dans des arènes de moindre importance mais marquées par une culture toriste. Il a dirigé en même temps les arènes d’Arles. »
Tertulias : « Quelle en est l’origine ? »
Charlotte Yonnet : « A l’origine c’étaient des Pinto Barreiro. Maintenant, depuis des années, on fonctionne avec des toros de la maison que mon grand père avait sélectionnés et que nous avons gardés. Nous avons conservés les deux branches (Hubert Yonnet et Christophe Yonnet) dont les vaches sont issues d’une même origine mais les deux fers ont été conduits de manière différente avec un autre œil. On continue toujours à les mener en parallèle. »
Tertulias : « Quel type de toro recherchez-vous ? »
Charlotte Yonnet : « On cherche beaucoup de choses à la fois, variées et différentes. Le toro idéal est extraordinaire. Il existe dans les rêves. On essaie de le créer une fois de temps en temps et c’est déjà une récompense. On voudrait que ce soit un toro qui a un physique spectaculaire, de la transmission, une bravoure exemplaire, de la noblesse pour que le torero puisse triompher. Si de temps en temps, on obtient une ou plusieurs de ces caractéristiques, c’est très bien pour l’élevage. »
Tertulias : « Qu’est ce qui caractérise le Yonnet ? »
Charlotte Yonnet : « C’est un toro avec beaucoup de caractère et de présence. On veut conserver le sérieux dans la présentation. On n’y arrive pas toutes les années. Ce n’est pas une science exacte et les résultats diffèrent. Nous avons parfois des étalons qui ne « marquent » pas et ne transmettent pas ce qu’on attend d’eux.
Tertulias : « Quelles sont ces attentes? »
Charlotte Yonnet : « Nous recherchons tous de la mobilité. Un toro qui va bouger, va rendre la lidia intéressante et transmettre. Aujourd’hui certains élevages recherchent un toro qui bouge mais se retrouve avec des toros qui ont tendance à partir. Le mouvement et la transmission sont des critères fondamentaux. Ce n’est pas une chose scientifique, il y a des toros qui vont apporter du physique et d’autres du fond. Sur un lot de vaches, un semental peut lier avec certaines et pas du tout avec d’autres. Chaque année, on garde des lignées de toros différentes, pour créer des familles avec de la diversité.
Quand on voit la dernière corrida du Juli à Séville, on peut penser que le ganadero avait fait en sorte de mettre ses meilleurs toros. Et pourtant le résultat est loin d’être sa meilleure corrida de la temporada. L’élevage a l’opportunité de sortir trente corridas dans l’année, les meilleurs sont choisis par les toreros et les empresas et au final il y a encore des erreurs. On ne peut pas demander autant de garanties à la sélection. »
Tertulias : « Sur quels critères sélectionnez-vous les vaches ? »
Charlotte Yonnet : « Il y a plusieurs critères. Chaque élevage a les siens, ce sont les degrés qui vont faire la différence. On sélectionne par les familles. Il y a des bêtes de très bonnes familles qui vont sortir moyennes et régulières. Vu l’ascendance, on peut se permettre de les garder. Il se passe tellement de temps avant que l’animal ne soit définitivement approuvé par ses produits que l’on aura vus, que la vache sera quasiment en fin de carrière. Lélevage est compliqué et doit être géré sur la durée.
Nous gardons les vaches jusqu’à 18 ou 20 ans. L’élevage est très extensif. Nous paturons sur 1000 hectares. Les lots de vaches ont 150 hectares. Il y des bêtes qui se font chasser du lot de l’étalon et ne se font pas couvrir. Ainsi, nous avons eu certaines vaches qui commençaient à vêler à partir de l’âge de cinq ans. Pour peu qu’elle ne mette bas qu’une année sur deux, au final elle ne nous fera que cinq ou six veaux dans sa vie. Si elle nous fait un toro, quatre ans s’écoulent avant qu’on puisse voir la qualité de ses produits. En général, sur les jeunes vaches on teste les produits à deux ou trois ans.
Il nous arrive de garder des vaches régulières qui ne sont pas exceptionnelles. On peut par exemple, avoir des bêtes très bonnes au cheval mais en dessous dans la muleta. C’est surtout dans ce sens là qu’on va se permetre de les garder car la réputation de l’élevage est d’être un élevage pour les corridas toristas. Au final, la sélection reste quelque chose de très aléatoire. »
Tertulias : « Combien avez-vous de vaches reproductrices ? »
Charlotte Yonnet : « Nous avons 110 vaches de ventre . On a à peu près, sur les deux élevages , autant de mâles que de femelles.
Depuis que nous avons commencé à sélectionner depuis la mort de mon grand-père. Il y a des choses différentes aujourd’hui déjà par le physique. Mon grand-père, les dernières années, était arrivé à des toros avec une grande noblesse mais avec plus de faiblesse et un peu moins de bravoure. Nous essayons de récupérer ce côté-là. Par ailleurs, on avait des toros plus sérieux, moins agréables pour le torero mais avec plus de présence pour l’aficionado. On essaie de rééquilibrer l’ensemble. «
Tertulias : « Quelles sont vos satisfactions, ce qui vous a marqué, depuis que vous avez repris l’élevage ? »
Charlotte Yonnet : « Il y en a plusieurs. En premier lieu, c’est l’aboutissement de sortir des toros fruit de notre travail, et qui pour certains marquent les esprits. Je pense notamment à un toro que l’on a lidié à Céret en sobrero lors d’une corrida de Miura pour les 30 ans de l’ADAC. Le toro avait marqué l’après-midi face à un élevage de renom par sa présentation, son caractère, sa mobilité en piste.
Il y a aussi de belles aventures. Nous sommes sortis en desafio avec Escolar Gil, Dolores Aguirre que nous avons « remporté ». Ce sont aussi de belles satisfactions de sortir dans une arène de première catégorie comme Arles. C’est beau! Les toros ont gagné leur place cette année en corrida complète qui a donné de bons résultats avec Alberto Lamelas qui coupe trois oreilles à Arles. On a eu des toros avec des styles différents car on avait amené les deux fers.
Il y aussi des satisfactions qui ne vont pas être partagée avec le grand public. Ce sont celles que nous procure l’intérêt que l’on nous nous porte : les aficionados, les organisateurs qui nous contactent. Même s’ils n’aboutissent pas toujours, les contacts que l’on a pour vendre des toros, sont gratifiants parce que cela prouve que l’on existe encore.
Et puis au delà de tout cela, il y a la satisfaction du campo que personne d’autre ne peut toucher. Ici on trime tous les jours au milieu des toros. Dans tous les élevages français on est ganadero, mayoral, ouvrier agricole. On fait tout. C’est grâce à ce contact charnel, que l’on connait nos toros. Depuis la naissance de mon fils, je ne peux être au campo, autant et de temps qu’avant. Parfois, j’ai l’impression de rater quelque chose. Je n’aime pas du tout cela! Le toro est un animal qui est mystérieux et surprenant. On pense maîtriser des choses qu’en fait on ne maîtrisera jamais. C’est pour cela qu’on essaie d’être à son contact en permanence. On veut le voir tous les jours parce que de jour en jour ce n’est jamais la même chose.
C’est à la fois des grandes satisfactions mais aussi de grandes peines ou de grands désespoirs. Il y a des moments où on se demande pourquoi on continue, question à laquelle on n’a pas toujours la réponse. Il y a quelque chose qui nous rattache et qui fait que l’on ne peut pas vivre sans. C’est un cadre de vie, ses hauts et ses bas, cette adrénaline que l’on aime. »
Tertulias : « Comment gérez-vous ce stress et en particulier celui d’avant course ?
Charlotte Yonnet : « De moins en moins bien. En une ou deux heures, se jouent vos cinq dernières années de vie. C’est très prenant. Dès le moment où un lot est vendu, que la course est confirmée, je vois les toros différemment. D’un jour à l’autre, mon regard sur le toro peut changer. J’ai confiance en celui-là, puis en le voyant évoluer, je peux perdre cette confiance.
En fait, jusqu’à ce qu’ils montent dans le camion, je me fais « une vie » de la sortie de mes toros. Ce sont des animaux que l’on ne manipule pas. Les voir au campo entre eux, est la seule possibilité pour essayer d’en comprendre leur comportement. A partir du moment où on les amène dans les corrales pour les embarquer, les choses changent. Les comportements différent, des toros deviennent plus agressifs, et d’autres au contraire, plus calmes. Le doute peut s’installer. On craint de s’être trompé. »
Tertulias : « A tant les observer, créez-vous un lien particulier avec vos toros? »
Charlotte Yonnet : « Oui, bien sûr. Je me souviens d’un toro avec une très belle histoire, sorti à Saint Martin de Crau en 2002. Il était très attachant. C’était un très grand toro avec beaucoup de tête. Au campo, il s’était fait chasser par les autres. On a passé quinze jours à aller le voir, lui donner à manger dans un enclos à part, pour qu’il ne se fasse pas tuer. On l’appelait et il sortait de sa cachette. En piste, il a été bon, on lui a coupé l’oreille. J’ai gardé sa tête, et chaque fois que je la vois, je repense à ce que j’ai vécu avec cet animal.
Chaque année il y a des toros avec qui on vit une histoire particulière. Bien sûr, elle prend fin, comme tout, mais il y a une belle histoire qui s’écrit. Ce sont des choses que l’aficionado ne voit pas, ne sait pas. Il juge le toro sur ces derniers instants et c’est parfois injuste de résumer ou de juger en quelques instants, quelques lignes le travail de cinq ans.
A Roquefort cette année, on sort une novillada sérieuse, trop peut-être. Le premier novillo n’est pas bon. Mais je trouve qu’il a été traité injustement en piste. J’ai fait mon travail. Je l’ai élevé, l’ai amené mais il n’y avait personne en piste pour lidier correctement cet animal. On lui a manqué de respect. Quand j’amène des toros et qu’ils sont traités ainsi, cela vous met un frein pour la suite. Je fais des toros qui vont aux arènes pour ne pas revenir, mais il doit y avoir un respect autour de ce travail. Bons ou mauvais, ils doivent avoir une mort digne. Ce jour là, ce fut un crève- cœur car pour moi, si le premier n’était pas bon, les autres avaient des qualités qui n’ont pas été exploitées.
Je reconnais que c’est compliqué quand on n’a pas forcément la technique pour le faire. Ce sont des toros qui restent compliqués. Un matador me disait en tuant un de mes toros en privé, qu’ils ont un regard qui te fait douter de ta carrière. Des matadors qui peuvent rester devant, il y en a peu et des novilleros, y’en a t’il?. Les toreros qui ont le bagage technique, ils ne prendront pas ces corridas-là. »
Tertulias : « Qu’est-ce qu’il faut faire pour bien toréer un toro de Yonnet ? »
Charlotte Yonnet : « Ce n’est pas mon métier, mais je sais ce que j’ai vu. J’ai vu des matadors comme Juan Bautista qui a une technique de haut niveau, capables de faire devant mes toros des choses que l’on a très peu vues. Malheureusement, c’était en privé. Après passer du privé aux arènes avec des toros sérieux, c’est autre chose. »
Tertulias : « Faut-il aller à la guerre avec eux ? »
Charlotte Yonnet : « Non, et je pense que c’est vrai pour tous les toros. Au plus vous allez être doux avec eux, au plus ils vont vous le rendre. C’est pareil avec les vaches. Combien de fois quand les toreros qui ne connaissent pas la ganaderia et en tienta, vont à la guerre avec certaines vaches qui ont du moteur et du piquant. Ils finissent par se rendre compte qu’en ne les agressant pas et les toréent en douceur, ils peuvent en sortir leur bonté. C’est la même chose avec les toros sauf qu’eux ils demandent plus d’effort.
Lamelas torée nos toros. Cette année à Arles, il a été d’un courage exemplaire et d’une très grande patience. Il a compris que ce n’était pas la peine d’aller à la guerre. En allant chercher les toros, en les amenant, il a montré que nos toros servaient aussi bien que d’autres. »
Tertulias : « C’est compliqué de voir aujourd’hui de bons tercios de piques. Là aussi, les Yonnet ne sont-ils pas victimes de leur réputation ? »
Charlotte Yonnet : « Si on regarde Roquefort. Je parle de cette novillada car c’est l’exemple le plus récent. Chaque novillo a pris trois piques. Mais elles en valaient le double. Quand on voit toutes les corridas qui sortent souvent dans les arènes de première et qui prennent une parfois deux mini-piques….Comment voulez vous qu’après avoir eu trois piques surdosées, sans même parler de mettre en valeur la mise en suerte, les toros puissent avoir une faena derrière. Leur moral en prend un coup avec ce type de premier tiers où ils sont maltraités.
Les toros sont faits pour être mis en suerte et venir au cheval pas, pour être coincés et devenir « arrêtés ». Un toro dangereux, plus il est piqué plus il est arrêté et plus il est dangereux. Je ne comprends pas qu’aujourd’hui on continue à faire cela à cause de leur réputation de dangerosité. Naturellement, ils sont un peu sur la réserve mais on les arrête encore plus, alors que ces toros ont leur faena.
J’essaie de parler parfois aux piqueros mais ils ne m’écoutent guère car ils sont aux ordres du matador. Ce sont des choses que l’on ne maîtrise pas mais qui vont influencer ces vingt minutes les plus importantes de la vie d’un animal. On attend pourtant tellement de ce moment afin que tout se passe au mieux.
Cela va tellement vite pour tout détruire, un mauvais capotazo, une mauvaise pique. Un toro donne l’impression d’être dur comme du fer, mais au fond, il est fragile comme du verre. Le toro n’est pas fou. Si tu lui fais quelque chose qui lui fait mal, qui le piège, il ne se fait pas avoir deux fois. La fois suivante même s’il est brave, s’il n’a pas de portes de sortie, il revient pour te tuer.
Depuis toujours on a cette réputation d’être le Miura français et il y a des courses qui pèsent beaucoup sur le mental des toreros. C’est vrai que cette réputation me plait mais parfois est exagérée. Du coup les professionnels et le public viennent conditionnés. Le moindre détail compliqué devient rédhibitoire. Et puis si nous sortons un toro trop noble pour le torero, les gens diront que ce n’est pas un vrai Yonnet. »
Tertulias : « Comment voyez-vous l’avenir de l’élevage du toro en France ? »
Charlotte Yonnet : « Parmi la quarantaine d’éleveurs français, nous sommes un peu privilégiés car tous n’ont pas la chance de pouvoir sortir en corridas. Nous ne faisons pas tous le même travail. Il y en a très peu qui gardent des corridas de toros, et amènent les toros à l’âge adulte. Il n’y a pas assez de débouchés. L’avenir me parait donc assez compromis même si cette année a redonné un peu d’espoir avec des gens plus nombreux et plus enthousiastes aux arènes.
Il y a la réalité économique de notre élevage. Le coût du toro a flambé, et devient tellement élevé que tous ne peuvent pas tenir. Même si le prix de revient augmente aussi en Espagne, il reste quand même en dessous du nôtre. Aujourd’hui le toro coûte trop cher par rapport au prix auquel on le vend. C’est difficile aujourd’hui d’inverser la tendance. Le coût du spectacle est très lourd à porter. Pourtant le prix de vente des toros est inférieur à celui d’il y a trente ans. C’est difficile à comprendre. Aujourd’hui ce qui n’est pas équitable. Il y a, et c’est normal des cachets minima pour les toreros alors qu’ il n’y en a pas pour les toros. Il faudrait instaurer un convenio ganadero.
En plus, à ce jour, il n’ y a pas suffisamment de solidarité entre éleveurs. C’est dommage car nous ne sommes pas nombreux. Essayons de nous donner un peu d’estime, de catégorie même s’il y a beaucoup d’écart de vue entre nous. Le ganadero est trop souvent la dernière roue du carrosse. Quand tout le monde est payé, s’il manque de l’argent pour boucler le budget, on demande à l’éleveur de faire un effort. Cela fait trente ans que nous fournissons des efforts. Nous vendons nos produits à perte. L’éleveur avant d’être venu, il a perdu de l’argent.
Il y a même des férias où les toros sont annoncés au dernier moment. Les organisateurs sortent les cartels sans le nom des élevages. On commence à se lasser de ce système que l’on ne maîtrise pas et qui est aux mains exclusives de ceux qui dirigent. C’est vrai que nous avons un œil toriste. On accorde de l’importance aux toros et c’est pour cela que tout cela nous chagrine. »
Voir le reportage photos de Phiippe Latour ⤵️
Propos recueillis par Thierry Reboul et Philippe Latour
Comme d’hab, que du plaisir à parcourir cette interview de Charlotte, qui devrait lui valoir des demandes en mariage d’écolos Anti Taurins primaires (superbe photo noir & blanc, entourée de chevaux camarguais) . Respect Madame Charlotte Yonnet.
Suggestion : les articles sur les éleveurs français pourraient être regroupés dans l’Onglet Reportage – Intrevues / Toros. Si PB de capacité mémoire (investissement), le site étant gratuit, on pourrait participer !!!!
Conclusions :
– Les ganaderos sont toujours les Dindons (que seraient la tauromachie sans les Toros ???) de la Farce Taurine (le Système Taurin Espagnol),
– Payons les toros, basta les cachets des Figuras / Pseudos Figuras (qui vident les caisses, mais ne remplissent pas les arènes. Ce sont les férias populaires qui remplissent les arènes françaises !!!!).
A _ 2023 – Charlotte
Il y a la réalité économique de notre élevage. Le coût du toro a flambé, et devient tellement élevé que tous ne peuvent pas tenir. Même si le prix de revient augmente aussi en Espagne, il reste quand même en dessous du nôtre. Aujourd’hui le toro coûte trop cher par rapport au prix auquel on le vend. C’est difficile aujourd’hui d’inverser la tendance. Le coût du spectacle est très lourd à porter. Pourtant le prix de vente des toros est inférieur à celui d’il y a trente ans. C’est difficile à comprendre. Aujourd’hui ce qui n’est pas équitable. Il y a, et c’est normal des cachets minima pour les toreros alors qu’ il n’y en a pas pour les toros. Il faudrait instaurer un convenio ganadero.
B _ 1975, 48 ans avant Charlotte, Don Edourdo Miura
Page 51 « Miura » (Jean Pierre Darracq El Tio Pepe, contribution à l’historique de la Fiesta Brava et d’un élevage prestigieux). Succulents échanges entre le Tio Pepe & Don Edouardo Miura (le patriarche) en visitant le Campo, en deudeuche (Edouardo conduisant, Jean Pierre à sa droite & sa chère épouse à l’arrière), Jose Dominguez (le Mayoral) à cheval les précédant pour ouvrir et refermer aussitôt les portails :
– Don Edouardo, je vais vous poser une question indiscrète …. ces toros qui sont devant nous, combien les vendez-vous ?
– Il n’y a pas d’indiscrétion. Exactement le même prix que mes confrères ganaderos pour une corrida analogue,
– Pas plus ?
– Non, non. Pas plus. Exactement pareil.
– Pourtant, vous êtes sollicité davantage que la plupart d’entre eux ? Ce pourrait être un motif pour vous plus exigeant ?
– Sollicité, oui. Toutes mes corridas sont vendues un an à l’avance, et quelque fois davantage. Mais ce n’est pas une raison suffisante pour que me distingue des autres. Je n’entends nullement me singulariser. Non, non ! Le prix normal. Seulement, permettez-moi de vous faire remarquer qu’à cet égard les ganaderos, nous sommes victimes d’une grande injustice. J’ai retrouvé les papiers de famille des comptes d’autrefois. Et savez-vous combien on me paie aujourd’hui un lot de 6 toros, par comparaison avec les années 1910 à 1914, toutes choses égales d’ailleurs ? Exactement la moitié ! Tandis que les toreros eux, du moins les « Figures », ont vu leurs cachets centuplés. Est-ce juste ? Est-ce que je ne suis pas, moi aussi, après tout, une vedette comme ganadero ? Je vous le dis : il se commet à notre égard une grande injustice, justement parce que nos frais ne cessent d’augmenter …….